cadre

Salarié exerçant généralement une fonction de direction, de conception ou de contrôle dans une entreprise et bénéficiant d'un statut particulier dans de nombreuses conventions collectives. (On distingue usuellement les cadres supérieurs, les cadres moyens et les cadres d'exécution.)

La difficulté d'une définition du mot « cadre » tient au fait que les cadres savent davantage ce qu'ils ne sont pas que ce qu'ils sont. Salariés, ils se distinguent par leur niveau de vie de la classe ouvrière ; par leurs tâches, ils se séparent de la bourgeoisie et, par leurs préoccupations, des professions libérales. Ils sont techniciens et non pas technocrates, car il leur manque le pouvoir ; ils font partie de l'élite, mais ne sont pas des notables, car il leur manque la tradition. On s'aperçoit très vite que le mot « cadre » recouvre des réalités très différentes. D'ailleurs, les organismes officiels tels que l'I.N.S.E.E., les conventions collectives, les caisses de retraite ne sont pas parvenus à arrêter des critères communs. Certains prennent l'indice du salaire, d'autres l'affiliation à un régime de retraite.

Qualification et fonction

L'I.N.S.E.E. range les cadres en deux catégories selon leur qualification socioprofessionnelle : de la première relèveraient les ingénieurs, les cadres administratifs supérieurs du secteur privé, les hauts fonctionnaires et les membres des professions libérales ; de la seconde, les cadres moyens des secteurs privé et public, les petits fonctionnaires et les techniciens.

En fait, le cadre ne se définit ni par son statut économique ni par son statut juridique, mais essentiellement par sa qualification et ses fonctions. Ce sont ces deux critères qu'adoptent, en tout cas, les organisations professionnelles et la jurisprudence. Cette direction, qui paraît décisive, remonte à 1945, lorsqu'une série d'arrêtés, connus sous le nom d'arrêtés Parodi, a, pour la première fois, dégagé ces deux notions pour établir des coefficients hiérarchiques et fixer les bases du salaire minimal. Les organisations professionnelles les ont reprises, la C.G.C. (fondée en 1944) insistant davantage sur la fonction, alors que la C.G.T., pour sa part, fait prévaloir celle de qualification. La Cour de cassation a suivi la même voie.

Au sein de l'entreprise, la fonction elle-même n'est pas dépourvue de toute ambiguïté. Mandataire théorique d'un employeur, le cadre reste subordonné économiquement et juridiquement à son patron. D'autre part, selon les entreprises, les fonctions commerciales, administratives ou techniques prédominent. Ces dernières sont de moins en moins essentielles au fur et à mesure que la division des tâches s'accroît.

Conscience de groupe

Dans son livre désormais classique, l'Ère des organisateurs (1947), James Burnham soutient que les managers forment une classe sociale et qu'ils sont appelés à prendre le pouvoir économique en substituant la technocratie au capitalisme. Cette thèse ne semble pas se confirmer. Les cadres n'ont pas vraiment de conscience de classe. Ils ont une conscience de groupe ; ils forment une catégorie socioprofessionnelle, devenue tout au plus, politiquement parlant, une troisième force. C'est dans cette optique que se situe la philosophie des « classes moyennes » que développent les dirigeants de la C.G.C.

Pendant toute l'époque des Trente Glorieuses, le cadre a été au premier plan de l'action économique, contribuant à l'essor de l'entreprise à laquelle il appartenait et développant sa conscience de groupe de manière positive tant pour sa carrière que pour sa personnalité. Depuis les années 1980, il subit une mutation forcée qui va de pair avec l'évolution des rapports hiérarchiques au sein de l'entreprise. Souvent déchiré entre sa conscience professionnelle et sa conscience éthique dans l'exercice de ses fonctions, il vit de plus en plus difficilement le rôle de relais des directives émanant de sa hiérarchie et le contraignant de plus en plus souvent à exercer sur ses subordonnés une pression qui peut aller jusqu'au harcèlement moral. Il tente par tous les moyens d'échapper au chômage des cadres qu'aggravent les effets de la mondialisation et peut alors être victime de surmenage. La « déprime » des cadres est devenu un fait de société.