Rosa Luxemburg
Théoricienne et révolutionnaire allemande d'origine polonaise (Zamość, près de Lublin, « royaume du Congrès » alors uni à l'Empire de Russie, 1871-Berlin 1919).
1. Débuts de militantisme en Pologne
Née dans une famille juive aisée qui vit à Varsovie, elle milite dès le lycée dans un cercle révolutionnaire. En 1889, elle se rend illégalement à Zurich, où elle fait des études d'économie politique. Elle obtient son doctorat en 1897, avec une thèse sur le Développement industriel de la Pologne.
Avec le noyau de ce qui, issu du PPS (parti socialiste polonais) deviendra en 1894 la SDKP (social-démocratie du Royaume de Pologne) et avec Leo Jogiches, qui sera son compagnon de vie de 1890 à 1905, elle fonde en 1893 le journal Sprawa Robotnicza, qu'elle rédige à Paris. Son mandat, au nom du journal, est repoussé par le congrès socialiste international de Zurich en 1893.
La pomme de discorde avec le PPS est la position sur la question nationale. Durant toute sa vie militante, tout en nuançant ses positions, Rosa Luxemburg se prononcera contre la reconstitution d'une Pologne indépendante, mais pour son autonomie territoriale dans un Empire russe démocratisé : en 1896, dans la polémique avec le PPS au cours du congrès de Londres de l'Internationale, qui marque son entrée dans l'arène internationale ; en 1905, lors de la révolution russe ; en 1908-1909, dans une série d'articles en polonais, la « Question nationale et l'Autonomie » ; en 1916, dans la Crise de la social-démocratie et, jusqu'en 1918, dans le « Fragment sur la guerre, la question nationale et la révolution », qui constitue peut-être un chapitre de sa célèbre brochure inachevée sur la Révolution russe.
2. Militante du parti social-démocrate allemand
En 1898, Rosa Luxemburg s'assure la nationalité allemande par un mariage blanc avec Gustav Lübeck et s'installe à Berlin. Là, elle se lance dans un grand débat autour de la crise du marxisme, déclenchée par les écrits révisionnistes d'Eduard Bernstein. De cet affrontement naît Réforme sociale ou Révolution (1898).
Après une brève période où elle est rédacrice en chef à la Sächsische Arbeitzeitung, elle devient collaboratrice régulière de la Leipziger Volkzeitung et fait partie de sa rédaction à partir de 1902. Déléguée à la plupart des congrès du parti social-démocrate allemand (SPD) et à ceux de la IIe Internationale, elle est également membre du Bureau socialiste international de 1904 à 1914. Mais elle continue aussi à diriger la SDKP, devenue SDKPiL, après la fusion en 1900, avec la social-démocratie de Lituanie, et c'est à ce titre qu'elle entretient des relations avec le parti russe, le parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR). En désaccord avec Lénine, elle lui oppose en 1904 son article « Questions d'organisation de la social-démocratie russe ».
3. Grève de masse et antimilitarisme
À la fin de 1905, Rosa Luxemburg se rend à Varsovie pour participer à la révolution. Arrêtée en compagnie de Jogiches en mars 1906, elle est libérée sous caution en juillet et séjourne à Kuokkala, en Finlande, où elle fréquente l'état-major du POSDR. Elle y rédige Grève de masse, parti et syndicats, où elle tire pour la social-démocratie allemande les leçons de la révolution en Russie et en Pologne. La grève de masse devient l'axe de sa stratégie révolutionnaire, qui l'amènera à rompre avec Karl Kautsky.
En tant que déléguée de la SDKPiL et représentante du SPD, elle assiste au congrès de Londres du POSDR en 1907. La même année, au congrès socialiste international de Stuttgart, elle présente avec Lénine et Martov un amendement à la résolution sur l'attitude que doit adopter le socialisme international en cas de guerre.
À partir de 1906, Rosa Luxemburg enseigne l'économie politique à l'école du SPD. Cette activité donnera naissance à deux ouvrages : l'Introduction à l'économie politique (1925), issue de ses conférences, dont elle reprendra la rédaction en prison en 1916-1917, et l'Accumulation du capital (1913), où elle expose ses conceptions de l'impérialisme. Cet ouvrage fera l'objet de nombreuses critiques, auxquelles elle répondra dans l'Anticritique.
À partir de la rupture avec Kautsky (1913), elle tente d'assurer la cohésion de la gauche du SPD, mettant l'accent sur l'antimilitarisme : en 1911, dans l'affaire du Maroc ; en 1914, où elle est condamnée pour « incitation de militaires à l'insubordination », lors d'un meeting à Francfort, à un an de prison, qu'elle purgera à partir de février 1915.
4. La fondation de Spartacus et du parti communiste allemand
Dès août 1914, Rosa Luxemburg participe au regroupement de la gauche hostile à la guerre et se rapproche de Karl Liebknecht. Le groupe publie un numéro de Die Internationale, qui sera saisi dès sa parution en avril 1915 et interdit. C'est en prison qu'elle rédige la Crise de la social-démocratie (1916), sous le pseudonyme de Junius.
Arrêtée une nouvelle fois en 1916 à titre de « protection », elle passe en prison le reste de la guerre. Là, elle collabore aux Lettres de Spartacus, où paraissent, notamment, ses analyses de la révolution russe, qui comportent de sérieuses critiques envers les bolcheviks : sur la question agraire, la question nationale et l'exercice de la démocratie.
Sa brochure inachevée sur la Révolution russe, qui ne sera publiée qu'en 1921 par Paul Levi, donnera lieu à de nombreuses polémiques.
Libérée par la révolution de novembre 1918 en Allemagne, Rosa Luxemburg rejoint la centrale du groupe Spartacus, rédige avec Karl Liebknecht Le Drapeau rouge, et tente en vain de prendre pied dans le mouvement des conseils ouvriers et de soldats. Elle est l'auteur du document programmatique du parti communiste allemand, fondé le 1er janvier 1919.
Elle participe, contre son gré, à la révolte spartakiste. Arrêtée le 15 janvier 1919 avec Karl Liebknecht elle est abattue par les Freikorps (« corps francs »), qui jettent son cadavre dans le canal de la Spree.
Pour en savoir plus, voir les articles histoire de l'Allemagne, révolution russe de 1917, spartakisme.