Les Moluques
Archipel d'Indonésie, situé entre Célèbes et la Papouasie-Occidentale.
- Superficie : 75 000 km2
- Population : 2 566 882 hab. (recensement de 2010)
Un archipel montagneux
Cet ensemble d'îles du « Grand Est » indonésien représente au total 74 500 km2, mais s'étire sur plus de 1 000 km du nord au sud, entre mers des Moluques, de Ceram, de Banda et d'Arafura. Environ 2,3 millions de personnes y vivent. Les plus vastes de ces terres (Halmahera, Ceram et Buru) sont aussi les moins densément peuplées, Buru ayant d'ailleurs servi d'île pénitentiaire pour une centaine de milliers de communistes arrêtés lors des massacres de 1965 (→ Indonésie). Certaines des petites Moluques – Banda, Ternate, Tidore, Amboine –, plus aisées à maîtriser et surtout à défendre, sont par contre très peuplées, et constituent depuis l'époque précoloniale les centres de pouvoir. Du fait de la présence d'épices rares et mondialement demandées (clous de girofle, noix muscade…), elles furent aussi l'enjeu de féroces affrontements.
L'ensemble est fortement montagneux, Ceram culminant à 3 055 m. Le volcan de Ternate est des plus actifs, et de violents tremblements de terre ravagent périodiquement la région. La répartition des îles autour de l'équateur explique les pluies quasi constantes, et la forte humidité (2 600 mm à Banda) : là où la fréquente surexploitation des sols l'a épargnée, la forêt est luxuriante, et riche en oiseaux et en papillons. La population, très mêlée, comporte un vieux fonds mélanésien, largement recouvert d'apports ultérieurs austronésiens. Les parlers vernaculaires, apparentés au malais, rattachent les Moluques à l'ensemble indonésien.
Un archipel dans l'archipel
Les Moluques n'en ont pas moins une histoire très particulière. Islamisées dès le xve s. – bien avant la plupart des îles de l'archipel – par des marchands indiens, elles représentent la pointe la plus orientale du monde musulman.
Au début du xvie s., les Portugais, dont elles constituent le but ultime des expéditions de découverte, ont fort à faire avec les sultanats de Ternate et de Tidore, qui se partagent alors les Moluques. Les Hollandais y effectuent leurs premiers voyages militaro-commerciaux en Asie, et s'installent à Amboine en 1605. Les Portugais sont rapidement évincés, les sultanats soumis. Les Anglais, arrivés presque en même temps, et désireux de partager l'Insulinde avec les Provinces-Unies, sont contenus, isolés des courants commerciaux et parfois massacrés (comme à Amboine en 1623) par leurs anciens alliés hollandais : ils renoncent en 1667 à leur dernière possession dans l'archipel. Afin de s'assurer le monopole des précieuses épices, les Hollandais en concentrent la production sur quelques petites îles, en dévastant les autres, massacrant, déportant, réduisant à l'esclavage la population comme à Banda. Le colonisateur fait ensuite davantage usage d'humanité : les conversions au protestantisme sont nombreuses, et la prospérité extraordinaire jusqu'au xixe s., quand les sultanats d'Aceh et de Zanzibar entreprennent de concurrencer les productions moluquoises, à l'instigation des Britanniques. L'économie revient alors peu à peu à une agriculture de subsistance, accompagnée de pêche côtière.
L'ancienneté de la présence néerlandaise entrave au xxe s. la montée du nationalisme indonésien, issu de la lointaine Java. Les alliés anglo-américains chassent les Japonais dès 1944, alors que le reste de l'Indonésie se dirige vers la proclamation de l'indépendance sous contrôle nippon. Lors de la tentative de reconquête néerlandaise (1946-1949), beaucoup de Moluquois sont donc utilisés par le colonisateur. À son retrait, une république des Moluques du Sud est proclamée, mais elle s'effondre en 1951. Des milliers de Moluquois préfèrent s'exiler aux Pays-Bas, où ils maintiennent longtemps leur revendication séparatiste. (→ Empire colonial néerlandais.)
Violences et purification religieuses
C'est cependant sur une base non pas autonomiste mais religieuse que les affrontements reprennent en janvier 1999, peu après la chute du régime autoritaire du président Suharto. La province des Moluques, longtemps à légère majorité chrétienne, a accueilli au cours des deux dernières décennies de nombreux migrants musulmans, surtout venus de Célèbes (Sulawesi) : ils représentent désormais 57 % de la population. Contrôlant largement le commerce et les transports, ils sont en outre dans les années 1990 placés à de hauts postes administratifs. Le sentiment de dépossession des 43 % de chrétiens (dont 37 % sont protestants) a conduit à une explosion de violence dans la ville d'Ambon, à la suite d'un simple incident de circulation. Depuis, un climat de guerre civile généralisée s'est installé aux Moluques, avec son cortège de haine et d'atrocités contre les civils des deux camps. On comptait fin 2000 au moins 6 000 morts. Une sinistre purification ethnique (ou plutôt religieuse) fait rage : des centaines de milliers de Moluquois ont dû fuir, soit vers d'autres îles, soit vers Célèbes. L'armée s'est révélée incapable d'enrayer les violences, quand elle n'a pas assuré l'approvisionnement en armes et le transport des miliciens. L'intervention de milliers de militants musulmans fanatiques venus de Java, les Laskar Jihad, qui jouissent de fortes protections à Jakarta, a largement aggravé la situation, et fait désormais pencher la balance en défaveur des chrétiens, attaqués jusque dans les églises, et parfois contraints à la conversion. Le gouvernement tente de reprendre la main : les Moluques sont en 2000 divisées en deux provinces, les chrétiens étant concentrés dans celle du Sud. Mais l'armée administre de facto celle du Nord, et les milices musulmanes du Sud y ont leur base arrière… Après trois années de conflits ayant fait 13 000 morts et déplacé 500 000 personnes, chrétiens et musulmans signent à Malino (Célèbes) en février 2002 un accord prévoyant la fin des hostilités et le renoncement à toute activité séparatiste.