Guillaume II
(château de Potsdam 1859-Doorn, Pays-Bas, 1941), roi de Prusse et empereur d'Allemagne (1888-1918).
Le prince héritier
Fils du prince héritier Frédéric (le futur Frédéric III), le prince Frédéric-Guillaume – qui deviendra Guillaume II – est beaucoup plus « Hohenzollern » que son père et goûte cette ambiance de victoire qui caractérise les années 1870. Si le jeune prince s'entend mal avec son père, le kronprinz, il s'oppose plus encore à sa mère, une Anglaise, Victoria, fille de la reine d'Angleterre, car il entend affirmer son caractère prussien et rejette tout ce qui peut rappeler l'ascendance anglaise.
En conflit plus ou moins latent avec ses parents, il souffre aussi d'une infirmité congénitale. D'une naissance difficile, il garde le bras gauche atrophié et une lésion de la rotule. Peut-être ces infirmités sont-elles à l'origine d'un complexe d'infériorité, mais le jeune prince entend le vaincre : il devient bon tireur, bon cavalier.
Afin de l'éloigner de la Cour, ses parents le confient d'abord, avec son frère Henri (1862-1929), au gymnase de Kassel ; Frédéric-Guillaume y reste plus de deux ans, fréquentant ainsi à l'école les fils de la bourgeoisie. Il est surveillé par le Dr Georg Hinzpeter (1827-1907), calviniste austère, grand admirateur des Hohenzollern, homme préoccupé par la question sociale et qui lui fait visiter des usines. Après ses examens, en 1877, il reçoit une courte formation militaire avant d'entrer à l'université de Bonn. Il y mène la vie de tous les étudiants. Il entre dans la « Borussia », vieux corps aristocratique d'étudiants ; sa mentalité ne change pas. À la fin de ses études universitaires, en 1879, il est plus militariste que jamais.
Deux ans plus tard, il épouse la princesse Augusta-Victoria, fille du duc Frédéric d'Augustenburg, à qui Bismarck a enlevé les duchés danois. Peu intelligente, mais forte de beaucoup d'amour pour son mari et d'un solide bon sens, celle-ci sait tenir sa place à Potsdam, où s'installent les jeunes époux.
Frédéric-Guillaume exerce alors des commandements militaires. Il subit à cette époque l'influence du général Alfred von Waldersee, un ambitieux rêvant de devenir chancelier, et celle du pasteur Adolf Stoecker (1835-1909), apôtre du christianisme social.
L'impatience de régner du jeune prince se trouve comblée par le mal incurable qui frappe son père. Atteint d'un cancer à la gorge, Frédéric III ne règne que trois mois environ, de mars à juin 1888. Guillaume II devient donc empereur à l'âge de vingt-neuf ans.
L'avènement, le caractère
Le nouvel empereur ne manque pas de prestance, surtout en uniforme, tenue qu'il affectionne et qui est parfaitement conforme à l'image qu'il entend donner à son peuple : celle d'un maître énergique, sûr de lui et imbu de son droit. Le kaiser ne manque pas de qualités : servi par une excellente mémoire, doué d'une grande faculté de compréhension, il s'intéresse à son « métier de roi », qu'il exerce avec application. Orateur, il sait trouver le langage direct propre à enthousiasmer les foules, comme les formules exaltant un orgueil allemand, parfois outrancier, mais parfait reflet des sentiments de ses sujets. Il se veut dépourvu de préjugés ; ennemi de l'étiquette, il entend ouvrir la Cour aussi bien aux représentants de la vieille noblesse qu'aux banquiers, aux industriels, aux armateurs, qu'ils soient protestants, catholiques ou juifs.
