Chambre des lords
Chambre haute en Grande-Bretagne.
1. Brève histoire de la Chambre des lords
1.1. La composante la plus ancienne du Parlement
L'origine de la Chambre des lords se confond avec celle du Parlement. Issue du grand conseil, elle prend peu à peu sa forme définitive et acquiert une importance croissante du début du xiiie siècle (→ la Grande Charte) jusqu'au milieu du xve siècle (→ guerre des Deux-Roses).
1.2. Deux chambres distinctes et concurrentes
À partir du milieu du xive siècle, la distinction entre les Communes et les lords est effective.
Les lords sont en principe les tenants en chef féodaux du roi, que celui-ci convoque individuellement au Parlement : en fait, le titre devient héréditaire et passe de père en fils aîné, mais le roi a toujours la faculté de créer de nouveaux lords.
Les Communes se spécialisent très tôt dans un rôle fiscal, alors que les lords continuent de jouer le rôle d'une cour d'appel, et que leur assentiment est nécessaire pour que les ordonnances royales aient rang de statut.
La prééminence des lords se trouve soumise, au xviie siècle, à la concurrence sévère de la Chambre des communes, qui, dès le xviiie siècle, les relègue au second plan.
1.3. Des pouvoirs progressivement réduits
Au cours de l'époque victorienne s'accentue la décadence de la Chambre des lords, représentant une aristocratie foncière dépassée par l'industrialisation du pays. Les pouvoirs encore considérables qu'elle détient paraissent anachroniques. Aussi la crise constitutionnelle de 1909 aboutit-elle à la loi de 1911, qui dépouille les lords de leur rôle législatif ; en 1948, une nouvelle loi réduit encore leur pouvoir, maintenant cependant leur droit de veto suspensif d'un an sur les projets de loi autres que financiers. La Chambre des lords conserve toutefois un pouvoir juridictionnel de tribunal supérieur d'appel.
2. Une réforme laborieuse
2.1. Pourquoi une réforme ?
Le principal reproche qui est fait à la Chambre de lords porte sur la contradiction qu'elle présente avec les principes de la démocratie participative : comment justifier la pérennité d'une institution qui est fondée non pas sur l'élection au suffrage uiversel, comme la chambre des Communes, mais sur le hasard de la naissance, pour les pairs héréditaires, ou sur les décisions personnelles d'un Premier ministre, pour les pairs à vie ?
2.2. Les travaillistes
À son arrivée au pouvoir en 1997, le Premier ministre Tony Blair envisage de faire élire ses membres au suffrage universel. En 1999, les lords perdent le privilège de s'opposer aux volontés législatives de la Chambre des communes ; 600 des quelque 700 pairs héréditaires sont remplacés par des membres désignés. Mais la réforme élective prévue initialement est mise entre parenthèses : il n'est en effet pas question qu'une chambre haute élue puisse arguer de sa nouvelle légitimité pour faire ombrage aux Communes et au cabinet.
T. Blair préconise désormais l'instauration d'une commission indépendante, chargée de désigner les membres attitrés. Les opposants du Premier ministre y voient un moyen pour le pouvoir en place de contrôler la chambre haute. Un comité, chargé de faire des propositions sur le mode de sélection des lords, soumet en 2002 différentes options, panachant nomination et élection dans des proportions variables ; elles sont toutes rejetées aux Communes en février 2003, mais il s'en est fallu de quelques voix pour que le projet d'une chambre haute élue pour 80 % de ses membres et nommée pour les 20 % restants soit adopté.
En octobre 2003, T. Blair installe la première femme noire au sein de la vénérable assemblée, Valerie Ann Amos, avec pour mission de faire adopter une réforme, et plus précisément celle envisageant une chambre entièrement nommée par une commission ad hoc. Les consultations se poursuivent, menées par le chef des Communes Jack Straw à partir de 2006. Leurs conclusions reprennent nombre des schémas définis en 2002.
En mars 2007, les députés votent une loi mettant fin aux pairs héréditaires et, se prononçant à nouveau sur les différents scénarios possibles, adoptent, contre l'avis de T. Blair, le principe d'une chambre élue à 80 % et même à 100 % ; propositions aussitôt retoquées par les lords, qui, pour leur part, soutiennent l'idée d'une assemblée nommée.
