Nick Clegg
Homme politique britannique (Chalfont St Giles, Buckinghamshire, 1967).
1. Une étoile montante de la vie politique
Fils de banquier, lui-même d’origine aristocrate russe, et d’une mère d’ascendance hollandaise, Nick Clegg représente par ses origines familiales les classes moyennes supérieures libérales, attachées au pluralisme et au multiculturalisme anglais. Parlant couramment plusieurs langues, il entre dans la prestigieuse école privée de Westminster puis, après différents séjours d’échange européen (Allemagne, Autriche) à la non moins réputée université de Cambridge où il étudie l’anthropologie, non sans participer à des troupes de théâtre et jouer notamment en compagnie de l’actrice Helena Bonham Carter sous la direction de Sam Mendes.
Il obtient une bourse d’étude pour rédiger une thèse de philosophie politique à l’université du Minnesota, puis intègre en tant que stagiaire la rédaction du magazine progressiste new-yorkais The Nation. De retour en Europe, et notamment à Bruxelles puis au collège européen de Bruges où il entreprend une seconde maîtrise et rencontre une avocate, fille d’un sénateur espagnol, qui deviendra son épouse, il part en Hongrie en tant que correspondant pour le Financial Times avant de rejoindre en 1994 l’équipe de conseillers du commissaire européen au Commerce Leon Brittan.
Distingué par le leader libéral-démocrate Paddy Ashdown, il se présente avec succès sous les couleurs de cette formation aux élections européennes de 1999, puis, après un passage dans le privé et à l’université de Sheffield à la fin de son mandat en 2004, entre aux Communes comme député de cette circonscription à l’issue de la consultation générale de 2005. Remarqué par Charles Kennedy, qu’il contribue toutefois à pousser à se retirer de la direction du parti libéral-démocrate, N. Clegg se rallie au nouveau leader sir Menzies Campbell élu en 2006 et en devient le porte-parole, en tant que spécialiste notamment des Affaires étrangères. Mettant aussi l’accent sur les libertés publiques et l’environnement, il succède à ce dernier à la tête de la formation centriste en 2007, contre Chris Huhne, qu’il prend soin d’adjoindre dans son équipe rapprochée, qui comporte entre autres Vince Cable.
Porté par le scandale des défraiements indûs des députés qui éclabousse la Chambre à partir de 2008, N. Clegg propose une réforme du Parlement et profite de la demande générale de changement qui semble émaner de l’électorat à l’approche du scrutin général de 2010. Lors de la campagne qui s’engage, il se distingue par les réformes fiscales qu’il propose, son plaidoyer en faveur d’une régulation financière plus stricte, et ses prestations télévisées qui placent dans les sondages son mouvement au coude-à-coude avec les deux autres grands partis, conservateur et travailliste, et lui laissent augurer une position de « faiseur de roi » dans un Parlement qui pourrait ne donner à ces deux derniers aucune majorité absolue susceptible de placer l’un ou l’autre à la tête du pays.
2. À l'épreuve du pouvoir
De fait, malgré un score relativement décevant au vu des attentes initiales (23 % des voix, un point de plus qu’en 2005, mais 6 députés de moins, avec 57 sièges),N. Clegg finit par se rallier à la majorité relative des tories de David Cameron et former avec ce dernier, en tant que vice-Premier ministre un tandem gouvernemental inédit depuis 1945 et dans l’histoire des deux formations respectives. Amené à accepter les mesures d’austérité drastique que le nouveau chef du gouvernement engage et à revenir, moyennant quelques concessions, sur le programme qu’il avait soumis aux électeurs, il paie chèrement le prix de ces compromis : la chute de sa cote de popularité est à l’égale de celle de son parti, qui enregistre un très faible score aux élections locales de 2011 (15 % des suffrages) et voit en même temps enterrer par référendum (à près de 70 %) la proposition de réforme du mode de scrutin et l’ajout d’une dose de proportionnelle dont il était un farouche partisan.
