Finlande : histoire

Urho Kaleva Kekkonen
Urho Kaleva Kekkonen

Résumé

Après les premières installations humaines, des tribus finnoises de langue finno-ougrienne en provenance des régions baltes (Estonie) s’installent dans le pays au cours du Ier siècle après J.-C. Parmi elles, les Suomalaiset qui donnent leur nom au pays, Suomi.

xiie-xive siècle : le début de la domination suédoise

La Finlande est christianisée par le roi de Suède Erik le Saint. Cette première colonisation conduit à la création d’un duché dont la possession suédoise est reconnue par les Russes. La formation de la monarchie féodale en Suède s’accompagne de la création d’une noblesse finlandaise.

xve siècle

Alors que la Suède se rebelle contre l’Union de Kalmar sous direction danoise, la Finlande affirme également ses particularités.

xvie siècle : la réforme luthérienne

Introduite par Mikael Agricola, elle est imposée par Gustave Ier Vasa. Après un nouveau conflit entre la Suède et la Russie, la frontière orientale est redéfinie au profit de cette dernière.

xviie-xviiie siècles

La Finlande paie un lourd tribut à l’expansion de la Suède et à son engagement dans la guerre de Trente Ans (1618-1648), malgré l’œuvre de redressement du gouverneur général Per Brahe (1637-1648). Avec l’évolution de la monarchie vers l’absolutisme (1682), la langue suédoise tend à supplanter le finnois. Le pays reste surtout au cœur de la rivalité avec la Russie, le rapport de force évoluant en faveur de cette dernière (défaite suédoise de Poltava et paix de Nystad, 1709 et 1721 ; guerres de 1742-1743 et 1788).

xixe siècle : la domination russe

Le tsar Alexandre Ier devient grand-duc de Finlande mais s’engage à respecter son autonomie (diète de Porvoo, 1809) avec Helsinki pour capitale. Le Sénat (gouvernement) finlandais est chargé de l’administration du territoire sous le contrôle du gouverneur général. Les rapports entre le gouvernement impérial russe et la Finlande évoluent progressivement, malgré plusieurs vagues de russification qui encouragent le sentiment national, en faveur de la diète finlandaise.

xxe siècle : la Finlande indépendante

La révolution russe de 1917 permet l’accession de la Finlande à l’indépendance. Le pays surmonte ses divisions et connaît une évolution démocratique fondée sur l’entente entre partis républicains de droite et de gauche.

De 1945 à nos jours

Préservant sa souveraineté et sa démocratie parlementaire, la Finlande opte pour la neutralité et la coopération avec l’URSS. Après la dislocation de cette dernière, elle se tourne résolument vers l’UE dont elle devient un membre actif et l’une des économies les plus stables.

1. Les origines

Les premiers habitants de la Finlande, apparus après la fin de la dernière période glaciaire, semblent avoir été des Lapons (ou Samis). Au cours du IIe millénaire avant J.-C., des peuples agriculteurs venus d'Europe centrale se fixent dans la région du Sud-Ouest, mais disparaissent à l'approche de l'ère chrétienne. Les forêts désertes de la Finlande deviennent bientôt une intéressante source de revenus pour les Finnois de Lituanie et d'Estonie ; ceux-ci (Varsinaiset, Suomalaiset, Hämäläiset), pour répondre aux besoins de fourrure de leurs voisins germaniques, se font trappeurs et, à la fin du ier siècle de notre ère, s'établissent dans le sud-ouest du pays, en dehors des régions côtières du golfe de Finlande, où les Estes conservent leurs droits de chasse et de pêche. Ils forment une société composée de trois classes : une aristocratie de chefs, des paysans libres et des serfs.

Au xie siècle, les Finnois se heurtent aux Vikings du Roslag (Ros, Ruotsi), qui accaparent le commerce du golfe de Finlande. À partir de 1050, la pénétration des marchands de Gotland ouvre une nouvelle ère de prospérité, au cours de laquelle le christianisme fait son apparition.

