navigation de plaisance
Navigation pratiquée pour le loisir, le sport, et de ce qui s'y rapporte.
Introduction
Longtemps réservée aux privilégiés de la fortune, la navigation à voile a aussi été la passion de quelques originaux épris d'aventure, tels Joshua Slocum, qui fit le tour du monde sur le Spray (1895-1898), ou Alain Gerbault, qui parcourut les mers sur le Firecrest (1923-1929). Puis, dans les années 1950, la navigation de plaisance s'est démocratisée grâce aux séries populaires lancées par l'architecte naval Jean-Jacques Herbulot : Vaurien, Caravelle, Corsaire, Mousquetaire, etc. Des milliers de passionnés au budget modeste ont pu naviguer ; ils étaient 85 000 en France en 1955, ils sont près de dix fois plus, quarante ans plus tard. Des normes de sécurité ont été fixées pour la construction et l'armement des voiliers et bateaux à moteur ; la possession d'un permis est devenue obligatoire ; des écoles se sont ouvertes, dont la plus connue est celle des Glénans.
Des performances, telles que le tour du monde en solitaire de Francis Chichester sur Gipsy Moth (1966-1967), ouvraient de nouvelles perspectives, mais elles lançaient la perpétuelle course à la nouveauté dont l'aboutissement contemporain est représenté par les immenses monocoques et multicoques, tributaires d'énormes budgets de sponsorisation. Leurs équipages sont devenus des vedettes, qui assurent à leurs commanditaires les retombées médiatiques escomptées. Cependant, les nouvelles techniques rejaillissent sur l'industrie du nautisme, qui s'est structurée et a gagné en sécurité pour le bénéfice de l'immense population des amateurs qui naviguent pour la promenade, la croisière, la pêche ou le simple plaisir de vivre sur l'eau.
Dates clés de la navigation de plaisance
DATES CLÉS DE LA NAVIGATION DE PLAISANCE | |
Fondation de la Société des régates du Havre, premier yacht-club français. | |
La goélette Americaremporte l'épreuve du tour de l'île de Wight devant ses concurrents britanniques. | |
Établissement de la première jauge française, en vue d'un classement équitable des yachts de course. | |
Construction du premier monotype français, celui du Morbihan. | |
Course motonautique Alger-Toulon. | |
Établissement de la première jauge internationale. | |
Premier moteur hors-bord : l'Evinrude. | |
Premier championnat de France en solitaire. |
La construction des bateaux de plaisance
Pendant longtemps, les bateaux de plaisance ont été construits en bois, puis l'aluminium et l'acier rivetés ont fait leur apparition au cours des années 1920. Plus tard, l'arrivée de bonnes colles marines permit la réalisation, sur moule mâle renversé, de coques en bois lamellé. Mais c'est la grande diversification des années 1950 qui a été à l'origine de cinq axes d'innovation : – réalisation de coques en contre-plaqué marine sur des plans aux formes développables : ce furent les bateaux à bouchains vifs, raidis intérieurement par des cloisons transversales ;– construction sur moule (posé sur la quille ou renversé) par petites lattes collées, épousant les lignes de fuite de la coque ;– emploi extensif d'acier mince (3-4 mm) mécanosoudé et d'alliage léger AG4 par soudage sous argon ;– utilisation de ferrociment sur une ossature en grillage, pour quelques constructions pour amateur ;– emploi de laine de verre et de résines polyesters.
Aujourd'hui, l'énorme majorité des bateaux de plaisance de série est réalisée en alliage léger et surtout en fibres de verre et résines. Le moule de la coque est une forme femelle, aux parois parfaitement finies, enduites d'un agent démoulant. Une couche de « gel coat » (résine polyester) y est projetée au pistolet, suivie aussitôt par une couche de laine de verre et de résine, lissée au rouleau. Puis sont appliquées des couches successives de feutre de fibres et de fibres tissées. Le démoulage se fait soit par arrachement au palan, à l'aide des raidisseurs métalliques incorporés à la structure de la coque, soit par voie pneumatique, dans le moule. Les moulages du pont et des superstructures, réalisés de la même manière, sont assemblés à la coque par collage polyester. Une autre méthode de construction sans moule, qui ne convient pas aux bateaux de série, consiste à appliquer des couches successives de fibres de verre et de résine sur des lisses de forme. Ce collage doit obligatoirement être suivi d'un difficile et long ponçage.
La coque brute ne constitue que le tiers ou le quart du prix du bateau. L'accastillage, selon sa qualité ou sa destination (croisière, course), la voilure et le gréement (Dacron, Kevlar, Inox) représentent le reste du budget.
Monocoques et monotypes
L'immense majorité des bateaux de plaisance sont des monocoques. Leur construction en séries normalisées de monotypes a contribué à leur popularité. Deux objectifs ont inspiré les constructeurs de monotypes : d'une part, la réduction du coût de construction par la fabrication en série, d'autre part, la simplification des critères de classement pour les compétitions. Ainsi ont été supprimés les calculs complexes de « rating » sur la base d'une formule de jauge, tous les bateaux devenant identiques : 505, Flying Dutchman, 420 et autres. Toutefois, de petites différences de construction et d'équipement subsistent d'un constructeur à l'autre, et les comités de régate doivent en tenir compte. Les monotypes constituent donc une classe, au sens anglo-saxon de ce terme.
Dans les séries « à formule », la jauge est calculée selon un certain nombre de caractéristiques du bateau ; le nombre résultant doit être inférieur ou égal au rating fixé pour la course. Ainsi, pour la jauge des Class America (qui remplace depuis 1992 la jauge internationale de 1920 longtemps appliquée aux 12 m J. I. de l'America's Cup), outre certaines spécifications techniques, la longueur hors tout, le déplacement et la surface de voilure entrent dans une formule qui doit aboutir au nombre 42.
