Maria Magdalena, dite Marlene Dietrich
Actrice et chanteuse allemande, naturalisée américaine (Berlin 1901-Paris 1992).
Grâce à sa présence fascinante et à sa voix sensuelle, Marlene Dietrich fut l'incarnation de la femme fatale, « faite pour l'amour de la tête aux pieds » comme elle le chanta elle-même. Elle demeure l'un des grands mythes du cinéma.
De Sternberg à Welles
Actrice de revue, Marlene Dietrich débute à l'écran en 1922. À partir de 1926, elle occupe le rôle principal dans de petites productions. En 1930, lorsque Josef von Sternberg la choisit pour l'Ange bleu, elle est déjà précédée d'une belle réputation. Sternberg est très vite fasciné par l'exceptionnelle présence physique de l'actrice. Il lui propose de l'emmener à Hollywood. Tandis que l'Ange bleu rencontre un énorme succès en Europe, elle tourne Cœurs brûlés [Morocco] (1930) : le mythe de Marlene Dietrich, soutenu par un cinéaste de génie, est né. Jusqu'en 1935, elle tourne cinq films pour le cinéaste américain d'origine autrichienne : X 27 (1931), Blonde Vénus (1932), Shanghai Express (id.), l'Impératrice rouge (1934) et la Femme et le Pantin (1935).
Marlene Dietrich souhaite alors changer de style. Elle tourne Désir (1936), une comédie de Frank Borzage. Mais, par la suite, ni le Jardin d'Allah (Richard Boleslawski [1889-1937], 1936) ni Ange (1937), le film d'Ernst Lubitsch, ne sont des succès. Trop lointaine, Marlene Dietrich n'enthousiasme plus le public. Si bien qu'elle accepte le rôle principal dans un western a priori mineur : Femme ou Démon (George Marshall [1891-1975], 1939). Son entrain, son humour, sa drôlerie, autant de qualités que Sternberg avait obscurcies, font merveille, et le public, de nouveau, la plébiscite. Elle continue dans ce registre jusqu'à la fin des années 1940 (la Maison des sept péchés, Tay Garnett [1894-1977], 1940 ; l'Entraîneuse fatale, Raoul Walsh, 1941 ; la Belle Ensorceleuse, René Clair, 1942). Son succès est encore renforcé par sa popularité auprès des GI, acquise à la fin de la Seconde Guerre mondiale : elle donne alors de nombreux concerts devant des soldats, et, reprenant la chanson « Lili Marleen » (alors très prisée dans l'Allemagne nazie), elle en fait un classique international. À partir des années 1950, elle entame une grande carrière de chanteuse de music-hall, se faisant alors plus rare devant les caméras (le Grand Alibi, A. Hitchcock, 1950 ; l'Ange des maudits, F. Lang, 1952). Si elle continue de tourner jusqu'en 1978, elle doit toutefois ses derniers grands rôles à Billy Wilder (Témoin à charge, 1958) et Orson Welles (la Soif du mal, id.), sous la direction duquel elle apparaît en brune.
Un sens fascinant de l'artifice
Marlene Dietrich n'est pas une actrice qui provoque le rire et les larmes. Elle est tout autre chose. Le public vient voir Marlene Dietrich, Marlene Dietrich lui donne ce qu'il veut : du rêve, du glamour, de la sensualité, de la poésie en fait. On pourrait presque dire que Marlene Dietrich n'est pas vraiment une actrice ni une chanteuse, mais une poétesse. Création de poète, en effet, cette gitane malicieuse que la crasse embellit et exalte et que ses haillons transfigurent (les Anneaux d'or, Mitchell Leisen [1898-1972], 1947). Création de poète, cette Bijou Blanche croulant sous l'artifice, cachée sous les boas, les dentelles et les ombrelles, dans la Maison des sept péchés. Touche poétique, cette voix basse à force d'acharnement, qui donne à la phrase la plus anodine des sous-entendus merveilleux. Poésie encore, cette manière unique d'allumer une cigarette et de jouer avec sa fumée.
Que l'on considère comment Marlene Dietrich distribue ses sourires, un haussement de sourcil, ou un arrondi des lèvres, et l'on conviendra qu'elle est une actrice de métier. Des cinéastes de génie ne s'y sont pas trompés. Sternberg d'abord, qui nous en offrit de multiples visages : théâtreuse cruelle (l'Ange bleu), aventurière amoureuse (Cœurs brûlés), femme perdue (Shanghai Express), impératrice de Russie (l'Impératrice rouge), séductrice un rien sadique (la Femme et le Pantin). Billy Wilder lui offrit un rôle dramatique dont elle se tira avec adresse (Témoin à charge), après lui avoir proposé peut-être son plus beau rôle d'actrice, celui de la chanteuse désabusée dans le Berlin du marché noir (la Scandaleuse de Berlin, 1948). Alfred Hitchcock la choisit à merveille pour incarner le mensonge et l'illusion du spectacle dans le Grand Alibi. Enfin, en la dirigeant dans l'Ange des maudits, Fritz Lang en fit une Altar Keane mystérieuse et meurtrie, authentique femme-légende.