2. La période suédoise (1150-1809)

En 1157, le roi de Suède, Erik IX Jedvardsson, dit Erik le Saint, organise contre les Finnois une croisade qui aboutit à la conquête de la Finlande et à l'établissement de colons suédois sur les côtes du golfe de Botnie. Au cours des xiie et xiiie siècles, la Finlande est l'enjeu des rivalités entre Russes de Novgorod, Danois et Suédois. Sur l'incitation d'Innocent IV, le roi de Suède Birger Jarl, pour s'opposer au harcèlement des tribus païennes, fortifie le Häme et, sur les rives désertes du golfe de Finlande, repousse les Russes d'Alexandre Nevski  ; il y fonde une nouvelle province (Nyland, aujourd'hui Uusimaa), qu'il peuple de colons suédois. La paix de Pähkinäsaari (1323) met fin à la grande guerre de Carélie, et les Russes reconnaissent à la Suède la possession de la Finlande (Œsterland), que le roi Magnus II élève au rang de duché (1353).

2.1. Le premier duché de Finlande (1353-1599)

La noblesse finlandaise, qui s'est formée comme son homologue suédoise sous la protection de la monarchie (ordonnance d'Alsnö, 1279), accapare la plus grande partie des terres et résiste au pouvoir royal, affaibli par l'Union de Kalmar (réunion du Danemark, de la Suède, de la Norvège et de la Finlande). Erik XIII (Erik de Poméranie [1396-1439] renforce encore le particularisme finlandais en octroyant au duché une cour suprême et une monnaie propre. Les évêques de Turku, recrutés parmi la noblesse, sont les chefs spirituels du pays ; l'un d'eux, Pietari Särkilahti (mort en 1529), puis surtout son élève Mikael Agricola (1510-1557), introduisent la Réforme de Luther. Conformément aux décisions de la diète de Västerås (1527), Gustave Vasa s'empare des biens ecclésiastiques et des étendues désertes de la Laponie, fief des trappeurs de Porkkala. Il fonde Helsinki (1550) et donne le duché à son fils Jean, qui, devenu roi, en fait un grand-duché (1581). Les guerres avec la Russie reprennent en 1570, et la paix de Täyssinä (1595) fixe de nouveau les frontières orientales de la Finlande. Cependant, après la mort du gouverneur Klas Fleming, qui avait soutenu, contre le futur Charles IX, son neveu le roi catholique Sigismond, le grand-duché est supprimé (1599) ; la noblesse perd ses privilèges nationaux.

2.2. La centralisation suédoise

Après la paix de Stolbova (1617), qui accroît la Finlande de la province carélienne de Käkisalmi, la politique de Gustave II Adolphe (1611-1632) conduit à une centralisation administrative préjudiciable à l'autonomie nationale. Pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648), la Finlande fournit le tiers des effectifs de l'armée et le corps d'élite de cavaliers des hakkapelites. Les impôts ont triplé et l'État ouvre dès 1630 des rôles pour les impôts personnels et fonciers. La paysannerie est dépossédée de ses terres par la nouvelle noblesse, qui se constitue de vastes domaines dont les revenus échappent à la Couronne ; comme en Suède, l'État doit ainsi procéder à la réduction de la totalité des terres féodales (grande réduction de 1693) pour redresser sa situation financière.

De 1637 à 1648, le gouverneur Per Brahe s'efforce de relever la Finlande ; il crée un service des postes, fonde des villes et l'université de Turku, et fait exécuter les premiers levés cadastraux. L'économie s'oriente vers l'exportation du goudron et de la poix nécessaires aux puissances maritimes.

Son œuvre est compromise par les guerres de Charles X (1654-1660) et surtout par la politique imprudente de Charles XII, qui, après les années de famine de 1694-1697, livre la Finlande au pillage et aux dévastations des armées de Pierre le Grand (Isoviha, ou Grande Rage, 1710-1721). Après la paix de Nystad (Uuusikaupunki, 1721), la Finlande est dépeuplée, épuisée, amputée de la Carélie. La faiblesse de la monarchie au xviiie siècle fait naître un sentiment d'insécurité et, à la suite d'une nouvelle guerre soldée par la cession à la Russie de nouveaux territoires (paix de Turku, 1743), l'opinion commence à se tourner vers la Russie. Lorsque Gustave III attaque Catherine II (1788), un groupe d'officiers, conduits par le colonel Sprengtporten, essaie vainement de constituer une république (conjuration d'Anjala), car l'administration suédoise est souvent incompétente et l'agriculture reste à un niveau très bas, malgré la redistribution des terres de 1757 (Isojako).

