route des épices

Connues dès la plus haute Antiquité, les épices (cannelle, gingembre, cardamome, etc.) sont longtemps des produits de luxe, utilisés pour les arts de la table ou en médecine.

Leur valeur et les profits extraordinaires que l'on retire de son commerce sont suffisants pour stimuler très tôt l'esprit d'entreprise des marchands européens. Il apparaît en effet que l'État qui en contrôle la distribution s'assure, en plus de la richesse, la suprématie économique et diplomatique en Europe. L'histoire de la route des épices est intimement liée à celle de la lutte entre les compagnies commerciales dites « à charte ».

1. La prépondérance arabo-vénitienne

Le commerce des épices, basé sur une efficace et lucrative coopération, est d'abord l'apanage des Vénitiens (→ Venise), qui, associés aux Arabes, bâtissent une puissante marine et s'assurent un rôle influent en Méditerranée sans commune mesure avec l'étendue de leurs possessions terrestres.

Les Arabes sont longtemps les intermédiaires obligés entre l'Extrême-Orient et l'Occident chrétien, car ils sont au contact des civilisations qui contrôlent la production des épices (Inde et Chine), et maîtrisent suffisamment l'art de la navigation pour aller chercher les épices le plus près possible des sites de production.

La prépondérance commerciale arabo-vénitienne dure jusqu'au xve siècle, période à partir de laquelle les grands navigateurs portugais franchissent le cap de Bonne-Espérance et se lancent pour eux-mêmes dans ce commerce juteux.

2. Le commerce des épices au temps des grandes découvertes

L'extension en Méditerranée orientale de la puissance ottomane met un terme à l'âge d'or de Venise. On est alors à l'aube de la Renaissance, qui voit le début des grandes découvertes. Cette frénésie d'explorations qui s'empare successivement des Portugais, des Espagnols, des Hollandais et des Anglais est associée à la quête mi-mythique, mi-pragmatique des épices d'Orient. Les conséquences sur l'histoire européenne sont immenses, car les ambitions des États se tournent non plus vers la Méditerranée, foyer millénaire de civilisation, mais vers les océans : celui qui possède la plus forte marine est désormais promis à la suprématie sur les affaires du monde. On sait que dès le xiiie siècle le voyageur gênois Marco Polo avait décrit avec flamme les fabuleuses richesses de Cathay (la Chine du Nord).

2.1. Le contrôle des épices : un enjeu stratégique

Au xve siècle, après la prise de Constantinople par les Turcs, la course au monopole des épices est lancée, source de nombreux profits, mais surtout de conflits entre puissances européennes. Celles-ci installent bientôt des postes de ravitaillement fortifiés le long des routes maritimes qui mènent en Extrême-Orient.

La lutte pour la prise des postes appartenant aux nations rivales, doublée du souci constant de renforcer les siens propres, est l'une des explications de la fondation par les Européens de colonies permanentes sur les côtes de l'océan Indien. Ainsi les Portugais occupent-ils l'Angola et le Mozambique en Afrique, les îles Moluques en Indonésie, avant de céder ces dernières aux entreprenants Hollandais, qui fondent par ailleurs la colonie du Cap (Kaapstadt) à la pointe sud de l'Afrique.

La Compagnie hollandaise des Indes orientales, fondée en 1602, fait jusqu'en 1650 sa fortune sur le trafic du poivre, avant de se consacrer aux tissus de luxe, comme ses rivales anglaise et française. Le souci des Hollandais d'obtenir de haute lutte le monopole du commerce des épices les amène au xviie siècle à coloniser directement les Moluques, Java et Sumatra, et à réduire presque à néant la puissance maritime portugaise dans cette partie du monde.

Les autres compagnies à charte connurent également des périodes de faste, notamment au xviiie siècle, mais elles ne se consacrèrent qu'assez marginalement au commerce des épices, jugé de moindre rapport que celui des tissus précieux des Indes et des porcelaines fines de Chine.

Ainsi, la lutte pour le contrôle de la route des épices constitue l'une des racines de l'expansion européenne dans l'océan Indien, et est indiscutablement un facteur fondamental de l'essor économique des Provinces-Unies au xviie siècle.

Pour en savoir plus, voir les articles Compagnie anglaise des Indes orientales, Compagnie française des Indes orientales, Compagnie hollandaise des Indes orientales, Compagnie française des Indes occidentales, Compagnie hollandaise des Indes occidentales.