Ruhollah Khomeyni
Chef spirituel (ayatollah) et homme politique iranien (Khomeyn, près de Qom, 1902-Téhéran 1989).
Issu d'une famille profondément religieuse, il fait des études poussées de théologie et enseigne à partir de 1927, à Qom, la ville sainte chiite. Ayant succédé, en 1962, à l'ayatollah Kachani comme autorité (mardja-e taqlid, « source d'imitation ») des chiites, il critique la politique menée par Mohammad Reza Chah Pahlavi dont il condamne la tendance à la laïcisation du régime, les orientations économiques et la « révolution blanche » – la modernisation à marche forcée du pays et la réforme agraire. Radicalisant toujours davantage son action politique, R. Khomeyni est arrêté et relâché à plusieurs reprises (1963), avant d'être finalement exilé en Turquie (1964) puis en Iraq. À Nadjaf au cours de l'année 1969, il développe sa doctrine sur le gouvernement islamique (influencée par les thèses des Frères musulmans) dans une série de treize discours, publiés l'année suivante à Beyrouth sous le titre le Gouvernement du religieux, où il affirme la primauté de l'islam dans la conduite des affaires politiques et sociales et où il élucide le concept-clé de la République islamique, le velayat-e faquih, soit la suprématie du religieux sur le politique. Expulsé d'Iraq en raison de son activisme pro-chiite (octobre 1978), R. Khomeyni se réfugie en France, dans la banlieue parisienne de Neauphle-le-Château, où il enregistre sur des cassettes diffusées en Iran, ses mots d'ordre de résistance et d'action contre la dynastie Pahlavi et ses prêches en faveur de la révolution islamique. Après son retour triomphal à Téhéran (1er février 1979), il fait approuver par référendum la création d'une République islamique (proclamée le 1er avril 1979) qu'il dote d'une Constitution autoritaire et centralisatrice, d'un Parlement (Madjlis) élu, d'un président de la République, d'une police des mœurs et d'un parti dominant, le parti républicain islamique (P.R.I.), gardant pour lui-même la fonction de Guide suprême. Par décret, il crée en mai 1979 le Corps des Gardiens de la révolution islamique (souvent abrégé en Pasdarans), une organisation paramilitaire dépendant directement de son autorité. Il favorise l'établissement d'un régime autoritaire, dans lequel les partis modérés laïques ou religieux et les partisans de gauche sont réduits au silence, ses adversaires et de nombreux responsables politiques et militaires sont arrêtés, condamnés par les tribunaux islamiques avant d'être exécutés. Les Kurdes, opposés à la nouvelle Constitution, sont sévèrement réprimés (10 000 morts en août-septembre 1979) et les étudiants islamistes se livrent à une violente campagne anti-américaine dont l'aboutissement est, le 4 novembre, l'occupation de l'ambassade des États-Unis et la séquestration de soixante otages américains. L'attaque de l'Iran par les troupes de l'Iraq (septembre 1980) crée les conditions d'une radicalisation de la révolution. Au nom du nationalisme persan, le conflit contribue à resserrer la population iranienne autour de l'ayatollah Khomeyni, mais ce dernier, en dépit du nombre croissant de pertes humaines n'accepte pas la moindre ouverture de négociations de paix jusqu'au moment où, malade, il ne peut empêcher la conclusion d'un cessez-le-feu. Quelques mois avant son décès survenu le 4 juin 1989, sa condamnation à mort de l'écrivain britannique Salman Rushdie, auteur de Versets sataniques jugés blasphématoires à l'égard de l'islam, accroît l'isolement diplomatique de l'Iran.