3. La période russe (1809-1917)

Conformément aux accords de Tilsit entre la France et la Russie (1807), dont une des clauses prévoyait que cette dernière devait obliger la Suède à s'engager dans le blocus continental contre l'Angleterre, le tsar Alexandre Ier conquiert finalement la Finlande (1809) et s'en assure la possession à la paix de Hamina.

3.1. L'accession progressive à l'autonomie

Alexandre Ier prend le titre de grand-duc de Finlande à la diète de Porvoo (1809) et promet de respecter les institutions du grand-duché. Dès lors, la Finlande s'administre elle-même avec un Sénat, placé sous la présidence d'un gouverneur général et contrôlé par un Comité mixte des affaires finlandaises, qui siège à Saint-Pétersbourg mais qui garde l'usage du finnois et du suédois. En 1811, Alexandre redonne au duché ses provinces orientales, et, en 1812, la capitale est transférée à Helsinki. L'égalité des deux langues officielles, suédois et finnois, est décrétée. À partir de 1826, après la suppression du comité des affaires finlandaises, le pouvoir bascule au profit du Sénat et du gouverneur général.

Sous le règne libéral d'Alexandre II (1855-1881) se développe une économie agricole qui alimente le marché national. La forêt est exploitée pour l'industrie du bois et du papier ; l'industrie textile s'installe à Tampere. Par l'ordonnance de 1869, le tsar fait de la diète (réunie en 1863 pour la première fois depuis 1809) un parlement qui se réunit tous les trois ans ; il accorde l'autonomie aux communes rurales et dote la Finlande d'une armée et d'une monnaie nationales.

3.2. La russification

Mais les libertés finlandaises portent tort au panslavisme ; sous Alexandre III (1881-1894), la russification s'intensifie. Mais c'est surtout sous Nicolas II, qui, après avoir nommé comme gouverneur le général Bobrikov en octobre 1898, prend les mesures les plus contestées. Le « manifeste de février 1899 », jugé comme une atteinte à l’autonomie de la Finlande, provoque une vague de protestations dans le pays. L’année suivante, un décret fait du russe la langue officielle du Sénat et de l’administration. L’opposition prend de l’ampleur à la suite de la nouvelle loi sur la conscription (1901) qui intègre l’armée finlandaise dans l’armée russe, une mesure à laquelle les Finlandais répondent par la résistance passive. Resté sourd face à ce mécontentement, le tsar accorde des pouvoirs dictatoriaux au général Bobrikov en 1903. L'assassinat de ce dernier, en 1904, et l'agitation révolutionnaire de 1905 l’amènent à faire machine arrière.

La diète est remplacée par une chambre élue au suffrage universel, auquel les femmes participent pour la première fois au monde (1906). Cependant, après les élections de 1907, les tensions entre Russes et Finlandais – y compris les plus conciliateurs d'entre eux (parti des « Vieux Finlandais  ») –, évolue vers la rupture ; l’Assemblée est dissoute et de nouvelles élections sont convoquées presque tous les ans entre 1907 et 1913. À partir de 1909, de nouvelles mesures de russification sont appliquées par le gouverneur général Seyn et la tutelle exercée par le Conseil des ministres russe est renforcée.

3.3. Les conséquences de la révolution russe de 1917

La résistance passive s'organise et, dès 1914, un corps de volontaires est entraîné en Allemagne. La révolution de 1917 permet à la Finlande de recouvrer son autonomie ; après l’avoir emporté, Lénine s’engage auprès du parti social-démocrate finnois (SDP, fondé en 1899-1903) à reconnaître l’indépendance du pays tout en l’incitant à déclencher une révolution. Durant la grève générale de novembre, le parti, qui oscille entre légalisme et action extraparlementaire, appuie avec la centrale syndicale SAJ (Suomen Ammattijärjestö, constituée en 1907), la formation de gardes rouges en réponse à la constitution par les forces conservatrices de gardes civiques destinées à la fois à combattre la radicalisation du mouvement ouvrier et à désarmer les garnisons russes restées dans le pays.

