Journal de l'année Édition 2001

Du 01 janvier 2000 au 31 décembre 2000

Sommaire

  • Dossiers chronologie
    • La fusion AOL-Time Warner : place « net » à la « nouvelle économie »

      Après avoir évité l'obstacle tant redouté du fameux bogue informatique de l'an 2000, la « nouvelle économie » se voit ouvrir la voie royale sur la grande autoroute de l'information, avec la rencontre de deux poids lourds de la communication qui scelle l'alliance entre Internet et les médias, principaux vecteurs d'une mondialisation triomphante à l'aube du xxie siècle. Le 10 janvier, le premier fournisseur d'accès à Internet au monde, America On-line (AOL), et le numéro un mondial de la communication, Time Warner, annoncent leur fusion par échange d'actions, donnant ainsi naissance à « la première entreprise de presse et de communication au monde pour le siècle de l'Internet » selon les termes du communiqué conjoint.

    • Un socialiste au pouvoir au Chili

      Les victimes de la dictature militaire du général Augusto Pinochet tiennent leur vengeance symbolique. En effet, pour la première fois depuis le putsch de septembre 1973 dirigé contre Salvador Allende, un président socialiste prendra ses fonctions, au mois de mars, au palais de la Moneda.

    • La disgrâce d'Helmut Kohl

      Cela commence par la mise en accusation de l'ancien trésorier de la CDU Leisler Kiep, qui est soupçonné d'avoir détenu sur son compte personnel une somme supérieure à un million de marks sans l'avoir déclarée au fisc.

    • La droite autrichienne défie l'Europe

      Pour la première fois dans l'histoire de l'Union européenne, des sanctions bilatérales ont été prises de façon solidaire par tous les autres pays membres. Le nouveau gouvernement du chancelier Schüssel s'est retrouvé isolé sur la scène internationale. Depuis, les dirigeants autrichiens ont multiplié les efforts pour mettre fin à cette situation. Mais la position des partenaires européens, en particulier de la France, est restée jusque-là intransigeante.

    • La Tchétchénie, terre d'élection de Vladimir Poutine

      C'est auprès des unités russes déployées en Tchétchénie que Vladimir Poutine, promu quelques heures avant président par intérim de la Fédération russe du fait de la démission surprise de son mentor Boris Eltsine, passera le réveillon de l'an 2000. Austères et sobres, à l'image de Poutine, les brèves festivités du passage à la nouvelle année relèguent dans un lointain passé ce mémorable jour du 31 décembre 1994, où le ministre russe de la Défense de l'époque, Pavel Gratchev, avait envoyé à la mort des divisions entières de conscrits russes, lancés à l'assaut des rebelles tchétchènes dans une campagne militaire bâclée, décidée après une soirée trop arrosée et qui se soldera seize mois plus tard par la débâcle des forces russes sanctionnée par un accord de paix humiliant pour le Kremlin. Évitant tout triomphalisme, le nouvel homme fort de la Russie s'engage en revanche avec une froide détermination à terminer le « travail » entrepris en septembre 1999 alors qu'il prenait ses fonctions à la tête du gouvernement, et à « anéantir les bandits tchétchènes ». Des encouragements bien utiles, tandis que sur le terrain les troupes russes, mal payées et mal équipées, ont perdu de leur ardeur sous les coups répétés des vagues de contre-offensives des rebelles tchétchènes.

    • Raz-de-marée électoral des réformateurs en Iran

      Après vingt années de la loi d'airain imposée par les héritiers politiques de l'ayatollah Khomeyni, gardiens intransigeants de la révolution islamique, les Iraniens aspirent au changement. Libérée en mai 1997 par l'élection du président Mohammed Khatami, un théologien en rupture de ban des durs du clergé, cette aspiration au changement, qui se mesure à l'échancrure du tchador, aux airs de musique, à la lecture d'une presse plus audacieuse ou à la passion pour le ballon rond, quand elle ne se traduit pas par des flambées de révolte, s'est exprimée massivement et sans ambiguïté dans les urnes le 18 février, à la faveur des élections législatives. Infligeant une cinglante défaite aux conservateurs, qui détiennent les principaux leviers de commande du pouvoir à l'exception de la présidence, c'est un véritable raz-de-marée réformateur qui déferle sur le pays, renversant dès le premier tour le rapport de force au Parlement, le Majlis, au profit des amis du président Khatami, rassemblés sous la bannière du Front de la participation islamique, le Khordad. Signe de la volonté de changement des Iraniens, la participation a atteint plus de 83 % au niveau national, pour 38,7 millions d'électeurs. L'urbanisation d'une société iranienne où la jeunesse prend une importance croissante a joué de façon déterminante en faveur du camp réformateur, dont tous les candidats ont obtenu un net avantage dans les villes sur leurs adversaires conservateurs, même les plus influents. Avant même le deuxième tour, qui concerne les 69 sièges restant à pourvoir, le président Khatami est assuré de pouvoir s'appuyer sur une très large majorité parlementaire, les candidats du Front de la participation islamique ayant obtenu 163 sièges sur les 290 que compte le Majlis. Après avoir exercé une longue domination sur le Parlement, les conservateurs, crédités de 44 sièges seulement, devront se résigner à siéger sur les bancs de l'opposition. À Ispahan, la deuxième ville d'Iran, pourtant considérée comme un fief des conservateurs, les réformateurs remportent la totalité des cinq sièges.