Les efforts entrepris pour faire courir des bateaux semblables – des monotypes – devaient être couronnés de succès. Les bateaux de série sont devenus populaires. En France, les séries en comptaient à peine une centaine avant la Seconde Guerre mondiale ; à la fin du xxe s., leur nombre dépasse 15 000 par série. La large diffusion dans le monde de bateaux identiques facilite les régates entre équipages entraînés dans chacune des séries, évitant les coûteux transports de bateaux sur les lieux de l'épreuve. D'ailleurs, les grands constructeurs produisent des types susceptibles d'entrer facilement dans une jauge standard. Leurs performances de vitesse étant limitées, les monocoques sont souvent choisis pour certaines épreuves pour des raisons de tradition. Toutefois, la recherche d'améliorations techniques sur les monocoques ne cesse de progresser. Les nouveaux matériaux, tels que le Kevlar ou les fibres de carbone, occupent une place grandissante dans le gréement et la voilure.
Les multicoques, la course océanique
Les premiers catamarans sont apparus en Occident à la fin du xixe s., construits par le grand architecte naval américain N. Herreshoff, père des classes J. Très performants, ces catamarans furent bannis des courses par les adeptes de la voile classique. Vers les années 1950, ces engins de vitesse réapparurent avec le Shearwater. Très rapidement, ses adeptes en perçurent autant les qualités que les défauts, à commencer par son manque de stabilité dans les rafales. En effet, la stabilité d'un quillard est assurée par son lest. Celle d'un dériveur l'est par la largeur de sa coque, dont la surface mouillée oppose une résistance importante à l'avancement du bateau. Dans une rafale, la pression du vent est aussitôt et automatiquement atténuée par l'inclinaison de la mâture à la gîte, ce qui donne une garantie de sécurité au bateau. Par contre, le catamaran, dont le poids est réparti sur deux coques, ne s'enfonce que faiblement dans l'eau, ce qui lui confère une vitesse considérable. En outre, l'écartement des deux flotteurs, à plus de la moitié de la longueur de la coque, assure une stabilité importante, qui est augmentée par le rappel des équipiers sur les unités légères. Mais le grand handicap, c'est le brusque décollement du flotteur au vent sous l'effet d'une survente, suivi du chavirage immédiat, la stabilité devenant nulle par plus de 50° de gîte. Autre handicap des catamarans : leur faible inertie. Dans un manque à virer vent devant, ils risquent d'être stoppés brusquement et de culer dans la houle. C'est pourquoi les catamarans ne se montrent vraiment à leur aise que dans les eaux abritées. À la suite de nombreux naufrages, ils ont été délaissés pour les courses océaniques au profit des trimarans, alors prêts à assurer la relève.
Les multicoques étant considérés comme des engins expérimentaux, il ne leur fut d'abord imposé d'autre règle que la propulsion exclusive par le vent. Depuis 1990, pour les Grands Prix et les Transats, leur taille est limitée à 60 pieds (18,28 m). Un trimaran peut être aussi large que long, sa stabilité latérale étant bien supérieure à celle des catamarans. Mais le rapport longueur/largeur est tout de même limité par la stabilité longitudinale minimale. Tel catamaran, avec un mât de 26 m pour une coque de 16 m, est à la limite du cabannement (basculement sur l'avant).
Si les multicoques ne serrent pas le vent autant que les monocoques, leurs défauts ne sauraient faire oublier leurs performances de vitesse et leur faible dérive. C'est pourquoi ils sont bien implantés dans les courses océaniques, dont la tradition est aussi vieille que la navigation elle-même, puisque deux voiliers faisant même route n'ont jamais manqué de régater. Le premier Fastnet de 1925 fut couru par sept cotres à voile, dont le célèbre Jolie-Brise, du Havre.
Le motonautisme
Bateau à moteur ou bateau à voiles… à chacun selon ses goûts, ses aptitudes, ses besoins, et sa conception de la mer. Les bateaux à moteur occupent un tiers du parc nautique français. Ils comprennent, d'une part, les bateaux de compétition, en petit nombre, et, d'autre part, les runabouts et les croiseurs habitables et de grand tourisme. Les bateaux de compétition courent aussi bien sur des plans d'eau abrités (lacs, fleuves, rades) qu'en mer au large.
Les coques trois points (deux points latéraux à la coque et l'hélice propulsive) des « racers » leur ont valu leur surnom de « pelles » en raison de leurs excroissances latérales qui leur donnent cette forme et assurent leur stabilité dans les virages. Les moteurs sont soit fixes à bord, soit mobiles ou hors-bord. Ce sont ces « pelles » qui courent les Six Heures de Paris. Aucune limitation de forme ou de taille ne leur est imposée ; ils sont divisés en six catégories en fonction de la puissance de leur moteur. Les courses en mer se disputent sur de véritables monstres motorisés qui peuvent dépasser 15 ou 20 m de long. Contrairement aux racers, ils sont classés en fonction de leur longueur, la puissance étant libre.
Mais le motonautisme n'est pas seulement un sport réservé aux milliardaires ou à la compétition de ces véritables bateaux de formule 1. Il trouve sa justification dans le tourisme marin, avec ses activités sportives annexes : plongée, ski nautique, pêche. Pour beaucoup d'amateurs, le cabin cruiser est une résidence secondaire portuaire. Plus facile à mettre en œuvre qu'un voilier, ce bateau est le véhicule idéal pour des sorties de quelques heures, même par vent contraire et calme plat. L'équipement d'un cabin cruiser en fait tout le prix. Les coques des bateaux à moteur ont aussi évolué, la carène en V est devenue la règle générale.