4. De l'indépendance à la Seconde Guerre mondiale

4.1. La guerre civile

Le 3 janvier 1918, le gouvernement bolchevik reconnaît l'indépendance de la Finlande, mais continue de fournir des armes à la garde rouge et aux garnisons russes. La révolution éclate le 27 janvier ; une commission populaire est nommée à Helsinki, les administrations sont remises à des soviets d'ouvriers. Le gouvernement, réfugié à Vaasa, confie au général Mannerheim le soin d'organiser l'armée blanche. Une courte guerre civile éclate entre garde rouge, soutenue par les bolcheviks, et garde blanche, aidée par l'Allemagne. La garde rouge est désarmée par surprise par Mannerheim. Celui-ci écrase les Rouges à Tampere le 5 avril, puis intercepte les renforts soviétiques dans le village de Rautu. Le 12 avril, un corps expéditionnaire allemand, commandé par le général von der Goltz, reprend Helsinki. À la suite de la prise de Viipuri (29 avril) par les Finlandais, le pays passe entièrement sous le contrôle du gouvernement légal. Au traité de Tartu (14 octobre 1920), les Soviétiques reconnaissent la République de Finlande, à laquelle ils cèdent le territoire de Petsamo (tout en conservant la Carélie orientale).

4.2. Les débuts de la République de Finlande

La fin de la guerre civile a notamment pour effet la division du mouvement ouvrier avec la fondation à Moscou du parti communiste (1918) qui est obligé de rester clandestin mais qui est représenté dans le parti ouvrier socialiste de Finlande (SSTP) créé en 1920. Alors que les sociaux-démocrates du SDP, première force parlementaire depuis 1907, occupent une position charnière, les partis « bourgeois » – centristes de l’Union agraire, libéraux et républicains du parti national du Progrès, conservateurs et monarchistes de la Coalition nationale [KOK], parti populaire suédois représentant la minorité suédoise – doivent former des cabinets le plus souvent minoritaires. Excepté le gouvernement de 1926-1927, le SDP est écarté du pouvoir mais apporte son soutien conditionnel aux cabinets centristes.

À la fin des années 1920, à la tentative de radicalisation du mouvement ouvrier (malgré l’interdiction du SSTP en 1923), répond la création d’un mouvement d’extrême droite anticommuniste, résurgence de la Finlande « blanche » de l’époque de la guerre civile, qui se forge autour du mouvement de Lapua. Alliant populisme paysan et nationalisme, ce dernier parvient à faire pression sur le gouvernement de coalition « bourgeois » formé en 1930-1931 qui cède à ses injonctions et prend de sévères mesures contre la gauche communiste. Mais en 1932, le président conservateur Pehr Evind Svinhufvud (1931-1937) et le gouvernement tuent dans l’œuf une tentative de coup de force et ordonnent la dissolution du mouvement. Le reflux de l’influence communiste et de l’extrême droite – menée en 1932-1936 par le Mouvement populaire patriotique (IKL), héritier du mouvement de Lapua –, ainsi que la forte progression du SDP aux élections de 1933 et 1936 conduisent, en 1937, au premier gouvernement « terre-rouge », fondé sur la collaboration entre les agrariens et les sociaux-démocrates : une constante de la vie politique finlandaise.

En 1939, l'URSS, inquiète de l'expansionnisme de l'Allemagne de Hitler, réclame à la Finlande (avec laquelle elle a signé un traité de non-agression en 1932) quelques territoires stratégiques nécessaires à la défense de Leningrad, mais Helsinki refuse de les céder. L'agression soviétique de novembre 1939 surprend le pays presque désarmé et, malgré une contre-attaque victorieuse, la Finlande, faute d'appui réel des Occidentaux, est contrainte à signer la paix de Moscou (13 mars 1940), qui l'ampute de la Carélie et d'une partie de la Laponie. En 1941, Hitler force la main au président Ryti et entraîne la Finlande dans une nouvelle guerre (→ campagnes de Finlande).

