Martinique (972)
Département et Région français d'outre-mer (D.R.O.M.), constitué par une île des Petites Antilles.
Le D.R.O.M. appartient à l'académie des Antilles et de la Guyane, à la cour d'appel de Fort-de-France, à la région militaire Antilles-Guyane.
La Martinique fait partie des régions ultra-périphériques de l'Union européenne.
- Chef-lieu de département : Fort-de-France
- Chefs-lieux d'arrondissements : Le Marin, La Trinité
- Nombre d'arrondissements : 4
- Nombre de cantons : 45
- Nombre de communes : 34
- Superficie : 1 100 km2
- Population : 373 762 hab. (recensement de 2018)
- Nom des habitants : Martiniquais
UNE ÎLE PETITE, MAIS VARIÉE
L'île est constituée par un massif volcanique dominé au nord par la montagne Pelée (1 397 m), dont l'activité demeure menaçante. Le relief est très accidenté, la seule plaine notable étant celle du Lamentin, au centre. Les collines caractérisent le Sud. Le climat est tropical maritime, pluvieux : la température moyenne est de l'ordre de 25 à 27 °C en basse altitude, où l'amplitude thermique est faible. Les pluies sont regroupées de juin à novembre (l'« hivernage »), alors que les mois du « carême », de janvier à mai, sont un peu plus secs. La répartition géographique des précipitations est très inégale : la façade atlantique, exposée aux alizés, ainsi que les hauteurs sont plus arrosées (plus de 1 500 mm par an) et la saison sèche y est plus courte que sur le littoral caraïbe, sous le vent, et que dans le Sud, moins élevé et protégé des vents humides.
La Martinique se situe dans une zone où les cyclones et tempêtes tropicaux sont fréquents : un cyclone tous les huit ans en moyenne au cours des trois derniers siècles, avec une recrudescence depuis une quarantaine d'années.
La diversité des régimes pluviométriques explique celle de la végétation naturelle. On passe ainsi de la forêt dense et humide du Nord à une forêt sèche sur la côte caraïbe et au sud. Les sols, issus des roches volcaniques, sont très fertiles. Les côtes et le milieu marin proche sont propices à la navigation, à la pêche artisanale sur les hauts-fonds coralliens et au tourisme balnéaire (en particulier sur les plages ensoleillées du Sud).
SOCIÉTÉ : DE LA COLONIE À LA NÉO-COLONIE
Comme en Guadeloupe, la physionomie actuelle de la population reflète l'histoire du territoire. Les Indiens Caraïbes – qui avaient eux-mêmes succédé aux Arawaks – ont été très tôt exterminés en totalité par les colonisateurs européens dont certains ont fait souche (les Békés, au nombre stable de 2 500) ; ces derniers ont eu recours à des esclaves noirs africains pour travailler dans les plantations ; l'abolition de l'esclavage a entraîné l'immigration de travailleurs indiens et chinois. Mais les métissages, la présence de « petits Blancs » et l'augmentation du nombre de métropolitains (26 000, dans la fonction publique notamment) ont sensiblement transformé le simple schéma colonial originel.
La démographie globale de l'île s'est profondément modifiée au cours de la deuxième moitié du xxe s. Après avoir connu un doublement de la population entre 1920 et 1965 du fait d'un excédent croissant des naissances sur les décès, la population s'est relativement stabilisée sous l'effet d'une forte émigration vers la métropole (près de 200 000 Martiniquais y résident) et de la chute de la natalité (de près de 40 ‰ à son maximum à 15-16 ‰ depuis le milieu des années 1990). Parallèlement, l'urbanisation en a modifié la répartition géographique au profit principalement de Fort-de-France (dont l'agglomération rassemble un tiers de la population totale) et au détriment des zones rurales du Nord et du Sud-Ouest.
Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, l'économie reste fondée sur le Pacte colonial classique destiné à répondre aux besoins de la métropole. L'essentiel de la production marchande est constitué de quelques produits agricoles qui y sont exportés (sucre, rhum, bananes) et tous les produits fabriqués en proviennent. Le statut départemental (1946) et l'aide massive de la métropole modifient profondément la situation. Les activités tertiaires (transport, commerce, tourisme, administration) entretenues par des transferts de fonds publics et privés (salaires des fonctionnaires, aides sociales, travaux publics, subventions diverses, envoi de fonds des émigrés) deviennent prédominantes : à partir de la fin des années 1980, elles représentent plus de 80 % des emplois et contribuent dans les mêmes proportions au produit intérieur brut. Des équipements modernes sont construits (réseau routier, port et aéroport, hôpitaux, établissements scolaires et universitaires, complexes hôteliers). Par contre, malgré quelques réalisations, l'industrie reste à la traîne, et l'agriculture s'est littéralement effondrée. La baisse des productions traditionnelles n'a pas été compensée par le développement des productions vivrières nécessaires à l'alimentation des villes. C'est là une des nombreuses causes du profond déséquilibre du commerce extérieur, dans lequel la métropole conserve une part prépondérante. La faiblesse des activités agricoles et industrielles n'est pas non plus sans rapport avec le chômage qui prévaut dans l'île, proche de 30 %.