Mais l'empereur est affligé de graves défauts. Impulsif, enclin à la précipitation, vaniteux, orgueilleux, présomptueux, il multiplie les maladresses : paroles excessives, fanfaronnades inutiles. Il supporte mal les critiques. Versatile, indécis derrière des attitudes théâtrales d'homme résolu, sujet aux sautes d'humeur, affecté par de véritables dépressions, il inquiète son entourage, qui s'interroge parfois sur son équilibre. Influençable, il subit à Potsdam, au Nouveau Palais, son inconfortable résidence habituelle, ou sur son yacht, véritable « théâtre flottant », les pressions de son entourage, et d'abord celles des membres de son cabinet : Friedrich Karl von Lucanus (1831-1908), le prudent chef du cabinet civil ; Wilhelm von Hahnke (1833-1912), parfait militaire prussien, chef du cabinet militaire. Au centre des intrigues, le maréchal de la Cour, August, comte d'Eulenburg (1838-1921), tente de se maintenir « sur un parquet glissant ». Confident, homme du monde, Philipp, prince d'Eulenburg (1847-1921), est, quant à lui, jusqu'au scandale de 1907, un homme très écouté ; plusieurs chanceliers et secrétaires d'État lui doivent leur nomination.
Guillaume II, bouc émissaire commode après la défaite, est fréquemment chargé, par ses contemporains, comme par une partie de l'historiographie allemande, de la responsabilité de l'écrasement du Reich. Ces accusations sont-elles fondées ?
Certes, d'après la Constitution de 1871, Guillaume II commande les armées, accrédite les ambassadeurs à l'étranger, promulgue les lois fédérales et, avec l'accord du Bundesrat, peut déclarer la guerre, dissoudre le Reichstag. Le chancelier et donc les secrétaires d'État ne sont responsables que devant lui. Guillaume II reste roi du plus grand État de l'Empire : la Prusse.
Très imbu de son droit, se considérant comme empereur de droit divin, il se trouve donc à la tête d'un régime qui lui laisse d'importants pouvoirs. A-t-il su les utiliser ?
Dans le choix du chancelier, qui assiste le souverain, il se montre soucieux d'écarter les personnalités marquantes : il entend, avant tout, choisir des hommes dociles, issus de l'armée, de l'Administration et non du Reichstag. Dès 1890, il se débarrasse de Bismarck et le remplace par un général, Georg Leo comte von Caprivi (1831-1899), ancien chef de l'amirauté, qui a surtout pour mérite de connaître le milieu parlementaire. Quatre ans plus tard, il choisit un vieillard, le prince Chlodwig de Hohenlohe-Schillingsfürst (1819-1901), catholique, doté d'une grande expérience administrative et diplomatique. En 1900, il le remplace par Bernhard von Bülow (1849-1929), diplomate brillant, cultivé, mais arrogant, vaniteux, souple et manœuvrier. Croyant avoir trouvé en lui « son Bismarck », il déchante et, en 1909, nomme un fonctionnaire prussien fidèle, pondéré, mais hésitant, Theobald von Bethmann-Hollweg (1856-1921).
Ainsi, Guillaume II n'a pas su choisir les hommes capables de résoudre les grands problèmes intérieurs, pour lesquels lui-même ne manifeste pas grand intérêt. Le système électoral de la Prusse n'est pas modifié ; l'empereur n'accepte le régime parlementaire qu'à la fin de la guerre, sous la pression des événements. La question budgétaire ne trouve pas de solution ; les dettes de l'Empire et de la Prusse augmentent rapidement, notamment en raison des dépenses militaires et navales, sans que le souverain sache imposer à la droite une réforme fiscale seule capable de remplir la caisse impériale. Tout en affirmant sa volonté de ne pas être le « roi des gueux », Guillaume II se contente de compléter la législation sociale bismarckienne, sans, pour autant, réussir à endiguer la montée de la social-démocratie, qui devient le plus important parti à la veille de la guerre (110 sièges au Reichstag), parce que le régime se montre incapable de résoudre la question sociale. Irrité par la propagande socialiste, l'opposition à la Weltpolitik, il se détourne du prolétariat pour soutenir l'armée, l'Administration, la noblesse, la bourgeoisie d'affaires, remparts solides contre la marée des « rouges ». Figé dans un conservatisme étroit, il porte donc une part de responsabilité dans le malaise politique et social qui affecte l'Allemagne à la veille de la guerre.
La politique extérieure
Mais on veut surtout voir en lui l'un des responsables de cette Première Guerre mondiale, résultat d'une politique extérieure ambitieuse. Ce jugement mérite d'être nuancé.