5. La neutralité finlandaise dans la guerre froide

5.1. Vers un pacte finno-soviétique

Durant la guerre froide, la Finlande doit concilier deux intérêts contradictoires tout en conservant son indépendance. Elle souhaite maintenir ses liens traditionnels avec les pays nordiques et avec l'Europe occidentale mais cherche également à entretenir de bonnes relations avec son puissant voisin soviétique, avec lequel elle partage une frontière de plus de 1 000 km. Cette politique de « neutralité active », qui nécessite beaucoup de diplomatie, est initiée par le président Juho Kusti Paasikivi et prolongée par son successeur Urho Kaleva Kekkonen.

Au traité de Paris (1947), la Finlande perd la Carélie et le district minier de Petsamo ; elle cède à l'URSS le port de Porkkala, sur la Baltique, pour cinquante ans, et s'engage à payer une forte indemnité de guerre. Mais elle est libre. Elle refuse l'aide du plan Marshall (1947), et ses nouvelles relations avec l'URSS l'obligent à légaliser le parti communiste. Un pacte d'amitié finno-soviétique est signé (1948), un traité de sécurité réciproque et un accord commercial sont conclus avec Moscou en 1950. La dette de guerre est acquittée en 1952, et, trois ans plus tard, la péninsule de Porkkala lui est restituée par l'URSS.

5.2. « Finlandisation » et ouverture vers l’Europe

Urho Kaleva Kekkonen est l'homme qui façonne la politique finlandaise de l'après-guerre. Comme Premier ministre de 1950 à 1956 (avec deux brefs intervalles) puis comme président de 1956 à 1981, il mène une politique prudente propre à ménager les Soviétiques et maintient la Finlande à l'écart des conflits internationaux. Beaucoup d'observateurs occidentaux désignent cette neutralité plus ou moins contrainte par le terme de « finlandisation ».

Cependant, le pays reste orienté vers la Scandinavie et l'Occident. Ainsi, il est admis à l'ONU (1955) et au Conseil nordique (1956) et s'achemine vers le Marché commun nordique (1960). Il entend rester fidèle à la convention d'Helsinki (1962), qui scelle l'accord de coopération avec les cinq pays nordiques. Mais l'URSS veut empêcher la Finlande – son troisième partenaire commercial, en dehors du monde communiste —, de se rapprocher de ses voisins scandinaves et surtout de s'unir avec les Occidentaux. Aussi, en décembre 1969, les pourparlers sur le Nordek (Union économique des pays scandinaves) échouent, et l'Europe du Nord ne peut adhérer en bloc à la Communauté économique européenne (CEE). En revanche, les liens avec l'URSS et les pays communistes se resserrent. En 1968, le président Urho Kaleva Kekkonen inaugure le canal de Saimaa, qui, traversant le territoire soviétique, permet d'accroître les échanges commerciaux entre ces deux pays. En 1969, la Finlande accorde à l'URSS sa préférence pour l'installation d'une centrale nucléaire. En 1970, les deux États signent un protocole prolongeant leur traité d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle jusqu'en 1990. En 1983, ce traité est de nouveau prolongé pour vingt ans. En avril 1971, le Premier ministre Karjalainen, en visite en URSS, conclut un accord de coopération économique portant sur la période 1971-1975, et, en mai 1973, la Finlande est le premier pays non communiste à signer un traité de coopération avec le Comecon. Toutefois, elle conclut aussi, la même année, un accord de libre-échange avec la CEE et établit des relations diplomatiques avec les deux Allemagnes. Son souci de neutralité est illustré en 1969 par la ratification du traité de non-prolifération des armes nucléaires, puis par des conférences tenues à Helsinki sur la limitation des armes stratégiques (SALT) ou la conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE, 1975). En 1989, la Finlande devient membre du Conseil de l'Europe.

5.3. L’effondrement de l’URSS et l’adhésion à l’UE

Après l'effondrement de l'URSS (1991), la Finlande et la Russie entreprennent de réformer leurs relations. La Finlande restructure son orientation économique et noue des liens avec les anciennes républiques soviétiques. Mais elle se tourne surtout vers l'Europe, et, en mars 1992, elle présente sa candidature à une adhésion à la CEE qui est accueillie favorablement.

En octobre 1994, 57 % des électeurs finlandais se prononcent en faveur de l’adhésion à l’Union européenne (UE) qui devient effective le 1er janvier 1995. Considérée comme le plus « euro-enthousiaste » des pays d'Europe du Nord, la Finlande entend rejoindre l'Union économique et monétaire (UEM) Depuis 1994, elle participe au Partenariat pour la paix de l'OTAN.

