Vittorio De Sica
Acteur et cinéaste italien (Sora 1901-Paris 1974).
Premières expériences théâtrales et cinématographiques
Après avoir passé toute son enfance à Naples, Vittorio De Sica se sent très vite attiré par le théâtre. De 1923 à 1935, il fait partie de plusieurs troupes théâtrales, dont celle de Tatiana Pavlova et celle d'Italia Almirante-Manzini, l'une des célèbres divas de l'époque ; il remporte des succès flatteurs en interprétant des rôles de « jeune premier ». En 1935, il fonde sa propre compagnie avec Umberto Melnati et Giuditta Rissone, qui deviendra sa femme en 1937. Sa carrière théâtrale se poursuivra jusqu'en 1950, date à laquelle il décide de se consacrer au cinéma. Ses premières apparitions à l'écran datent du début du cinéma parlant. En quelques années, il devient l'une des vedettes les plus adulées de la comédie cinématographique italienne grâce aux rôles que Mario Camerini lui fait jouer dans ses principaux films : les Hommes, quels mufles ! (Gli Uomini che mascalzoni ! 1932), Ma non è una cosa seria (1936), Il Signor Max (1937), Grands Magasins (Grandi Magazzini, 1939). En 1939, il réalise en collaboration avec G. Amato son premier long métrage : Roses écarlates (Rose scarlatte), que suivront Madeleine, zéro de conduite (Maddalena, zero in condotta, 1940), Teresa Venerdì (1941), Un garibaldien au couvent (Un garibaldino al convento, 1942). Dès 1943, cependant, il se détache de l'influence de Camerini et s'oriente, avec l'appui du scénariste Cesare Zavattini, vers des sujets plus personnels : Les enfants nous regardent (I bambini ci guardano, 1943), la Porte du ciel (La Porta del cielo, 1944). Déjà, De Sica s'écarte des sentiers battus, refuse tout aussi bien de suivre la mode des films « à téléphone blanc » (drames ou comédies bourgeoises en rupture totale avec la réalité politique et sociale de ces dures années de guerre) que celle des élégantes adaptations littéraires prônées par les « calligraphes ».
Un des maîtres du néoréalisme
Le néoréalisme, qui est né avec Ossessione (1942) de Visconti et Rome, ville ouverte (1945) de Rossellini, va trouver en De Sica son plus ardent propagandiste. Le cinéma descend dans la rue, se mêle au petit peuple, qui ressent avec le plus de dureté le contrecoup de la période fasciste. La caméra devient le constat brutal d'une réalité poignante. Après Sciuscià (1946), De Sica s'impose à l'attention du monde entier par le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette, 1948). Le film, interprété par des acteurs non professionnels, parut en son temps l'archétype du néoréalisme. Sur sa lancée, De Sica tourne successivement Miracle à Milan (Miracolo a Milano, 1950) et Umberto D (1952). La collaboration de De Sica et de Zavattini se poursuit dans quelques films mineurs comme Station terminus (Stazione termini, 1953) et le film à sketches l'Or de Naples (L'Oro di Napoli, 1954). Mais, dès 1955, on assiste dans toute la production italienne au reflux du néoréalisme. Avec le Toit (Il Tetto, 1956), De Sica rend un dernier hommage au mouvement qu'il a contribué à rendre célèbre. Les films qu'il va entreprendre désormais seront plus sensibles aux modes du moment. La générosité du cinéaste ne triomphera pas toujours des compromissions commerciales, et certaines de ses comédies n'échapperont pas toujours à la facilité. Après une période d'incertitudes où l'acteur prend le pas sur le réalisateur (1955-1960), De Sica retrouve une production régulière à partir de La Ciociara (1960) : le Jugement universel (Il Giudizio universale, 1961) ; un des épisodes de Boccace 70 (Boccaccio'70, 1961) ; les Séquestrés d'Altona (I Sequestrati di Altona, 1962) ; Il Boom (1963) ; deux grands succès commerciaux : Hier, aujourd'hui et demain (Ieri, oggi, domani, 1963) et Mariage à l'italienne (Matrimonio all'italiana, 1964) ; Un monde nouveau (Un mondo nuovo, 1965) ; un épisode des Sorcières (Le Streghe, 1966) ; Le renard s'évade à 3 h (1967) ; Sept Fois femme (Woman Times Seven, 1967) ; le Temps des amants (Gli Amanti, 1968) ; les Fleurs du soleil (I Girasoli, 1969) ; le Jardin des Finzi-Contini (Il Giardino dei Finzi-Contini, 1970). Parmi les plus notables interprétations de De Sica comme acteur, il faut citer La nuit porte conseil (1948) de M. Pagliero, Madame de… (1953) de Max Ophuls et le Général Della Rovere (1959) de R. Rossellini.
L'œuvre de Vittorio De Sica fut sans aucun doute trop portée aux nues à l'époque du Voleur de bicyclette. Cela explique qu'aujourd'hui une partie de la critique internationale l'entoure d'un discrédit tout aussi excessif. Certes, De Sica n'a pas su garder ses exigences premières, et son extrême sensibilité, l'amour profond qu'il porte à l'humanité à travers ses personnages (petits cireurs de chaussures, ouvriers en chômage, vieux professeurs retraités, couples à la recherche d'un logis), la mélancolie souriante dont il use avec tact pour dépeindre quelques tragédies individuelles ont peu à peu cédé du terrain devant les caprices d'une mode qui, rejetant le néoréalisme dépassé, lui inspira des comédies dépersonnalisées et des drames sentimentaux plus ou moins convaincants. Cependant, il est évident que, sans l'apport de De Sica, le néoréalisme ne serait pas devenu l'un des mouvements cinématographiques les plus importants du demi-siècle.