Il faut d'abord remarquer que, bien qu'attiré par les problèmes de politique extérieure, le kaiser se rallie très souvent à l'opinion de la Wilhelmstrasse, où il laisse « régner » un Friedrich von Holstein (1837-1909), par exemple, jusqu'en 1906. À partir des années 1890, le rôle d'Holstein ne cesse de grandir. Travailleur consciencieux, intègre, solitaire, ce dernier refuse de devenir secrétaire d'État, et pourtant il inspire toute la politique de la Wilhelmstrasse. Parfaitement informé par la correspondance privée, que ne manquent pas de lui adresser les diplomates en plus des dépêches officielles, il se maintient à la direction des affaires politiques de la Wilhelmstrasse bien que ses idées maîtresses – rapprochement avec la Grande-Bretagne, hostilité envers la Russie – soient en opposition complète avec celles du kaiser. Étrange situation, surtout lorsqu'on sait que Guillaume II connaît à peine cette éminence grise.
Cependant, le kaiser porte une part de responsabilité dans l'affaiblissement de la position continentale du Reich jusqu'en 1906. Bien que partisan d'un rapprochement avec la Russie, il laisse s'édifier une alliance franco-russe qui entame le processus d'encerclement de l'Allemagne. Profitant des difficultés de la Russie – battue par le Japon et en proie à la révolution en 1904-1905 –, il essaie de démontrer au tsar Nicolas II l'inefficacité de l'alliance française, si bien qu'il obtient son adhésion à un système germano-russe (Björkö, juillet 1905). Mais le tsar n'est pas suivi par son gouvernement.
En encourageant le développement de la flotte allemande, en appuyant la Weltpolitik, le kaiser ne peut manquer d'irriter la Grande-Bretagne. L'avenir de l'Allemagne étant, d'après lui, sur l'eau, il soutient fermement la politique de l'amiral Alfred von Tirpitz (1849-1930). Il appuie aussi une expansion commerciale de l'Allemagne dans le monde qui met en question la suprématie du commerce anglais. Après les paroles encourageant le président Kruger à la résistance devant la pression anglaise (3 janvier 1896), il préfère rechercher les ententes coloniales avec l'Angleterre (1898) et abandonne la cause des Boers pendant la guerre (1899-1902). Mais, toujours méfiant à l'égard de l'Angleterre, le petit-fils de la reine Victoria et neveu d'Édouard VII ne fait rien pour faire réussir les négociations (1898-1901) en vue d'une alliance avec la Grande-Bretagne, qui, en fin de compte, n'aboutissent pas. Le kaiser, pas plus qu'Holstein, ne croit à un rapprochement franco-anglais, et la conclusion de l'Entente cordiale est, pour lui, une fâcheuse surprise.
Guillaume II ne fait rien, non plus, pour éviter un rapprochement franco-italien, susceptible d'ébranler la solidité de la Triple-Alliance (ou Triplice) [Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie]. L'accord commercial franco-italien de 1898 est suivi d'un accord colonial, puis du traité politique secret de 1902 ; certes, à la même date, la Triple-Alliance est renouvelée, mais elle se trouve vidée d'une partie de sa substance, si bien que le kaiser songe à infliger à l'Italie « une correction salutaire ».