6. La politique intérieure : des coalitions à géométrie variable

Entre 1917 et 2003, la Finlande connaît soixante-dix gouvernements (dont quarante depuis 1946 et dix-neuf cabinets minoritaires) avec quarante Premiers ministres. Cette instabilité gouvernementale contraste avec la forte stabilité des grands rapports de forces dans le pays au moins jusqu’à la forte perte d’audience de la gauche communiste entre la fin des années 1980 et les années 2000.

6.1. La domination du parti agrarien

Dans les années 1950 et jusqu’en 1966, la plupart des coalitions – auxquelles participent parfois le parti social-démocrate – se forment autour du parti agrarien – qui devient le parti du Centre en 1965 (KESK) – à l’instar des gouvernements dirigés par Urho Kekkonen (1950-1953 ; 1954-1956), Vieno Sukselainen (1957 ; 1959-1961) Ahti Karjalainen (1962-1963) et Johannes Virolainen (1964-1966). La politique sociale, dépendante de l'économie, pèse alors sur la politique intérieure du pays. Considérée comme un pays occidental, la Finlande a une conception nordique des rapports sociaux : elle cherche à améliorer les situations individuelles par des accords collectifs tenant compte des possibilités du marché, visant au plein emploi sans entraver le développement des entreprises privées.

L'inflation consécutive à la guerre est stoppée en 1953, mais la mévente des produits forestiers provoque la crise d'octobre 1954 (chute du cabinet Törngren), les grèves de 1957 et l'instabilité parlementaire (1958). Les problèmes sociaux, liés à la mutation économique d'un pays de plus en plus industrialisé, ont leur répercussion sur le plan politique et déterminent une instabilité ministérielle due à des conflits d'alliance entre partis social-démocrate, agrarien et communiste.

6.2. Les coalitions de centre gauche

À partir de 1966, les coalitions de centre gauche deviennent prédominantes. En mai, le cabinet dirigé par le social-démocrate Rafael Kusta Paasio s’appuie sur une large coalition puisqu’il inclut aussi bien le parti du Centre que les communistes pour la première fois depuis 1948. Les relations avec l'URSS en sont améliorées. Les gouvernements Mauno Koivisto (1968-1970 et 1979-1981), Ahti Karjalainen (1970-1971), R. K. Paasio (1972), Kalevi Sorsa (1972-1975, 1977-1979 et 1982-1987) suivent la même politique de consolidation d'un État providence dont les fonds sont abondamment entretenus par une croissance spectaculaire. Les tentatives périodiques de l'URSS d'influencer le processus électoral ont généralement des effets négatifs, comme en 1979, lorsque les conservateurs gagnent les élections aux dépens des communistes. En 1982, le social-démocrate Mauno Koivisto prend la succession de Urho Kaleva Kekkonen à la présidence de la République. Son parti améliore son score aux élections législatives de 1983. En revanche, celles de 1987 obligent les sociaux-démocrates à partager le pouvoir avec les conservateurs, qui n'ont pas participé au gouvernement depuis vingt ans. Harri Holkeri, leur chef de file, devient alors Premier ministre. En 1988, le président Koivisto est reconduit dans ses fonctions.

Dans les années 1980, la Finlande connaît un taux de croissance de 4 %, soit un des taux les plus élevés de l'Europe occidentale. Au début de la décennie suivante, la croissance ralentit. La disparition de l'URSS aggrave alors la situation commerciale du pays. En 1991, le gouvernement Holkeri est remplacé par une coalition non socialiste dirigée par le centriste Esko Aho, à la suite du départ des centristes de la coalition et du choix des sociaux-démocrates de rentrer dans l'opposition. En février 1994, le social-démocrate Martti Ahtisaari est élu président de la République, lors d'un scrutin organisé pour la première fois au suffrage universel direct.

6.3. Les coalitions « arc-en-ciel »

Aux élections législatives de mars 1995, le parti social-démocrate réalise son meilleur score depuis 1945 avec 63 des 200 sièges. Il forme un gouvernement soutenu par une coalition « arc-en-ciel », rassemblant autour du PSD, l’Alliance de gauche (communistes), les Verts, le parti de la Minorité suédoise et les conservateurs de la KOK, dirigé par Paavo Lipponen.

