le Voleur de bicyclette
Ladri di biciclette
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Drame social de Vittorio De Sica, avec Lamberto Maggiorani (Antonio Ricci), Enzo Staiola (Bruno Ricci), Lianella Carell (Maria Ricci), Elena Altieri (la Santona), Nando Bruno (Baiocco), Vittorio Antonucci (le voleur).
- Scénario : Cesare Zavattini, avec Oreste Biancoli, Suso Cecchi d'Amico, Vittorio De Sica, Adolfo Franci, Gherardo Gherardi, Gerardo Guerrieri, d'après le roman de Luigi Bartolini
- Photographie : Carlo Montuori
- Décor : Antonino Traverso
- Musique : Alessandro Cicognini
- Montage : Eraldo Da Roma
- Production : V. De Sica
- Pays : Italie
- Date de sortie : 1948
- Son : noir et blanc
- Durée : 1 h 25
- Prix : Oscar du meilleur film étranger 1949
Résumé
Antonio Ricci, ouvrier de quarante ans, habite la périphérie de Rome. Au chômage depuis deux ans, il se voit proposer un emploi de colleur d'affiches, à condition qu'il fournisse lui-même son vélo. Le sien étant au mont-de-piété, sa femme Maria y engage sa seule paire de draps pour le récupérer. Mais le jour même où il prend son emploi, il se fait voler son vélo par un jeune homme. Antonio le poursuit en vain, dépose plainte à la police, qui lui conseille de retrouver lui-même le voleur. Baiocco, un éboueur de ses amis, lui suggère d'aller faire le tour des marchés aux puces. Antonio s'y rend avec son fils, Bruno, âgé de dix ans. Il finit par apercevoir son voleur en conversation avec un mendiant. Le voleur s'enfuit. Antonio poursuit le mendiant jusque dans une église où a lieu la « messe des pauvres », puis le perd de vue. Après toute une série de péripéties, tragiques ou comiques, Antonio retrouve le voleur. Il l'interpelle, furieux. Un attroupement se forme et la foule prend le parti du voleur. Finalement, désespéré, Antonio tente de voler lui-même un vélo, et se fait prendre.
Commentaire
Le film des « losers »
En 1948, le Voleur de bicyclette représente comme la quintessence du « néoréalisme » alors en pleine gloire, après Rome, ville ouverte et Païsa de Rossellini. Tourné dans la rue, avec des acteurs non professionnels (le rôle d'Antonio est joué par un ouvrier, alors qu'un producteur américain avait proposé Cary Grant), il a longtemps passé pour une espèce de reportage sur l'Italie de l'après-guerre, un semi-documentaire, les communistes lui reprochant de ne pas proposer de solution au chômage, d'autres de montrer un visage trop noir de la société italienne. Des années plus tard, on le revoit tout à fait différemment. On est davantage sensible au scénario de Cesare Zavattini, magistralement construit, avec ses rebondissements constants, ses coïncidences théâtrales, jouant sur le comique, voire le grotesque, ou le pathétique. C'est ce qui lui donne sa dimension à la fois fantastique, quasi surréaliste (l'épisode de l'église ou du bordel de quartier) et mélodramatique.
C'est l'histoire d'un homme poursuivi par le destin, qui s'enfonce inexorablement dans un cauchemar sans fin, sous le regard d'un enfant qui est comme sa conscience. Le Voleur de bicyclette, c'est le film des victimes, des vaincus, des « losers », comme on dit aujourd'hui, écrasés par des règles du jeu qui leur échappent, qui ne sont pas faites pour eux, condamnés à la solitude, à l'échec, à l'impuissance. C'est beau. C'est déchirant.