Les déceptions continentales sont-elles compensées par les succès de la Weltpolitik ? Tard venue dans la compétition coloniale, l'Allemagne entend bien obtenir des zones d'influence. Elle obtient satisfaction en Chine, où le « traité à bail » du 3 mars 1898 lui assure une large zone dans la région de Jiaozhou (Kiao-tcheou). Lorsqu'en 1900 la révolte des Boxeurs (ou Boxers) menace les Européens, Guillaume II n'hésite pas à prononcer un violent réquisitoire contre le péril jaune en conseillant aux contingents allemands de l'expédition internationale, commandée par le général von Waldersee : « Montrez l'Allemagne en Chine sous un jour si violent que jamais plus un Chinois n'ose regarder un Allemand en face. »
Dans l'Empire ottoman, la Weltpolitik connaît un succès important, auquel le kaiser participe directement. D'abord celui-ci accepte de faire un voyage dans cette région, afin d'appuyer les efforts du baron Adolf Marschall, qui s'efforce d'obtenir du Sultan le droit, pour l'Allemagne, de construire la voie ferrée Berlin-Bagdad, axe de pénétration germanique en Asie Mineure. En 1898, après avoir rencontré le Sultan à Constantinople, il entre à cheval dans Jérusalem, s'enthousiasme pour l'islam à Damas, au point de se déclarer l'ami des 300 millions de mahométans. Ses efforts et ceux de Marschall ne sont pas vains : la concession de la « Bagdadbahn » à une compagnie allemande est obtenue du Sultan en 1902, et Guillaume II multiplie les pressions sur les milieux financiers du Reich pour qu'ils accordent les concours nécessaires à cette vaste entreprise. Ces financiers, qui veulent l'aide de capitaux étrangers, n'arrivent pas à vaincre les obstacles politiques que Français et Anglais dressent contre la participation des marchés financiers de Paris et de Londres.
En Afrique, le Reich se heurte à l'Angleterre et à la France. En Afrique du Sud, l'infiltration anglaise interdit tout espoir ; en Afrique centrale, les partisans d'un « Mittelafrika » allemand comptent surtout sur un partage des colonies portugaises : leurs espoirs sont déçus, malgré l'accord secret anglo-allemand de 1898.
C'est vers le Maroc que l'Allemagne tourne les yeux au début du siècle. Pangermanistes, milieux coloniaux, grands commerçants de Hambourg y espèrent un territoire ou, du moins, un régime favorable au commerce allemand. Irrité de voir la France traiter du Maroc avec l'Italie, la Grande-Bretagne, l'Espagne, en laissant le Reich de côté, le kaiser estime avec Holstein qu'il y va du prestige pour des raisons politiques plus qu'économiques. La conjoncture paraît encourager une épreuve de force avec la France : les échecs russes en Extrême-Orient (guerre russo-japonaise) paralysent Paris, qui ne peut pas compter sur l'allié russe. Berlin veut frapper un grand coup, et, pour cela, un plan soigneusement préparé par la Wilhelmstrasse prévoit le voyage de Guillaume II au Maroc, où il devra présenter l'Allemagne comme le champion de la souveraineté du sultan. Long à se décider, le kaiser finit par débarquer à Tanger le 31 mars 1905, mais il ne prononce pas les paroles prévues ; c'est le chargé d'affaires Richard von Kühlmann qui « fabrique » le fameux discours de Tanger, texte dicté à l'agence Havas, mais jamais prononcé par le kaiser. D'un ton provocant, ce « discours » irrite la Wilhelmstrasse, qui y voit, à tort, une nouvelle incartade du kaiser. Profitant de l'effet du discours en France, Holstein demande la réunion d'une conférence internationale pour régler la question marocaine.
L'Allemagne veut-elle la guerre ?
Les chefs de l'armée « poussent » à la « guerre préventive », mais Guillaume II et le chancelier Bülow rejettent cette perspective, tout en exerçant une vive pression sur la France pour obtenir la démission de Delcassé et le règlement du problème marocain dans un sens favorable au Reich. Cependant, le kaiser s'intéresse plus à la Russie qu'à la France. La conférence d'Algésiras (1906), qui montre que l'Allemagne est isolée, se termine en défaite diplomatique pour un Reich qui, désormais, fait le complexe de l'encerclement, d'autant plus que l'accord anglo-russe de 1907 permet la naissance de la Triple-Entente.