Le grand défi politique et économique est alors de satisfaire aux critères de Maastricht pour participer, dès 1999, à l'Union économique et monétaire (UEM). Le gouvernement remplit l'objectif qu'il s'était fixé : la Finlande est un des onze pays qui participent au lancement de l'euro le 1er janvier 1999. Mais les répercussions de la crise financière internationale dans ce pays (taux de croissance en baisse et déficit structurel important), seul État membre de l'Union européenne à avoir une frontière commune avec la Russie, rendent la tâche du gouvernement difficile, malgré la relative stabilité monétaire que connaissent alors les pays de la zone euro. En mars 1999, les sociaux-démocrates conservent leur place de premier parti politique du pays en remportant les élections législatives (22,9 % des voix). Mais l'usure du pouvoir et la politique d'austérité menée depuis quelques années par le gouvernement ont entraîné une sérieuse érosion du nombre de leurs électeurs. Les conservateurs, qui participent à la coalition gouvernementale, réalisent leur meilleur score depuis 1987 avec 21 % des suffrages. Le social-démocrate Paavo Lipponen reste Premier ministre ; il forme un nouveau cabinet, composé d'un nombre égal de ministres conservateurs et sociaux-démocrates et soutenu par la même coalition « arc-en-ciel » qu'en 1995. Une nouvelle Constitution – adoptée par le Parlement le 11 juin 1999, entrée en vigueur le 1er mars 2000 – amoindrit, notamment, les pouvoirs du président : celui-ci ne choisit plus le Premier ministre, qui est élu dorénavant par le Parlement.

La Finlande peut se prévaloir de bonnes performances économiques et d'une intégration dans l'Union européenne réussie – elle assume pour la première fois et avec succès la présidence tournante de l'Union au second semestre 1999. En février 2000, Tarja Halonen est la première femme élue à la présidence de la République : ministre sociale-démocrate des Affaires étrangères depuis 1995, elle parvient à réunir 51,6 % des suffrages, score bien supérieur à celui de la gauche réunie aux dernières élections. La nouvelle présidente s'engage à défendre le principe d'État providence, en veillant notamment à ce que l'enrichissement du pays n'accroisse pas les inégalités.

6.4. Le recul des sociaux-démocrates

Lors des élections législatives du 16 mars 2003, l'opposition centriste l'emporte – de justesse –, avec 55 sièges, sur les sociaux-démocrates (53 sièges) ; les conservateurs sont en recul (40 sièges). Anneli Jäätteenmäki, présidente du parti du Centre, est élue Premier ministre par le Parlement (avril). Mais, accusée d'avoir utilisé, lors de la campagne électorale, des documents confidentiels liés à la crise irakienne et mettant en cause le Premier ministre sortant P. Lipponen, elle est contrainte de démissionner (juin). Matti Vanhanen, vice-président du parti du Centre, et ministre de la Défense dans le gouvernement sortant, lui succède avec le soutien du parti social-démocrate. Lors des élections européennes de juin 2004, marquées par une forte augmentation du taux de participation – contrairement à la tendance européenne –, les partis de la coalition de centre gauche au pouvoir améliorent leur score, tout en étant légèrement devancés par les conservateurs. En janvier 2006, la présidente social-démocrate T. Halonen est réélue, au second tour et à une courte majorité (51,8 %), à la tête de l'État, face au conservateur Sauli Niinistö. En mars 2007, avec 50 sièges sur 200 et 10 de plus qu'aux élections précédentes, les conservateurs de la coalition nationale (KOK) dirigée par Jyrki Katainen – un nouveau leader de 36 ans – sont les grands vainqueurs des élections législatives. Le parti du Centre reste le premier parti avec 23,1 % des voix et 51 sièges tandis que le parti social-démocrate recule de 8 sièges. Si M. Vanhanen est ainsi reconduit dans ses fonctions, la nouvelle coalition rassemble le centre, les conservateurs (dont le chef est nommé ministre des Finances), les Verts (15 députés) et le parti populaire suédois (9 députés).

