encéphalopathie spongiforme bovine (E.S.B.)
Maladie des bovins adultes, toujours mortelle, associée à une dégénérescence du système nerveux central, caractérisée par une longue incubation et transmissible, par voie essentiellement alimentaire, à de nombreuses autres espèces de ruminants et de carnivores ainsi qu'à l'homme. (Synonyme courant : maladie de la vache folle.)
De l'animal à l'homme
L'encéphalopathie spongiforme bovine a été caractérisée pour la première fois en Grande-Bretagne en 1986. Elle est provoquée par un agent pathogène couramment appelé « prion » ou « prion pathologique », une nouvelle catégorie de « microbe » qui n'est ni une bactérie ni un virus, ni aucun des autres agents pathogènes classiquement reconnus. On préfère généralement dans le monde francophone désigner cet agent pathogène sous le nom d'agent de transmission non conventionnel (A.T.N.C.). Le caractère original de l'A.T.N.C. est lié au fait qu'il ne comporte pas d'acide nucléique et qu'il est extrêmement résistant à la plupart des méthodes physiques ou chimiques efficaces vis-à-vis des autres agents pathogènes. L'A.T.N.C. de l'E.S.B. est différent des A.T.N.C. associés à d'autres maladies reconnues depuis longtemps comme la tremblante du mouton, le dépérissement chronique du cerf, l'encéphalopathie transmissible du vison ou la maladie de Creutzfeldt-Jakob (M.C.J.) sporadique de l'homme. Ces maladies sont regroupées au sein d'un même groupe, celui des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (E.S.S.T.). Cette précision est importante, car elle permet de comprendre que l'A.T.N.C. de l'E.S.B. puisse être identifié avec certitude quand il infecte une autre espèce comme le chat, certains ruminants et félidés de zoo ou l'homme.
La maladie humaine associée est appelée nouveau variant de la M.C.J. (N.V.-M.C.J.). En effet, bien qu'elle partage certaines caractéristiques avec la M.C.J. sporadique, elle s'en distingue sur de nombreux points (notamment patients plus jeunes et évolution clinique différente et plus longue). En mars 1996, les dix premiers cas de N.V.-M.C.J. observés en Grande-Bretagne depuis 1995 ont été rendus publics. Cette annonce a déclenché une crise européenne qui a conduit à un renforcement très significatif des mesures de prévention et de précaution vis-à-vis d'un risque pour la santé publique qui avait été jusque-là soupçonné sans être prouvé. Au 1er décembre 2000, 89 cas de N.V.-M.C.J. étaient caractérisés en Grande-Bretagne, 3 en France et 1 en République d'Irlande. Il est difficile de prévoir l'évolution du nombre de cas chez l'homme, compte tenu de la méconnaissance de la durée moyenne d'incubation qui peut varier entre dix et trente ans.
Les pays contaminés
Chez les bovins, la maladie s'est développée à partir de 1988 sur un mode épizootique en Grande-Bretagne. Fin décembre 2000, plus de 180 000 cas y avaient été reconnus. Après avoir culminé à plus de 30 000 cas par an en 1992 et 1993, l'E.S.B. a spectaculairement régressé de 1993 à 2000 dans ce pays (néanmoins, on y diagnostiquait encore plus de 1 400 nouveaux cas pour l'année 2000). Sa transmission, essentiellement liée à l'ingestion de farines de viande et d'os (F.V.O.) contaminées par l'A.T.N.C. de l'E.S.B. et incorporées dans l'alimentation des bovins, a pu être contrôlée en Grande-Bretagne en supprimant par étapes successives à partir de 1988 l'apport de ces composés. Leur interdiction totale en août 1996, non seulement chez les ruminants, mais aussi dans l'alimentation de toutes les espèces animales domestiques ou sauvages, devrait permettre la poursuite de la régression des cas constatés sans que l'on puisse assurer que la maladie bovine disparaîtra totalement.
Dans les autres pays de l'Union européenne et en Suisse, les premiers cas ont été successivement reconnus en République d'Irlande (1989), en Suisse (1990), en France (1991), au Portugal (1993), puis au Bénélux (1997), au Danemark (février 2000), en Espagne et en Allemagne (novembre 2000) et enfin en Italie (janvier 2001). L'ensemble de ces pays a reconnu au total depuis onze ans moins de cas que la Grande-Bretagne au cours de la seule année 2000 pour un cheptel bovin 10 fois plus important. Parmi ces pays, seul le Portugal connaît une épizootie depuis 1998 ; dans tous les autres, le nombre de cas reste très limité sans que la situation soit définitivement stabilisée.
