David Cameron
Homme politique britannique (Londres 1966).
1. Conservateur, produit de l’élite
Fils d'un agent de change de la City et d'une magistrate fille de baron, elle-même lointaine descendante en ligne indirecte de Guillaume IV, il passe une enfance dorée dans un petit village du Berkshire avant de suivre le cursus honorum de l'élite britannique : pensionnaire dès l'âge de 7 ans de Heatherdown School, il intègre ensuite la prestigieuse école d'Eton puis entre à l'université d'Oxford dont il sort brillamment diplômé en économie, philosophie et politique en 1988. À l'encontre de la plupart de ses condisciples, il choisit alors la voie publique et rejoint le parti conservateur, en particulier sa direction d'études. Il épouse également Samantha Sheffield, fille de baronnet, et qui est tout comme lui indirectement de sang bleu (un de ses ancêtres n'est autre que Charles II).
Il fait un passage dans le privé en tant que directeur de la communication au sein du groupe de médias Carlton (1994-2001), tandis qu'il occupe plusieurs postes de conseiller (Trésor, Intérieur) auprès du gouvernement de John Major (1990-1997) puis est élu député de Witney (près d'Oxford) en 2001 et fait partie du cabinet fantôme à partir de 2003. Parvenu à la tête des tories sur la base d'un projet modernisateur (2005), il rompt avec le discours néo-thatchérien (baisse des impôts et réduction drastique des services publics) toujours en vogue dans l'appareil, pour prôner un « conservatisme compassionnel », soucieux des déshérités et promettant de défendre l'éducation, la santé, et jusqu'à l'environnement, autant de thèmes proches du blairisme et destinés à séduire les classes moyennes que le New Labour a conquises. Capitalisant également sur sa jeunesse, il parvient à rénover l'image de son parti, dévasté par les dissensions internes et une suite de revers électoraux, mais, en raison notamment de sa lenteur à réagir à la crise financière à l’automne 2008, de son revirement sur l'Europe en novembre 2009, et d’affaires fiscales qui éclaboussent certains de ses collaborateurs à partir de la fin d'année, peine encore à convaincre pleinement l'opinion de sa capacité à diriger le pays et à redresser ses comptes comme son économie.
Néanmoins, sa prompte décision de sanctionner les coupables lors de l'éclatement du scandale des notes de frais des parlementaires en mai 2008, sa proposition de réforme des institutions, et plus généralement l'aspiration au changement de Britanniques, lassés et déçus par Gordon Brown et sa gestion de la crise, mènent sa formation à une demi-victoire lors des élections générales de mai 2010 : elle arrive nettement en tête, mais n'obtient pas de majorité absolue au parlement. Finalement, à la suite d'un accord conclu avec les libéraux-démocrates sur un programme (historique) de gouvernement de coalition, D. Cameron est nommé Premier ministre, devenant le plus jeune titulaire de la fonction en près de deux cents ans.
2. Premier ministre, à la tête du pays et d’une coalition gouvernementale (2010-2015)
La coalition inédite qu’il forme dès lors avec la formation centriste l’oblige à réfréner les tropismes transatlantiques, eurosceptiques et ultra-libéraux d’une grande partie de son parti. Secondé par le chef des libéraux-démocrates Nick Clegg, il s’engage à ne pas provoquer de nouvelles élections générales avant la fin de la mandature, à tenir un référendum sur une révision du mode électoral, susceptible d’instiller une dose de proportionnelle qu’il ne soutiendra cependant pas, à relever le seuil de l’imposition des foyers et à modérer à la fois son hostilité à Bruxelles et son attachement à Washington. De fait, il renonce bien vite à demander à l’Union européenne de rapatrier à Londres les pouvoirs communautaires délégués. Dans le programme de réduction drastique du déficit budgétaire sur 5 ans qu’il élabore de concert avec George Osborne – son chancelier de l’Échiquier –, D. Cameron accepte d’exonérer près d’un million de contribuables, non sans toutefois diminuer très significativement les allocations, prévoir une baisse non moins sensible du nombre de fonctionnaires et des retraites, assécher les dépenses publiques et chercher à mettre en œuvre un projet de « Big Society » destiné à refondre et limiter la portée de l’État providence institué après-guerre.
En outre, il entend durcir les conditions d’immigration, au grand dam de ses partenaires de gouvernement. De fait, le tandem qu’il forme avec les libéraux-démocrates, qui voient leur cote de popularité dégringoler avec la conjoncture et les annonces successives de plans de rigueur, n’est pas exempt de tensions. Les élections locales et le référendum sur le système électoral qui se tiennent en mai 2011 infligent une raclée à ces derniers, épargnant de la vindicte populaire les conservateurs et le Premier ministre engagé dans l’aide apportée aux rebelles libyens au colonel Kadhafi et ne permettant pas à l’opposition travailliste de trouver un réel élan.
Toutefois, si sa gestion des émeutes urbaines de l’été 2011 convainc l’opinion, les troubles attestent l’échec patent de sa politique de « Big Society » et entérinent, au contraire, l’avènement d’une « Broken Society », victime des programmes d’austérité et de l’absence de redémarrage de l’économie. Aussi la grogne sociale s’ajoute-t-elle aux dissensions de plus en plus manifestes au sein de la coalition au pouvoir, aux pressions ravivées par la crise grecque des eurosceptiques du parti et aux scandales qui affectent médias, politiques, et en particulier conservateurs et gouvernement pour contester son autorité. L’échec des élections partielles de mai 2012 et la cote en berne de D. Cameron nourrissent un temps l’idée de son remplacement par le bouillant maire réélu de Londres, Boris Johnson. Capitalisant sur le succès du jubilé de diamant de la reine et des Jeux Olympiques, le Premier ministre décide de donner des gages aux ultras de sa formation en remaniant son cabinet en septembre et en adoptant une ligne résolument eurosceptique.
