Empire colonial néerlandais
Ensemble des pays et des territoires colonisés par les Hollandais.
1. Indes orientales et occidentales
Le soulèvement général des Provinces-Unies contre l'Espagne (1572), le passage du Portugal sous la domination espagnole (1581-1640) ferment aux marins hollandais leurs ports d'approvisionnement traditionnels (Cadix, Lisbonne). Ils doivent, dès lors, aller chercher directement les épices à leurs sources. Dans ce dessein se constituent les deux Compagnies des Indes orientales (1602) et des Indes occidentales (1621), qui constituent un Empire colonial arraché pour l'essentiel aux Ibériques.
Dans la première moitié du xviie siècle, la Compagnie des Indes orientales prend pied dans l'archipel des Moluques (Amboine, 1605; les Banda, 1609), où la soumission, vers 1660, des principautés maritimes de Ternate, Tidore, Batjan marque son triomphe.
L'énergique éviction des Français et des Anglais permet l'installation dans la mer de Java, l'occupation de Banten et la fondation de Batavia (1619).
Plus à l'ouest enfin, les mondes malais, indien et chinois sont pénétrés par l'installation de comptoirs à Johore et Malacca (enlevée aux Portugais en 1641), par les postes sur la côte indienne de Malabar (Cochin en 1663, Calicut) et l'éviction des Portugais de Ceylan (1658), par l'envoi de commerçants dans le nord de Bornéo vers 1665 et de missions à Formose.
La paix de Breda (1667) consacre l'existence de l'Empire colonial hollandais d'Orient (avec la cession aux Hollandais des dernières îles anglaises des Banda) composé d'une série d'établissements commerciaux fortifiés : du Cap (1652), de Timor, en passant par l'escale persane de Bandar Abbas.
L'administration des Indes orientales repose sur l'organisation commerciale de la Compagnie, pour laquelle le souci commercial élimine toute préoccupation de peuplement européen ou de mise en valeur de l'île. Elle superpose aux structures traditionnelles son réseau d'agents ; ceux-ci (gouverneur général, conseiller des Indes, chefs marchands, marchands commis) sont respectivement responsables du gouvernement politique, des grands services administratifs, en même temps que de l'administration générale d'un territoire important (par ex. Amboine), de la direction d'un poste, d'un fort, d'une factorerie.
Alors que le gouverneur ou les conseillers négocient avec les princes locaux les contrats de livraison, les agents d'exécution perçoivent les prestations en nature imposées aux indigènes et maintiennent l'ordre même par la force (massacre de 1621 dans les Banda). Les relations des différentes communautés culturelles de l'Insulinde sont strictement « fonctionnelles », exclusives de tout métissage, chacune conservant ses usages : bourgmestre hollandais, juges chinois à Batavia.
2. Amériques, Afrique
L'expansion hollandaise vers l'ouest a une destinée moins brillante. Inaugurée par l'envoi de dix familles huguenotes en Amazonie, de trente familles wallonnes à l'embouchure de l'Hudson (1623), par les croisières de rapine de Piet Heyn, le long des côtes brésiliennes (1627-1628), l'Empire d'Amérique atteint son apogée dans la première moitié du xviie siècle : du cap San Roque au río San Francisco s'étend, vers 1635, le Brésil hollandais, dont le gouverneur général Jean Maurice de Nassau-Siegen entreprend l'intelligente exploitation (bois, canne à sucre) [1636-1644].
Dans le nord, le long de l'Hudson, s'échelonnent une série d'établissements formant la Nouvelle-Néerlande, parmi lesquels Nieuw-Amsterdam (dont les Anglais feront New York), vivant du commerce des peaux et d'agriculture depuis la Charte du patronat (1629).
Sur la mer des Antilles, enfin, Saint-Eustache, Saint-Martin, Tobago, la Guyane, Curaçao sont enlevés aux Espagnols (1635). La restauration de l'indépendance portugaise (1640) et la guerre hollando-portugaise (1641-1651), ainsi que les révoltes brésiliennes, viennent à bout du Brésil hollandais (capitulation de Recife, 1654), dont le retour au Portugal sera sanctionné par la paix de La Haye (1661). Le triomphe anglais du duc d'York marque la fin de la Nouvelle-Néerlande (1664). La paix de Breda (1667) laisse à la Hollande, outre ses possessions antillaises, bien exploitées, les comptoirs africains de Gorée, d'Arguin, assurant l'envoi des esclaves sur le marché de Curaçao.
