John Forbes Kerry

Homme politique américain (Aurora, Colorado, 1943).

1. Des débuts placés sous le signe du cosmopolitisme

John Forbes Kerry naît dans un hôpital militaire du Colorado où son père, avocat mais aussi pilote de guerre, est soigné. Issu par sa mère d’une vieille lignée de patriciens de Boston, il suit ses parents dans leurs diverses affectations, passe de nombreux étés dans la propriété familiale de Bretagne (aux côtés, notamment, de son cousin Brice Lalonde), expérimente la vie de pensionnat au Japon, en Suisse et en Nouvelle-Angleterre. Il se forme aux meilleures écoles de la côte Est, rencontre même le président John Fiztgerald Kennedy en 1962, et intègre la prestigieuse université de Yale, dont il sort diplômé de science politique en 1966. À l’issue de ses études, il s’engage comme réserviste dans la marine puis est envoyé au Viêt Nam en 1968 où il prend le commandement de patrouilleurs, d’abord en mer loin du front, puis sur les rivières au cœur de la zone de combat. Blessé à plusieurs reprises et multiple médaillé pour ses faits d’armes, il rentre en 1969 aux États-Unis où il se joint aux groupes d’anciens combattants militant contre la guerre. Il s’emploie dès lors à pourfendre son inanité, ses horreurs ainsi que les exactions de l’armée jusque devant le Sénat, où il est auditionné en 1971. Mais il se détourne vite de l’activisme pacifiste non-violent quand celui-ci se radicalise au début de la décennie (→ guerre du Viêt Nam).

Il caresse alors l’idée d’une carrière politique, mais échoue à ravir pour le compte des démocrates un siège de représentant au Congrès du Massachusetts en 1972. Après avoir complété sa formation et obtenu un doctorat de droit en 1976, il intègre l’équipe d’un procureur de comté de la banlieue de Boston et devient son premier assistant l’année suivante. Il quitte cette fonction en 1979 pour co-fonder un cabinet d’avocats.

2. Un parcours de vieux routier de la politique

Plus chanceux lors de sa deuxième tentative électorale, il devient le second du gouverneur démocrate du Massachusetts Michael Dukakis (1982). Deux ans plus tard, à l’issue d’une primaire serrée, il est porté au Sénat pour représenter cet État. Là, il s’illustre tout d’abord en menant des investigations sur ce qui ne tarde pas à devenir l’« Irangate », ou le scandale du financement illégal par la CIA des milices anti-sandinistes du Nicaragua. Et de poursuivre son enquête sur les agissements des États-Unis en Amérique centrale et dans les Caraïbes.

Reconduit dans la Chambre haute en 1990, 1996, 2002 et 2008, il fait rapidement figure de vieux routier de la politique washingtonienne. Opposé à la première intervention contre l’Iraq, il apporte son soutien au président G. W. Bush lorsqu’en 2002 celui-ci demande le droit d’utiliser la force contre les organisations et États terroristes – dont le régime de Saddam Husayn –, même s’il assortit son appui de la recommandation d’exploiter au préalable toutes les voies diplomatiques.

Pressenti pour former un ticket avec Al Gore en 2000, il devient le candidat officiel des démocrates contre le président sortant G. W. Bush en 2004. Mais victime de son positionnement anti-guerre et de diverses campagnes de dénigrement, et bien qu’obtenant un score honorable avec 48 % des voix et 252 grands Électeurs, il est nettement battu par l’équipe au pouvoir.

Actif dans la campagne de 2006 qui voit la reprise du contrôle du Congrès par son parti, il soutient dès janvier 2008 Barack Obama dans les primaires démocrates. Quand en 2009 celui-ci entre à la Maison-Blanche, et qu’Hillary Clinton prend la tête du Secrétariat d’État, pour laquelle son nom circulait simultanément, il devient président de l’influente commission sénatoriale des Affaires étrangères en lieu et place de Joe Biden et se voit chargé de promouvoir dans la haute assemblée la politique extérieure du nouvel exécutif, en particulier à propos de la zone Afghanistan-Pakistan.

3. Une consécration à la tête du secrétariat d’État

Une fois réélu, et après avoir tenté d’imposer Susan Rice, B. Obama lui confie en 2012 la fonction prestigieuse de Secrétaire d’État que le départ volontaire d’Hillary Clinton laisse vacante. Ses précédentes missions et son expérience ne comptent pas pour peu dans la réouverture des dossiers israélo-palestinien, iranien ou syrien et l’obtention d’un accord avec les Russes sur le démantèlement des armes chimiques des forces de Damas en septembre 2013, ou la conclusion d’un accord avec Téhéran sur le nucléaire en novembre… Assurant les nouvelles autorités de Kiev comme les Européens de l’Est du soutien américain au plus fort de la crise ukrainienne à la fin de l’hiver 2014, il s’emploie à éviter l’incident et la rupture avec Moscou. Dépêché à Kaboul au cours de l’été pour mettre un terme au contentieux électoral qui fait suite au scrutin présidentiel, il œuvre au rapprochement final entre les deux finalistes du second tour et à l’entrée de l’Afghanistan dans l’ère post-Karzaï. Il est encore à la manœuvre en septembre quand les États-Unis cherchent à rassembler derrière eux une coalition de partenaires pour contrer militairement l’avancée des djihadistes en Iraq et en Syrie. Mais il ne parvient pas à réunir à la table des négociations Israéliens et Palestiniens et doit assister, impuissant, à l’aggravation des tensions et à la poursuite des hostilités entre les deux principaux acteurs de ce conflit majeur.

Adepte du multilatéralisme et partisan de la politique du pivot du président Obama, il n’en campe pas moins sur des positions fermes à l’égard de la question russo-ukrainienne ou à propos du Venezuela post-chaviste et travaille en sous-main à la conclusion d’un accord de libre-échange transpacifique qui prend de vitesse l’initiative parallèle lancée par les Chinois. Mais il contribue à la normalisation historique des rapports avec Cuba à la fin de 2014 puis à la réouverture des relations diplomatiques avec la Somalie et fait preuve d’une grande modération dans les négociations sur le nucléaire iranien qui aboutissent à la conclusion d’un accord international en avril 2015 et à la réintégration de Téhéran dans la communauté inetrnationale – quitte à heurter de front à la fois les pétromonarchies du Golfe et l’allié israélien… Mais en introduisant une pièce de poids sur l’échiquier complexe du Proche et Moyen-Orient…

Pour en savoir plus, voir l'article États-Unis : vie politique depuis 1945.