6.5. La percée de l’euroscepticisme et du vote de protestation

À partir des élections européennes de juin 2009, on assiste à une forte progression du sentiment eurosceptique avec l’élargissement de l’audience des « Vrais Finlandais » ou « Finlandais de base » (Perussuomalaiset, PS) dont la liste commune avec le parti chrétien-démocrate obtient 14 % des suffrages et qui fait élire son chef Timo Soini. Fondé en 1995 par des militants d’un petit parti agrarien (Parti rural), le PS, « populiste » et nationaliste mais ne remettant pas pour autant en cause les principes de l’État-providence, réalise une véritable percée aux élections législatives d’avril 2011. Axant notamment sa campagne contre le plan de sauvetage européen des « mauvais élèves » trop endettés de l’UE dont le Portugal, il obtient plus de 19 % des voix et 39 sièges contre 4 % et 5 députés en 2007, devançant le parti du Centre qui perd 16 sièges après avoir été déjà ébranlé en juin 2010 par la démission du Premier ministre M. Vanhanen à la suite d’un scandale relatif au financement du parti. Si les conservateurs de la KOK se maintiennent de justesse avec 20 % des suffrages environ, ils reculent également de même que les partis de gauche (sociaux-démocrates et Alliance de gauche) et les Verts. Une alliance avec les « Vrais Finlandais » ayant été écartée, après deux mois de difficiles négociations et un accord sur l’augmentation de plusieurs taxes ainsi que de l’impôt sur les plus hauts revenus et le capital, un gouvernement de large coalition « arc-en-ciel » réunissant 6 partis (KOK, PSD, Alliance de gauche, Verts, parti suédois, et Chrétiens-démocrates) autour du Premier ministre conservateur Jyrki Katainen, est finalement formé le 22  juin. En février 2012, Sauli Niinistö (KOK) est élu à la présidence de la République avec plus de 62 % des voix au second tour de scrutin face au candidat des Verts.

Les élections législatives d’avril 2015 confirment l’implantation des nationalistes finlandais qui, bien qu’en léger recul par rapport au scrutin de 2011, conservent près de 18 % des suffrages et 38 sièges. Devenant la deuxième force politique au parlement, ils sont cependant devancés par le parti du Centre qui retrouve sa première place avec 21,1 % des voix et 49 sièges et dont le président Juha Sipilä est nommé Premier ministre. Le 29 mai, ce dernier prend la tête d’un gouvernement de coalition de centre droit avec la KOK et le parti des « Vrais Finlandais  » qui entre pour la première fois au gouvernement en obtenant quatre ministères, dont celui des Affaires étrangères confié à son chef T. Soini.

Dissensions au sein du parti des « Vrais Finlandais »

L’élection à la direction du parti, en juin 2017, de Jussi Kristian Halla-aho, dirigeant très controversé pour ses déclarations contre le multiculturalisme et l’islam et incarnant une ligne nationaliste dure, a pour conséquence une scission du parti. La coalition gouvernementale menaçant d’éclater, les ministres issus des Vrais Finlandais, suivis par une vingtaine de députés, font sécession et se regroupent dans un nouveau « parti de la réforme bleue ». Une crise politique est ainsi évitée. Cependant, si le gouvernement conserve sa majorité, il se divise sur le projet de réforme du système de santé visant à rationaliser sa gestion au niveau régional et à en réduire le coût. Démissionnaire, le gouvernement reste en place dans l’attente des élections législatives d’avril 2019.

Alors qu’il semblait affaibli, le parti des « Vrais Finlandais » se maintient, avec 17,5 % des voix et 39 sièges, au coude-à-coude avec les sociaux-démocrates qui arrivent en tête du scrutin avec 17,7 % des suffrages et 40 sièges. La KOK vient en troisième position (17 % et 38 sièges) devant le parti du Centre (13,8 % et 31 sièges), principale formation à être sanctionnée avec les dissidents du « parti de la réforme bleue », qui n’obtiennent aucun siège.

Un gouvernement de coalition rassemblant le parti social-démocrate, le parti du Centre, l’Alliance de gauche, la ligue verte et le parti populaire suédois est finalement formé sous la direction d’Antti Rinne, président du PSD depuis 2014, puis de Sanna Marin (34 ans) qui lui succède en décembre 2019.