Espagne : confirmation pour le gouvernement Aznar
C'est un événement majeur dans l'évolution politique espagnole contemporaine. Depuis la fin du franquisme, la droite politique n'avait pu obtenir une majorité absolue au Parlement, malgré sa victoire de 1996. C'est chose faite, depuis le 12 mars 2000. Le vote des Espagnols, qui donne carte blanche aux conservateurs, a consacré le renouvellement et la modernisation du Parti populaire, sous la conduite de José María Aznar.
La majorité relative du gouvernement Aznar est devenue majorité absolue à l'issue des élections générales. Et cela contrairement à ce que prévoyaient les sondages, qui annonçaient la nécessaire reconduction de l'alliance législative avec les nationalistes catalans de Jordi Pujol. Il était tellement évident que les résultats seraient serrés que le président de la Generalitat catalane avait déjà présenté la liste chiffrée des demandes pour continuer à soutenir le gouvernement ; ce fut peine perdue. Le Parti populaire compte désormais 183 sièges sur 350 au Congrès des députés et 127 représentants sur 259 au Sénat, contre 127 et 61 respectivement pour le Parti socialiste, qui demeure le premier parti politique de l'opposition. Plusieurs facteurs ont favorisé la victoire de la droite espagnole. D'abord, l'abstention d'un bon nombre d'électeurs (30 % en 2000, contre 23 % en 1996) qui votent traditionnellement à gauche. Ce qui a provoqué l'effondrement de l'alliance électorale socialiste et communiste, dont l'unité de façade n'a été que très peu mobilisatrice et guère convaincante, et qui n'a pas survécu aux résultats des élections.
Une nouvelle image
Mais l'image nouvelle, sereine, réformatrice et centriste, que présentent désormais les conservateurs espagnols a aussi joué un rôle décisif. Il est possible d'affirmer que depuis sa première victoire, en 1996, il s'est produit un changement de ton et de style dans la pratique de la droite espagnole. Avec une victoire très faible (un écart de 300 000 voix), et à peine majoritaire au Congrès des députés, celle-ci a dû se mettre à l'école de la cohabitation avec les forces nationalistes périphériques, basques et catalanes principalement, pour pouvoir constituer une majorité stable – ce qui était un véritable défi pur les héritiers du franquisme. Mais elle a dû en même temps faire l'apprentissage des procédures démocratiques et de négociation politique pour appliquer son programme et renoncer, du moins temporairement, à ses propositions les plus radicales. Ce n'était pas sans peine, surtout pendant les premiers mois du gouvernement, où l'opposition a pu dénoncer certains dérapages autoritaires.
Ces changements enregistrés chez les conservateurs espagnols ont été conduits par M. Aznar et ses plus proches collaborateurs. Ce dernier a su se défaire des personnages encombrants et des personnalités du parti qui étaient trop marquées à droite. Le « virage au centre » qu'il a entrepris s'est également traduit par l'émergence d'une nouvelle « génération » d'hommes et de femmes de droite qui occupent désormais le devant de la scène. Et pas seulement sur le plan politique. Par exemple, la privatisation des grands groupes nationaux espagnols a permis au président de placer un bon nombre de ses partisans aux postes de commande au sein des nouvelles entreprises. Ce qui a renforcé son influence politique et celle de son gouvernement. Ainsi, le président a finalement imposé son style et son projet, alors que ses capacités de dirigeant étaient sérieusement contestées au début de son mandat, y compris au sein de son propre parti. C'était, au bout de quelques années, la victoire d'un « type normal », réservé et secret, y compris avec ses propres ministres, sans charme ni charisme.
Mais il faut indiquer que la conjoncture internationale favorable et la bonne santé de l'économie espagnole se sont aussi reflétées dans le résultat des élections législatives. Les électeurs ont clairement imputé ce qu'on appelle déjà le « miracle économique » espagnol à la gestion de l'équipe gouvernementale du Parti populaire. Les jeunes, par exemple, qui participaient pour la première fois aux élections (près de 2,4 millions) ont clairement fait le choix du Parti populaire. Or, il convient de préciser que la politique économique suivie par le gouvernement actuel, qui n'est autre que celle de l'alignement sur les critères des principaux pays européens, avait déjà été entamée par les gouvernements précédents. Les privatisations, la rigueur budgétaire, les fusions et prises de contrôle, l'exportation des capitaux, la libéralisation du marché du travail, etc., qui ont marqué la gestion du premier gouvernement conservateur espagnol après quinze ans de gestion socialiste, étaient déjà présentes dès la seconde moitié des années 1980, à l'époque de Felipe González. Mais il est vrai que le rythme des réformes s'est effectivement accéléré depuis 1996, favorisé par une conjoncture économique internationale stable. Le mot d'ordre central de la campagne électorale du Parti populaire le disait précisément : « vamos a más », c'est-à-dire « nous allons en faire davantage ».