À l'encontre des Indes orientales, il se formera très tôt, aux Antilles hollandaises, une société coloniale dans le cadre d'une économie de plantation tropicale (canne à sucre, riz, tabac), avec son parler, ses minorités ethniques (Juifs du Surinam).
Pour en savoir plus, voir l'article traite négrière.
3. Les raisons du déclin
Dès le milieu du xviiie siècle, commencent en Insulinde les difficultés provoquées par les problèmes internes de la Compagnie des Indes orientales et la dégénérescence consécutive de l'Administration, par les effets néfastes du malthusianisme économique pratiqué (politique du peu mais cher ; arrachages de plantations), par l'excessive dureté du traitement des indigènes et des Chinois (massacre de Chinois à Batavia en octobre 1740).
La guerre anglo-hollandaise (1780-1784) précipite le déclin de la Compagnie, sanctionné par sa dissolution (1798). La substitution d'une nouvelle politique coloniale à celle de la Compagnie va se trouver retardée par les crises européennes de la Révolution et de l'Empire français. Prenant prétexte de la mainmise française sur les Provinces-Unies transformées en République batave (1795), les Anglais occupent Le Cap, Ceylan, les comptoirs de l'Inde et de Sumatra, Malacca, les Moluques, la Guyane et les Antilles néerlandaises.
À la paix d'Amiens (1802), les Hollandais recouvrent leurs possessions (à l'exception de Ceylan). Les anciens territoires de la Compagnie des Indes orientales sont placés sous l'autorité nominale du « Comité gouvernemental pour les affaires orientales » ; les Hollandais y envoient le gouverneur Daendels (1808-1810), qui entreprend la mise en valeur du pays par la construction de routes. Dès 1810, il est interrompu par les Anglais, qui occupent Batavia (8 août 1811) ; le gouverneur anglais Raffles s'y installe, esquisse une politique de libéralisation économique et accorde les premières concessions politiques : l'institution des « résidents » de province, assistés chacun d'un « régent » indigène, durera jusqu'après la Première Guerre mondiale.
4. De l'autonomie relative à l'indépendance
Par la convention de Londres de 1814, l'Angleterre restitue au royaume des Pays-Bas ses colonies sauf Le Cap, une partie de la Guyane, Tobago et Ceylan. La révolte princière de l'est de Java et le soulèvement religieux de Sumatra (1825) contraignent les Pays-Bas à adopter une politique d'autonomie relative. Aux structures coloniales classiques vont, dès lors, se substituer progressivement des formes d'exploitation et des rapports nouveaux avec la métropole.
L'échec du système des plantations d'État de Van den Bosch, nommé en 1830 gouverneur des Indes néerlandaises, ouvre, dès la fin du xixe siècle, la mise en valeur des îles à l'initiative capitaliste et privée. Ce système a non seulement précipité l'abolition de l'esclavage dans les colonies néerlandaises (1860), qui se traduit par l'émancipation en Guyane de 36 000 esclaves sur une population totale de 55 000 habitants (11 000 esclaves sur 31 000 habitants aux Antilles), mais encore provoqué son propre remplacement, à partir de 1863, par un système d'impôt. Responsable des émeutes de la faim, vite teintées de nationalisme (Aceh, 1873), il a contribué à renforcer le mouvement anticolonial (Budi Utomo, 1908 ; Sarekat Islam, 1911), qui obtient une première modification du statut politique des colonies orientales (1917 : création du Volksraad).
Ces concessions, renouvelées par la nouvelle Constitution néerlandaise de 1922, ne tempèrent nullement des revendications dont le parti national indonésien du Dr Sukarno se fait le champion à partir de 1927. Leur aboutissement sera, en août 1945, la proclamation de la République indonésienne, à la faveur de la longue interruption de la tutelle métropolitaine sous l'occupation japonaise (1942-1945). Totale depuis le 10 août 1954, l'indépendance de l'Indonésie suscite aux Pays-Bas certaines difficultés politiques (revendications concurrentes sur l'ouest de la Nouvelle-Guinée ou Irian, qui deviendra indonésienne en 1963).
Au milieu du xxe siècle, l'émancipation de l'Indonésie a donc réduit le vaste Empire néerlandais, témoin de la puissance paradoxale des Provinces-Unies au xvii e siècle, à ses seuls territoires américains (Surinam [Guyane] et quelques Antilles : une partie de Saint-Martin, Saint-Eustache, Curaçao, Aruba). En 1975, le Surinam devient indépendant.
Pour en savoir plus, voir les articles histoire des Pays-Bas, vie politique depuis 1945.