HISTOIRE
Affairisme et rivalités
Découverte par Christophe Colomb en 1493 le 11 novembre, jour de la Saint-Martin, l'île ne connaît pas la colonisation espagnole, et ce n'est qu'en 1635 que des Français y débarquent et exterminent les Indiens dont la présence était attestée depuis une quinzaine de siècles (Arawaks, puis Caraïbes). Jacques Diel Du Parquet, gouverneur de 1637 à 1658, est le véritable organisateur de la colonisation, favorisant la culture de la canne à sucre par des Hollandais chassés du Brésil. Il en devient même propriétaire en 1650. Revendue – avec une grosse plus-value – à la Couronne à la mort de Du Parquet, l'île est confiée en 1664, et pour un siècle, à la Compagnie française des Indes occidentales. Peu après, elle devient le siège du gouvernement général des Antilles françaises, et va bénéficier à ce titre d'une attention particulière de la part de la métropole. L'économie et la hiérarchie sociale sont fondées sur le système de la plantation. De riches créoles, les « Messieurs », dépendant d'armateurs négociants de France, dirigent de grands domaines, où des esclaves noirs cultivent café, canne à sucre, indigo, coton. Noirs affranchis et métis se spécialisent dans le petit commerce et l'artisanat.
Comme la Guadeloupe, la Martinique est convoitée par l'Angleterre, qui occupe les deux territoires en 1759. Le traité de Paris (1763), tout en officialisant la désagrégation du premier empire colonial français, les rend cependant à la France. Le problème n'est pas réglé pour autant. À deux reprises (1794 et 1809-1816), la Martinique est réoccupée par les Anglais. Entre-temps, en 1790, les planteurs ont tenté d'instaurer un régime autonome et aristocratique. Cette attitude des colons, les velléités d'abolition de l'esclavage de la Convention et l'exemple d'Haïti devenue indépendante sont à l'origine d'une radicalisation des Noirs, dont l'agitation ne va pratiquement pas cesser jusqu'à l'abolition de l'esclavage en 1848 (décret Schœlcher). (→ Empire colonial français, esclavage)
De Schœlcher à Césaire
L'abolition accroît les difficultés des plantations de canne, qui subissent déjà la concurrence du sucre de betterave métropolitain, et entraîne « l'importation » de main-d'œuvre bon marché des Indes et d'Afrique. Le marasme économique et les troubles sociaux qu'elle induit, la rivalité politique entre Victor Schœlcher (député de la Martinique sous la IIe République, de nouveau député puis sénateur à vie de l'île sous la IIIe République) et Bissette, mulâtre rallié aux colons, enfin l'incendie de Fort-de-France (1890) et l'éruption de la montagne Pelée (1902) marquent la seconde moitié du xixe s. et le début du xxe s. Le premier syndicat est créé en 1900, et, un an plus tard, le parti socialiste. Ce dernier éclate en 1919, certains de ses dirigeants ayant signé un pacte de collaboration avec les propriétaires de raffineries de sucre. De la scission naît la fédération communiste de la Martinique, dont la figure de proue sera après la guerre Aimé Césaire, « inventeur » du concept de négritude.
Entre 1940 et 1943, l'île reste, comme les autres Antilles françaises et la Guyane, sous l'administration de Vichy et est soumise à un blocus strict de la part des Anglais. Ralliée, après diverses péripéties, au Comité français de libération nationale (C.F.L.N.), la loi du 19 mars 1946, dont Césaire, devenu député, est l'un des rapporteurs, en fait un département d'outre-mer (D.O.M.). La vie politique va bientôt tourner autour du statut de l'île, à partir du moment où A. Césaire, partisan de l'autonomie, mais hostile à tout extrémisme, rompt avec les communistes et fonde le parti progressiste martiniquais (1958). Dans le cadre de la décentralisation entreprise par le gouvernement Mauroy, une Région se superpose au département (1982) et un conseil régional élu au suffrage universel est institué en 1983. A. Césaire en est le président jusqu'en 1988. Les partis de droite, longtemps favorables au statu quo, semblent avoir légèrement évolué à la toute fin des années 1990 dans le sens d'une plus grande autonomie. Les indépendantistes demeurent minoritaires. Appelés le 7 décembre 2007 à se prononcer par référendum sur la création d'une collectivité territoriale se substituant au département et à la Région, les Martiniquais se prononcent par 50,48 % des voix pour le « non ». En janvier 2010, ils rejettent par 78,9 % de « non » le statut d'autonomie selon l'article 74 de la Constitution et optent à 68,3 % de « oui » pour la fusion Région-département.