passion
(bas latin passio, -onis)
Composition musicale inspirée par la passion du Christ.
MUSIQUE
Chant, au cours de l’office, de l’Évangile relatant la Passion du Christ durant la semaine sainte. Le texte est dérivé de celui des quatre Évangiles, mais plus particulièrement ceux de Jean et Matthieu. Les personnages sont : le Christ, l’Évangéliste, Pierre, Pilate et la foule (« turba »).
Le récit de la Passion a reçu une interprétation musicale dès le Moyen Âge grâce à des cantillations grégoriennes. À partir du xve s. la Passion subit un traitement polyphonique d’abord simple puis de plus en plus développé. On distingue ensuite deux types de Passion : la Passion-motet, à peu près entièrement polyphonique, et la Passion dramatique ou responsoriale, dans laquelle la polyphonie est réservée aux textes de foule, les récits de l'évangéliste et les interventions de Jésus étant interprétés à voix seule. Elle est traitée par de nombreux musiciens, dans tous les pays. En Allemagne, sous l'influence de la Réforme, la traduction allemande du texte remplace le latin. Au xvie s., de nombreux polyphonistes ont écrit des Passions, en France et aux Pays-Bas : Claudin de Sermisy, Cyprien de Rore, Roland de Lassus ; en Italie : Vincenzo Ruffo, Giovanni Matteo Asola ; en Espagne : Francisco Guerrero, Tomas Luis de Victoria ; en Angleterre : William Byrd. Ces œuvres sont presque toujours chantées a capella ou, quelque fois, accompagnées par l’orgue.
Au xviie s., exception faite des Passions de Heinrich Schütz, composées à partir d'éléments archaïques, le genre se transforme au contact de l'opéra et de l'oratorio naissants ainsi que de l'histoire sacrée. Au xviiie s., le genre de la Passion s'enrichit des acquisitions du monde baroque et concertant : la structure reprend les éléments de l’oratorio, adaptés à la nature dramatique du sujet : le récitatif, l’air, l’ensemble des solistes et le chœur ; s’y ajoute, pour le propos édifiant de l’histoire, le choral, traduisant la méditation du chrétien devant les faits évoqués. Le Christ, l'Évangéliste et les autres personnages se distinguent par le registre musical dans lequel ils s'expriment. Généralement, le rôle de l’Évangéliste est confié à un récitant (ténor), le Christ à la voix de baryton, Pierre et Pilate à la voix de basse, les voix de soprano ou d’alto à la Fille de Sion ou la Madeleine, tandis que les chœurs, généralement fugués, traduisent les sentiments de la foule. L’effectif orchestral est plus ou moins fourni, les instruments venant à tout moment soutenir les voix ou commenter les paroles. Parmi les compositeurs les plus marquants : Alessandro Scarlatti, (Passion selon saint Jean, 1680), Johann Khunau, (Passion selon saint Marc, 1721), Telemann [46 Passions, dont Passion selon saint Luc, son chef-d’œuvre, 1728]). J. S. Bach représente le sommet de cette esthétique (Passion selon saint Jean, 1723 ; Passion selon saint Matthieu, 1729).
« La passion-oratorio »
Simultanément, le genre évolue et va se développer en « Passion-oratorio » à destination liturgique, centrée sur le récit biblique, et en « oratorio de la Passion » extra-liturgique sur une paraphrase versifiée de l’Évangile avec des textes écrits par des poètes contemporains (Picander, Brockes [G. F. Händel, Brockes-Passion, 1716], Ramler, Der Tod Jesu [Carl Heinrich Graun, 1755], ou Metastase, La Passione di Nostro Signore Gesu Cristo [Antonio Salieri, 1776, Giovanni Paisiello, 1783]).
Le sujet est alors moins souvent traité dans sa globalité, de l'arrestation de Jésus à son ensevelissement, que dans un de ses épisodes, un de ses aspects dramatiques : le chemin de la croix (Via crucis de Liszt), le calvaire (les Sept Paroles du Christ en croix, Joseph Haydn), le Christ au mont des Oliviers (Beethoven), Golgotha (Frank Martin). Certains compositeurs confieront aux seuls instruments la traduction sonore de la Passion (les Sept Paroles du Christ, version originale pour quatuor à cordes, de Joseph Hadyn ; la Symphonie-Passion pour orgue, de Marcel Dupré, pour orgue également les Sept poèmes-chorals pour les sept paroles du Christ de Charles Tournemire).
Le xxe s. semble délaisser ce genre à l’exception notable de la Passion, 1942 (livret en français [Georges Migot]), de Passio et mors Domini nostri Jesu Christi secundum Lucam, 1965 (Krzysztof Penderecki), et Passio Domini nostri Jesu Christi secundum Johannem, 1981 (Arvo Pärt). En marge de ces expressions savantes, le récit de la Passion peut donner lieu à des représentations théâtrales et populaires mêlées de chants, dont la plus célèbre se situe à Oberammergau en Bavière, selon une tradition qui remonte au xviie s.