Dès lors, il droitise son discours et son orientation politique, n’hésitant pas à croiser le fer avec ses homologues européens pour arracher une ristourne sur la contribution britannique, contrer tout renforcement de l’Union et imposer une baisse historique du budget des 27 pour la période 2014-2020. Il se rallie aussi à l’idée de référendum sur le maintien de l’adhésion du Royaume à l’UE après 2015, mettant cette question au cœur des enjeux des futures élections générales. Sur le front social, pour contrebalancer son soutien au plafonnement des allocations familiales pour les plus aisés et au mariage homosexuel, il stigmatise les chômeurs et décide de réduire le montant des aides sociales comme d’en limiter l’accès aux immigrés récents. Il poursuit par ailleurs et approfondit la politique de rigueur et d’offre compétitive menée jusque là par son gouvernement.
D’où de nouveaux déboires électoraux, lors des consultations locales de mai 2013. Les tories comme leurs alliés lib-dem, à des niveaux historiquement bas (25 et 14 % respectivement), perdent non seulement des centaines de postes de conseillers mais affrontent la concurrence sur leur droite de l’UKIP, qui arrive troisième, avec 23 % des suffrages. En outre, la « relation spéciale » du royaume avec les États-Unis souffre pendant l’été de l’impact des révélations sur les écoutes de la NSA et plus encore du refus du Parlement à la fin août d’autoriser le Premier ministre à utiliser la force pour soutenir les rebelles syriens aux côtés de la France et des États-Unis.
Le redressement inattendu et l’accélération marquée de la croissance (à près de 2 % pour 2013 puis 2,6 % pour 2014)) sont toutefois de nature à rasseoir l’autorité de D. Cameron sur son parti comme sa crédibilité dans le pays même si ces bons chiffres ne permettent pas plus de combattre les déficits que d’envisager une autre politique que celle de la rigueur. Plus que jamais menacé par l’essor d’un UKIP qui réalise le tour de force d’arriver en tête du scrutin européen de mai 2014, fait bonne figure aux élections locales simultanées puis débauche deux députés tory dans la seconde partie de l’année, le Premier ministre maintient une ligne d’opposition intransigeante à Bruxelles, sans grand effet cependant. En préparation de la future campagne qu’il s’apprête à mener, il réorganise et rajeunit son cabinet pendant l’été, appelle au redoublement des sanctions contre la Russie de V. Poutine pour ses manœuvres en Ukraine, et engage finalement son pays dans la coalition internationale chargée de combattre l’État islamique au Levant. Tardives, son intervention en faveur du maintien de l’Écosse dans le Royaume-Uni et ses propositions d’extension des droits dont elle pourra à l’avenir bénéficier n’en contient pas moins, au même titre que l’implication active des autres leaders du pays, la dynamique des indépendantistes locaux, qui, de fait, échouent à détacher Edimbourg de Londres lors du référendum tenu sur le sujet en septembre 2014.
Mais le débat sur l’UE, qui se durcit à l’orée 2015 dans le cadre de la campagne pour les élections générales de mai, a tôt fait de raviver les espoirs de ces europhiles et de relancer la perspective d’une nouvelle consultation dans l’hypothèse où les Britanniques décideraient de couper leur lien avec Bruxelles. Pressé par l’UKIP et soucieux d’embarrasser ses autres concurrents, alors même que l’issue du scrutin s’avère des plus incertaines, D. Cameron fait en effet le choix tacticien de droitiser ses positions et se rallie à l’idée d’avancement du référendum sur la prolongation ou non de l’adhésion du royaume dans l’Union, quitte à donner un peu plus de grain à moudre aux partisans de la deuxième option.
Pour en savoir plus, voir l'article Grande-Bretagne : vie politique depuis 1979.
3. Le second mandat (2015-2016)
Le scrutin de mai 2015 valide ces orientations et, contre toute attente, accorde au Premier ministre sortant et aux conservateurs une nette victoire ainsi qu’une majorité absolue aux Communes. Délivré du soutien gênant des lib-dem, D. Cameron, reconduit au 10 Downing Street, compose un cabinet 100 % tory où il renouvelle sa confiance à ses fidèles et fait la part belle aux eurosceptiques du parti. Priorité est dès lors donnée à la réduction substantielle et conjointe du déficit, des dépenses publiques, et de la part de celles-ci dans le PIB. Mais alors même que l’horizon politique semble se dégager (ce programme économique très libéral ne suscite pour l’heure qu’un mécontentement limité, la croissance se poursuit sur un rythme soutenu, l’UKIP peine à se remettre de son insuccès, et les travaillistes élisent à leur tête Jeremy Corbyn, un député radical très marqué à gauche et susceptible de détourner d’eux le gros des classes moyennes), la pression qu’exercent en interne les plus farouches défenseurs du « Brexit » (retrait du royaume de l’UE) menace d’entraver l’action du chef du gouvernement ; d’autant plus que ce dernier a fait connaître son intention de ne pas briguer de troisième mandat, fragilisant par là-même son autorité et nourrissant toutes sortes d’ambitions voire de manœuvres potentiellement perturbatrices au sein de sa formation…
En février 2016, D. Cameron annonce que le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (« Brexit ») se tiendra le 23 juin. Le 24 juin, les résultats du vote donnent l’avantage au camp du « Brexit » ou « out ». Le Premier ministre, qui avait fait campagne pour le maintien dans l’UE, démissionne en juillet et est remplacé par Theresa May.