Guillaume II devance ou appuie les efforts de la Wilhelmstrasse pour tenter de dissocier cette Triple-Entente. Dans l'affaire de l'« interview », parue dans le Daily Telegraph le 28 octobre 1908, il se couvre de ridicule en tentant de démontrer son anglophilie et sa souffrance de ne pas être payé de retour : cette initiative malheureuse, que les fonctionnaires de la Wilhelmstrasse n'ont pas su arrêter, vaut à l'empereur des critiques sévères concernant « son manque de profondeur ». Le kaiser espère toujours un rapprochement germano-russe. Il se montre réticent à l'égard de l'Autriche-Hongrie lorsqu'elle annexe la Bosnie-Herzégovine (1908), en provoquant ainsi une grave crise austro-russe, mais il appuie finalement Bülow, qui soutient Vienne et traite durement la Russie. À la fin de 1910, à Potsdam, il tente, une fois encore, d'amorcer un rapprochement ; s'il ne peut dissocier l'entente anglo-russe, il obtient du moins la signature de l'accord du 19 août 1911, par lequel la Russie s'engage à ne plus mettre d'obstacle à l'achèvement de la « Bagdadbahn ». L'accord franco-allemand du 9 février 1909 sur le Maroc semble amorcer une détente voulue par le kaiser, qui pense qu'il faut « en finir avec ces frictions ». Mais, devant l'impossibilité de donner une suite pratique à cet accord et en raison des progrès de la pénétration française, Guillaume II finit par accepter le plan d'Alfred von Kiderlen-Waechter, qui prépare la grave crise d'Agadir (1911), dont l'évolution et la conclusion, par l'accord du 4 novembre 1911, le mécontentent profondément. La tension franco-allemande devient de plus en plus vive ; le kaiser en vient à accepter l'idée d'un conflit permettant de régler les « comptes une fois pour toutes ».
Il ne veut pas saisir les diverses propositions anglaises concernant un arrêt de la course aux armements navals ; il s'irrite des pressions britanniques et reste intransigeant. Après l'échec de la mission de lord Haldane à Berlin en février 1912 – échec dû aux exigences allemandes, car Guillaume II veut un véritable renversement des alliances pour prix d'un arrêt des constructions navales –, l'empereur donne libre cours à son hostilité envers la Grande-Bretagne.
Quelle part Guillaume II prend-il dans les crises balkaniques qui mènent à la guerre ? En octobre-novembre 1912, lorsque, à la suite de la première guerre balkanique, la Serbie, soutenue par la Russie, lance ses troupes vers l'Adriatique, Vienne n'admet pas cette poussée : des mesures de mobilisation sont commencées en Autriche-Hongrie et en Russie. Guillaume II se montre hésitant ; il n'est pas disposé à soutenir Vienne. Mais ses ministres le font changer d'avis : le kaiser promet alors un appui absolu à l'Autriche-Hongrie. Lors de la deuxième guerre balkanique, Vienne songe à appuyer la Bulgarie contre la Serbie. Cette fois, le gouvernement allemand refuse son appui ; pour le kaiser, Vienne commettrait « une grosse faute » en soutenant la Bulgarie (juillet 1913). Mais, quatre mois plus tard, lors d'une nouvelle menace de conflit austro-serbe, Guillaume II donne un appui absolu aux autorités de Vienne : « Je suis prêt à tirer l'épée, si c'est nécessaire. » C'est aussi son attitude lors de la crise décisive de juillet 1914. Dès le début de la crise, il estime que le moment est favorable pour l'Autriche, car il ne pense pas que la Russie interviendra en cas de guerre austro-serbe, et, même dans cette éventualité, il promet son « plein appui ». La réponse serbe à l'ultimatum autrichien lui paraît écarter une rupture, mais l'empereur ne fait rien pour empêcher la déclaration de guerre de Vienne à Belgrade le 28 juillet. Il laisse faire les militaires, qui acceptent, voire recherchent une guerre générale ; il ne soutient pas le chancelier Bethmann-Hollweg, qui, à l'ultime moment (29-30 juillet), donne des conseils de modération à l'Autriche. Ainsi, depuis la fin de 1913, il est résigné à la guerre ; il a déclaré au roi des Belges, en novembre, qu'elle était « nécessaire et inévitable ».
Dans la dégradation de la situation internationale, depuis 1908 et surtout depuis 1911, Guillaume II a d'abord fait échouer toute tentative de désarmement naval : intransigeant sur ce point, il est largement responsable de la tension des relations anglo-allemandes. Fanfaron, impulsif, hésitant, il n'a pas su imposer sa façon de voir lorsqu'il mesure les conséquences d'un appui total à l'Autriche-Hongrie : il s'incline devant les avis de ses ministres, de ses conseillers et, de plus en plus, devant les vues de l'état-major. Dès lors, la postérité accablera ce souverain qui, à tort ou à raison, restera celui qui a plongé le monde dans le premier grand conflit de l'histoire.