En juillet 2007, le nouveau Premier ministre Gordon Brown confie la tâche de mener à son terme la réforme (composition et attributions de l'assemblée, mode de désignation de ses membres) à son secrétaire à la Justice, qui n'est autre que J. Straw. Les lords poursuivent leur résistance : en octobre 2008, ils rejettent le projet d'extension de la garde à vue des présumés terroristes pourtant votée (difficilement) par les Communes quelques mois plus tôt, contraignant le Premier ministre à passer l'éponge sur une initiative qui lui tenait à cœur. Toutefois la mise au jour de trafics d'influence au sein de la chambre haute (scandale dit de l'« erminegate », ou des dérives impliquant des membres de l'assemblée qui sont en même temps consultants) en janvier 2009 relance la procédure gouvernementale, l'opinion publique ne se satisfaisant pas des mesures prises en interne par sa présidente, la baronne Royall.
2.3. Les conservateurs et libéraux-démocrates
Au pouvoir à partir de mai 2011, les conservateurs et libéraux-démocrates entendent s’employer à leur tour à réformer la vénérable institution : si, un temps, ils obtiennent le soutien de certains travaillistes, dont leur nouveau leader Ed Miliband, leur projet de réduction des sièges fait craindre à ces derniers un redécoupage partisan qui leur serait défavorable et laisse augurer toutes sortes de manœuvres d’obstruction. Le projet, présenté à l’issue des élections locales et du référendum sur le mode de scrutin de mai 2011 et précisé un an plus tard en avril 2012, prévoit en effet une Chambre haute composée de 450 membres, élus à la proportionnelle pour 80 % d’entre eux, et de quelques sièges réservés pour faire place aux évêques de l’Église d’Angleterre ; il envisage d’interdire à tout lord d’effectuer plus d’un mandat de 15 ans.
Portée par le vice-Premier ministre et soutenue par les libéraux-démocrates soucieux d’une meilleure représentativité de l’assemblée (et notamment d’une plus grande présence en son sein de femmes et de porte-paroles de minorités ethniques), la réforme heurte en définitive l’establishment politique britannique, dont l’entourage de la reine, la plupart des lords en fonction, les tories, au Parlement comme au gouvernement, mais aussi le gros du Labour. Cette opposition tous azimuts tient notamment au rôle de contre-pouvoir que pourrait détenir dans ce schéma la nouvelle assemblée, du fait du surcroît de légitimité qu’elle acquerrait par les urnes. Aussi, et ce malgré tous les efforts de Nick Clegg pour trouver un compromis, la réforme se voit définitivement enterrer à l’été 2012, faute de partisans aux Communes.
2.4. La réforme de 2013
Finalement, une réforme limitée voit le jour dans le courant 2013. Soutenue par l’ensemble de la classe politique, approuvée au début 2014, elle donne le droit aux membres de la haute Assemblée de prendre leur retraite ou de démissionner, et prévoit la non-reconduction des lords pour cause d’absentéisme, d’activités délictueuses ou de casier judiciaire. Toutefois, la perspective envisagée lors de la campagne pour le maintien des Écossais dans le royaume à l’été 2014 d’une dévolution étendue des pouvoirs concédée à Édimbourg comme aux autres provinces du royaume lors de la campagne semble devoir à terme rouvrir le débat sur la nature, le rôle et la composition de la seconde Chambre du pays. En outre, en juillet 2015, des affaires de mœurs éclaboussant certains de ses dignitaires scandalisent l’opinion qui demande que ses structures et ses attributions soient enfin dûment amendées. Sans pourtant qu’il y ait de suite effective… Au contraire même : ce sont 45 nouveaux Lords qui rejoignent leurs collègues de Westminster le mois suivant, ce qui porte sa taille à 826 membres de droit (auxquels s’ajoutent une cinquantaine de personnalités ne pouvant, pour différentes raisons, sièger et prendre part aux discussions et/ou aux votes) et en fait l’assemblée législative la plus importante du monde après le Congrès national populaire chinois. Voilà cependant un argument supplémentaire pour abonder dans le sens d’une réforme significative…
Pour en savoir plus, voir les articles Grande-Bretagne : histoire, Grande-Bretagne : vie politique depuis 1979.