Symptômes et tests de dépistage
La maladie, dans sa forme typique, atteint des bovins adultes âgés de 4 à 7 ans. Elle se traduit par une lente dégradation de l'état général (amaigrissement, diminution de la production laitière) associée à des troubles du comportement (frayeur ou agressivité sans cause identifiable, réactions exagérées aux bruits, à la lumière, aux manipulations) et de la démarche (chancellement, défaut de coordination des membres). L'évolution de ces signes et symptômes est en général progressive, avec aggravation constante pendant plusieurs semaines. La maladie est toujours mortelle. Comme pour toutes les autres maladies animales, il existe une assez grande variabilité dans l'expression clinique, avec notamment des formes frustes d'évolution plus rapide. De même, on peut rencontrer ce type de symptômes dans d'autres maladies des bovins adultes à expression nerveuse (listériose, tétanie d'herbage, acétonémie, tumeurs cérébrales, maladies liées aux accidents de vêlage, etc.) ou se traduisant par une lente dégradation de l'état général (paratuberculose, carence profonde en cuivre, infection chronique de la mamelle, etc.). Il est donc indispensable de faire confirmer toute suspicion à l'égard d'un animal vivant par des analyses spécifiques en laboratoire. Dans l'Union européenne, depuis juin 1990, une procédure particulière rend la déclaration des suspicions cliniques obligatoire ainsi que leur confirmation dans des laboratoires agréés coordonnés par un laboratoire national de référence. En France, l'E.S.B. est une maladie reconnue légalement contagieuse (M.R.C.) et la procédure de déclaration et de confirmation est juridiquement contraignante, comme pour toutes les M.R.C. identifiées dans le Code rural. Les méthodes disponibles en laboratoire supposent l'examen de tissu nerveux issu d'une région particulière de la base du cerveau (obex du tronc cérébral) qui ne peut être prélevée que sur un animal mort. Depuis 1999, l'Union européenne a qualifié trois tests dits « rapides » dont la disponibilité a permis d'augmenter dans des proportions considérables les capacités de détection. Ils ont permis la mise en œuvre de programmes de dépistage systématique sur certaines catégories de bovins, en particulier à l'abattoir. En France, depuis le début de l'année 2001, tous les bovins livrés à la consommation et âgés de plus de trente mois sont ainsi testés.
Mesures de protection sanitaire
De nombreuses mesures de protection de la santé publique, visant notamment à réduire l'exposition de l'homme à des organes, tissus ou produits alimentaires infectés ont été mises en œuvre dans les pays touchés par l'E.S.B. ; elles sont associées à des mesures visant à contrôler la maladie animale. Ainsi, en France, depuis 1991, tous les bovins reconnus atteints d'E.S.B. sont entièrement détruits ainsi que tous les bovins du troupeau dont ils sont issus. De plus, toutes les farines de viande et d'os ont été interdites, dans l'alimentation des bovins (1990) puis dans celle de l'ensemble des ruminants domestiques et sauvages (1994).
En juin 1996, suite aux avis du Comité interministériel d'experts sur les E.S.S.T., le gouvernement français a décidé en outre d'interdire la fabrication des farines de viande et d'os à partir des cadavres d'animaux morts ou euthanasiés dans les élevages (quelle que soit l'espèce), ainsi que l'incorporation de certains organes ou tissus dits matériaux à risque spécifié (M.R.S.), qui sont détruits par incinération. Les farines de viande et d'os dont la fabrication reste autorisée (provenant de déchets de la transformation des carcasses en morceaux prêts à être consommés) sont de plus traitées thermiquement, depuis février 1998, pour inactiver les A.T.N.C. de l'E.S.B. qui pourraient encore subsister. Ces F.V.O. « sécurisées » n'ont pu être distribuées qu'aux animaux non ruminants, essentiellement porcs et volailles, jusqu'au 13 novembre 2000, date à laquelle le gouvernement français a suspendu pour six mois leur utilisation. Cette mesure a été adoptée par l'Union européenne début décembre 2000. Elle sera très probablement reconduite pendant de nombreuses années.
Les M.R.S., qui comprennent, chez les bovins, le cerveau et la moelle épinière des animaux âgés de plus d'un an, ainsi que la rate, l'intestin (tout entier) et le thymus quel que soit l'âge, sont systématiquement interdits à la consommation humaine, ce qui permet d'éviter tout risque de contamination du consommateur par des animaux en cours d'incubation, faiblement infectés, mais dont la maladie est indétectable par les méthodes actuellement disponibles. Ces mesures adoptées en France dès juin 1996 n'ont été généralisées à l'ensemble de l'Union européenne qu'en octobre 2000.
Perspectives
Au total, la situation de l'Europe vis-à-vis de l'E.S.B. est de mieux en mieux connue et les mesures de prévention de la maladie animale et de sa transmission à l'homme sont constamment améliorées. Néanmoins, de nombreuses incertitudes persistent encore quant à son devenir en terme quantitatif et à son extension hors du continent européen. Dans ce cadre, l'existence sur d'autres continents d'E.S.S.T. différentes, mais comparables, comme la maladie du dépérissement chronique des cerfs en Amérique du Nord, suppose une réévaluation de leur potentiel de transmission à l'homme. De même, la présence dans de nombreux pays, hors de l'Union européenne et de la Suisse, de farines de viande et d'os fabriquées et utilisées dans des conditions analogues à celles du Royaume-Uni avant 1988, constitue autant de foyers de développement possible de l'E.S.B. dans le monde entier. On ne saurait donc sous-estimer la capacité de développement que conserve la maladie.