La guerre, la chute
La guerre ne galvanise pas le kaiser, qui paraît incapable d'assumer ses responsabilités : c'est particulièrement net dans ses relations avec l'état-major. Dès novembre 1914, il se plaint d'être tenu à l'écart par les militaires, qui n'en font qu'à leur tête. Pourtant, il limoge Moltke, coupable d'avoir perdu la bataille de la Marne et donc de ne pas avoir su obtenir du plan Schlieffen les résultats escomptés ; il le remplace par Falkenhayn, très critiqué, même au sein de l'armée, et le soutient parce qu'il partage avec lui la conviction qu'il faut obtenir une victoire décisive à l'ouest.
Après la désastreuse bataille de Verdun et l'entrée en guerre contre l'Allemagne d'une Roumanie ménagée jusque-là par lui, parce qu'un Hohenzollern y règne, il se laisse imposer par une opinion unanime le duo vainqueur à l'est, Hindenburg et son adjoint Ludendorff, qui deviennent, à la tête de l'état-major, les véritables maîtres de l'Allemagne. Il cède également en ce qui concerne la flotte. Soucieux de la ménager, il refuse de l'engager à fond, comme le souhaite Tirpitz (1915) ; tout au plus accepte-t-il une guerre sous-marine plus intense (février 1916).
Un an plus tard, il ordonne la guerre sous-marine à outrance, malgré les risques parfaitement exposés par Bethmann-Hollweg. Il accepte aussi la démission de ce chancelier si vivement critiqué par l'état-major. Pris entre l'état-major et le Reichstag, il ne sait pas imposer son arbitrage, ce qui, à partir de 1917, met en question le régime. Il en est conscient, mais, croyant encore à la victoire en raison d'une carte de guerre qui reste favorable, il apparaît aux chefs des partis du Reichstag, en juillet 1917, comme sourd et aveugle ; il veut bien la paix, mais une paix victorieuse, donnant à l'Allemagne les buts de guerre arrêtés depuis 1914.
Le kaiser, qui ne sait pas défendre les chanceliers (Georg Michaelis, Georg von Hertling) contre l'état-major ni imposer avec eux les réformes intérieures indispensables et qui a l'impression d'être mené « par le bout du nez » par Hindenburg, semble compter sur une grande victoire pour arrêter la décomposition du régime. Éprouvé par les défaites d'août 1918, il comprend que l'Allemagne est à bout de forces et qu'il faut terminer la guerre. Mais Wilson n'entend pas traiter avec une Allemagne transformée en monarchie constitutionnelle à la suite des réformes du chancelier Max de Bade ; il exige l'abdication de Guillaume II. D'autre part, l'hostilité contre l'empereur grandit en Allemagne ; les premiers mouvements révolutionnaires éclatent au début de novembre. Comme l'armée refuse de marcher sur Berlin, où la république est proclamée le 9 novembre, le kaiser abdique et quitte le quartier général de Spa pour se réfugier en Hollande.
Il est considéré comme criminel de guerre, et les Alliés réclament son extradition afin de pouvoir le traduire devant un tribunal international. Le gouvernement hollandais refuse de le livrer et écarte l'idée de le faire transférer dans une colonie néerlandaise. L'ex-kaiser peut alors mener une vie calme dans la maison de Doorn, confiant dans une miséricorde divine, qui tiendra compte de sa bonne volonté. Il s'occupe du parc, du jardin et reçoit de nombreux visiteurs allemands : membres de sa famille, intellectuels, etc. Après la mort de Victoria-Augusta (1921), il épouse une veuve, la princesse Hermine von Schönaich-Carolath (1887-1947), née princesse von Reuss. Il jouit d'une excellente santé jusqu'à la fin de sa vie, et c'est une embolie pulmonaire qui l'emporte à l'âge de quatre-vingt-deux ans, le 4 juin 1941.