Le soutien qu’il apporte aux projets de régulation financière, sa proposition de distribution populaire d’actions des grandes banques nationalisées et la réponse, certes effective mais limitée, à sa demande de réforme du système des médias à la suite de l’éclatement du scandale News of the World au début de l’été 2011 ne changent guère la donne ; par la suite, N. Clegg ne parvient guère plus à contrecarrer l’orientation de plus en plus droitière et eurosceptique du Premier ministre ni à faire accepter son idée d’élection et de révision de la composition de la chambre des Lords. Tout au plus réussit-il à résister jusqu'à la fin de 2012 aux pressions répétées des tories en vue d’abaisser la fiscalité des plus riches et à contester le redécoupage des circonscriptions en cours. Sa cote de popularité en berne, les nouvelles déconvenues libérales-démocrates aux municipales de mai 2012 et surtout l’entrée au gouvernement en septembre 2012 d’ultras du parti conservateur sont autant d’indices d’une très sensible perte d’influence.
Amené à entériner le durcissement des positions du Premier ministre, que ce soit sur l’Europe ou les questions sociales, il doit essuyer une nouvelle défaite aux élections locales de mai 2013 (plus mauvais score de sa formation, à 14 % des voix, perte de 124 conseillers, et relégation en quatrième position, du fait de la percée des populistes et anti-Européens de l’UKIP) ; de surcroît, à la fin d’août, il se trouve en porte-à-faux par rapport à une partie du groupe parlementaire aux Communes, quand une coalition de travaillistes, de conservateurs et de lib-dem refusent au gouvernement l’utilisation de la force en Syrie – toutes choses qui alimentent la contestation interne pour le leadership du parti… Puis à la fin de l’année, c’est Vince Cable, le ministre du commerce, qui fait à nouveau publiquement part de ses interrogations sur la double position résolument eurosceptique et anti-immigration adoptée par le Premier ministre.
Si des scandales d’ordre privé écartent au début 2014 du parti deux vieux briscards et permettent à N. Clegg de renforcer l’alignement de son mouvement sur l’allié tory, son influence ne s’en étiole pas moins : les lib-dém sont laminés au scrutin européen de mai 2014, arrivant cinquièmes derrière les Verts, avec moins de 7 % des voix. Et ils touchent un nouveau fond aux élections locales qui se tiennent simultanément, largement dévancés par l’UKIP, ne remportant que 13 % des suffrages et perdant 40 % de leurs sièges de conseillers. Au point d’hypothéquer un peu plus encore l’éventuelle prolongation au-delà de 2015 de leur alliance avec les conservateurs…
La participation à un gouvernement, dont le chef de file choisit stratégiquement dans la dernière ligne droite avant le scrutin général de mai 2015 de droitiser un peu plus l’orientation et de l’engager dans un bras-de-fer avec l’UE, place davantage encore les lib-dem en porte-à-faux avec ce qu’il leur reste de soutien dans l’électorat ; d’autant que N. Clegg se voit contraint d’emboîter le pas au Premier ministre, à propos de l’immigration notamment. Aussi le verdict des urnes tombe-t-il comme un couperet : si celui-ci sauve son siège de la banlieue de Sheffield, tel n’est pas le cas des autres grandes figures du parti, comme Charles Kennedy, Vincent Cable ou Simon Hughes, qui tous mordent la poussière. Avec seulement 7,9 % des voix et un contingent réduit à 8 députés (contre 57 sortants), le parti enregistre une déroute cinglante et se voit pratiquement rayé de l’échiquier politique. Prenant acte de la sanction, N. Clegg démissionne dans la foulée de son poste de leader du mouvement. À charge pour son successeur de faire oublier ce qui a posteriori apparaît comme une aventure dramatique, et sans suite : l’épisode de la responsabilité partagée des affaires.
Pour en savoir plus, voir l'article Grande-Bretagne : vie politique depuis 1979.