la Belle Époque
L'expression « Belle Époque », utilisée après 1918, désigne les années avant la Première Guerre mondiale.
1. Une Europe en crise
Matériellement ruinée, l'Europe était meurtrie moralement : l'impression confuse d'une sorte de recul général de la civilisation dominait. Or, les circonstances présentes ne consolaient guère des épreuves passées : un peu partout et de plus en plus surgissaient des dangers nouveaux pour la France républicaine et bourgeoise. La naissance des totalitarismes européens, la crise économique et les effondrements sociaux qu'elle provoquait, les risques d'une nouvelle guerre formaient un tableau peu réjouissant. Rien n'était comme avant dans la politique et dans l'économie ; les mœurs, les façons d'être se transformaient. Avec les débuts du cubisme, du surréalisme, la littérature et les arts effrayaient.
2. Nostalgie d'une époque révolue
Tant de changements dans un pays aussi conservateur que la France, avec une population vieillissante, déterminèrent en réponse la nostalgie du temps de l'avant-guerre, décoré du nom flatteur de « Belle Époque ». À quoi pouvait penser la mère qui avait perdu son fils à la guerre ou la femme son époux ? L'ancien combattant mutilé ou diminué ? Le paysan dont les terres avaient servi de champ de bataille ? Le rentier ruiné ? Aux heures heureuses de l'avant-guerre. C'était un sentiment universel répandu à travers toutes les classes sociales, mais surtout aux niveaux les plus élevés de la société. Beaucoup avaient l'impression d'avoir vécu, matériellement et moralement, d'une façon privilégiée, avec un certain bonheur. Le temps, qui efface les souvenirs désagréables, avait fait oublier les mauvais côtés.
De 1917 à 1928 l'œuvre romanesque la plus goûtée du moment fut celle de Marcel Proust parti À la recherche du temps perdu. Or, la Belle Époque apparaissait comme un temps de stabilité, de paix et de bonne conscience. La stabilité était d'abord monétaire et économique. Si la classe ouvrière souffrait, luttait pour la journée de dix heures, pensait à peine à la protection sociale, le franc avait une valeur fixe, s'échangeait à volonté contre de l'or ; les prix augmentaient peu. Le rentier qui détachait les coupons de ses titres de rente, le propriétaire foncier qui encaissait ses fermages étaient sûrs du lendemain. Ils pouvaient mener tout à loisir une vie sans travail et s'adonner aux divertissements mondains.
Les images les plus populaires de la Belle Époque sont toujours restées celles du faste et du décorum des réceptions, de la splendeur des équipages qui circulaient au bois de Boulogne, de l'éclat des beaux uniformes militaires et de la cavalerie défilant sur l'hippodrome de Longchamp le 14 juillet. Un certain panache, un air d'aristocratie étaient appréciés d'autant plus que l'Europe était alors monarchique. La paix semblait assurée : les experts les plus qualifiés assuraient que la complexité et le coût des armements rendaient impossibles les guerres longues. Les moralistes ajoutaient que les progrès scientifiques toujours croissants amélioreraient, à la fin, les caractères moraux de l'humanité. On rêvait à la paix universelle et à l'harmonie des peuples. Dans un monde que l'Europe dominait, la Belle Époque était celle des belles illusions qui incitent au regret.