Ernest, lord Rutherford of Nelson
Physicien britannique (Nelson, Nouvelle-Zélande, 1871-Cambridge 1937).
Figure marquante de la physique du début du xxe siècle par ses travaux sur la radioactivité, la structure de l'atome et les transmutations. Il peut être considéré comme le père de la physique nucléaire.
Des débuts prometteurs
Quatrième d'une famille de douze enfants, Ernest Rutherford est le petit-fils d'un charron qui, en 1842, a émigré d'Écosse en Nouvelle-Zélande. Son père est à la fois mécanicien, fermier et meunier ; sa mère, d'origine anglaise, a été institutrice avant son mariage. Ernest fréquente d'abord le collège de sa ville natale, où il se révèle un élève brillant, particulièrement en mathématiques. Il est admis ensuite au Canterbury University College de Christchurch, où ses premiers travaux portent sur la magnétisation du fer par des courants à haute fréquence. Licencié ès sciences en 1894, il bénéficie l'année suivante d'une bourse qui lui permet d'aller poursuivre ses études en Angleterre, au laboratoire Cavendish de Cambridge, sous la direction de sir Joseph John Thomson. Après avoir mis au point un détecteur d'ondes hertziennes qui opère jusqu'à plusieurs centaines de mètres (un record à l'époque), il étudie avec J. J. Thomson la conductibilité électrique des gaz et, plus spécialement, l'ionisation des gaz sous l'effet des rayons X, récemment découverts par Wilhelm Conrad Röntgen.
Un pionnier de l'étude de la radioactivité
En 1898, nommé professeur de physique à l'université McGill de Montréal, Rutherford quitte le Royaume-Uni pour le Canada. Il s'intéresse alors à la radioactivité, découverte fortuitement par Henri Becquerel deux ans plus tôt. Étudiant d'abord la radioactivité de l'uranium, il met en évidence l'émission de deux rayonnements distincts, qu'il nomme « alpha » et « bêta ». Il découvre en 1899 la radioactivité du thorium, isole son émanation et prouve l'appartenance de ce corps à la famille des gaz rares. Avec Frederick Soddy, il montre que la radioactivité est due à la désintégration spontanée d'un atome, et tous deux établissent en 1903 la théorie des désintégrations et des filiations radioactives. L'année suivante, il expose le résultat de ses travaux dans un livre intitulé Radio-Activity, le premier ouvrage de référence sur la radioactivité, qui va devenir un classique. En 1908, le prix Nobel de chimie vient couronner ses recherches sur la désintégration des éléments et la chimie des substances radioactives.
Le père de la physique nucléaire
Dans l'intervalle, Rutherford, qui se considère avant tout comme un physicien, est retourné en Angleterre, en 1907, pour remplacer sir Arthur Schuster (1851-1934) à la chaire de physique de l'université de Manchester. Ses recherches vont porter désormais sur la structure de l'atome. Dès 1908, avec Hans Geiger, il détermine la charge des particules alpha et parvient ainsi à prouver, avec Thomas Royds (1884-1955), que les particules alpha sont des atomes d'hélium doublement chargés. Puis, en 1911, il établit l'existence du noyau atomique et propose un modèle d'atome constitué d'un noyau central entouré, à grande distance, d'électrons satellites. Ce modèle s'appuie sur les résultats d'expériences consistant à bombarder de minces feuilles de métal ou de mica par des particules alpha. La plupart des particules ne sont pas déviées, ce qui montre que l'atome est essentiellement formé de vide ; mais la déviation de quelques-unes prouve l'existence d'un noyau central, contenant l'essentiel de la masse et toute la charge positive, dont Rutherford parvient à évaluer l'ordre de grandeur des dimensions.
Pendant la Première Guerre mondiale, Rutherford doit orienter ses recherches vers des applications militaires et travaille à la mise au point de méthodes de détection acoustique des sous-marins.
Après la guerre, il succède, en 1919, à J. J. Thomson comme directeur du laboratoire Cavendish, dont il étend la renommée. Il y réalise bientôt la première transmutation artificielle, celle de l'azote en oxygène, en bombardant des noyaux d'azote par des particules alpha libérées par du radium. Puis, de 1921 à 1924, il observe avec James Chadwick le même type de transformation pour tous les éléments, depuis le bore jusqu'au potassium. Avec Francis William Aston, il calcule la masse du neutron, dont il soupçonne l'existence bien avant sa découverte.
Comblé d'honneurs, Rutherford est élu, de 1926 à 1930, président de la Royal Society et est anobli en 1931, avec le titre de lord Rutherford of Nelson. Resté toujours fidèle à son pays natal, il y revient à plusieurs reprises et y est reçu en héros en 1925. En 1937, alors qu'il est encore en pleine activité, il décède brutalement, âgé de 66 ans seulement, des suites de l'opération d'une hernie. Il est inhumé dans l'abbaye de Westminster, aux côtés de trois de ses illustres prédécesseurs, Newton, Faraday et lord Kelvin.