    • Pinochet : libre, mais accusé

      « Le procès d'un accusé dans l'état de santé actuel du sénateur Pinochet ne pourrait être un procès équitable dans aucun pays. » Son extradition serait par conséquent « injuste et oppressive ». Le constat énoncé par le ministre britannique de l'Intérieur, Jack Straw, le 2 mars, a mis un terme à dix-sept mois d'une procédure politico-judiciaire sans précédent dans l'histoire des relations internationales.

    • Espagne : confirmation pour le gouvernement Aznar

      La majorité relative du gouvernement Aznar est devenue majorité absolue à l'issue des élections générales. Et cela contrairement à ce que prévoyaient les sondages, qui annonçaient la nécessaire reconduction de l'alliance législative avec les nationalistes catalans de Jordi Pujol. Il était tellement évident que les résultats seraient serrés que le président de la Generalitat catalane avait déjà présenté la liste chiffrée des demandes pour continuer à soutenir le gouvernement ; ce fut peine perdue. Le Parti populaire compte désormais 183 sièges sur 350 au Congrès des députés et 127 représentants sur 259 au Sénat, contre 127 et 61 respectivement pour le Parti socialiste, qui demeure le premier parti politique de l'opposition. Plusieurs facteurs ont favorisé la victoire de la droite espagnole. D'abord, l'abstention d'un bon nombre d'électeurs (30 % en 2000, contre 23 % en 1996) qui votent traditionnellement à gauche. Ce qui a provoqué l'effondrement de l'alliance électorale socialiste et communiste, dont l'unité de façade n'a été que très peu mobilisatrice et guère convaincante, et qui n'a pas survécu aux résultats des élections.

    • Taïwan : un tremblement de terre politique

      Ainsi une élection présidentielle libre au suffrage universel direct a pu se dérouler pour la seconde fois depuis 1996 dans une terre chinoise, ce qui contredit avec éclat la thèse éculée sur la prédisposition supposée des populations chinoises à accepter un régime autoritaire à cause de leur culture « confucéenne ».

    • La victoire annoncée de Vladimir Poutine

      Les marchands du temple politique russe n'ont pas attendu le résultat de l'élection présidentielle pour mettre à jour la série de « matriochka » à l'effigie des différents locataires du Kremlin depuis Lénine, proposées aux passants dans les multiples kiosques installés sur les trottoirs moscovites : contrastant avec le visage rubicond de Boris Eltsine, dernier ou plutôt « premier président » de la Fédération russe, la traditionnelle « poupée russe » qui complétait cette galerie de portraits artisanale des « tsars » de la Russie moderne avait revêtu bien avant le scrutin du 26 mars les traits impavides de son dauphin et successeur désigné, Vladimir Poutine. L'industrie russe du gadget politique n'a certes pas grand mérite à avoir figé dans le bois le sourire glacé de cette figure politique neuve, presque inconnue du public dix mois avant mais donnée gagnante par tous les sondages et pronostics. Créé de toutes pièces par la « famille » qui règne sur le Kremlin, l'obscur colonel du KGB, devenu Premier ministre en août 1999, était en effet assuré de sa victoire depuis la démission surprise le 31 décembre 1999 de Boris Eltsine, qui lui accordait la présidence par intérim. Après avoir fait valser les premiers ministres soupçonnés de lui faire de l'ombre, le tsar Boris, à la popularité aussi déclinante que la santé, avait finalement arrêté son choix sur le successeur le mieux à même de préserver ses intérêts et ceux de son « clan » et avait accepté de lui céder son fauteuil du Kremlin auquel il s'était accroché contre vents et marées. Dans la foulée des législatives du 19 décembre, remportées par l'alliance Unité, qui lui donnaient une large assise dans une Douma désormais en phase avec le Kremlin après huit années de fronde organisée par l'ancienne majorité communiste, la présidentielle, avancée de 3 mois en raison du départ anticipé d'Eltsine, se présentait comme une promenade de santé pour Poutine. Servi par la machine de propagande du Kremlin, le tsar programmé, bon prince, cédera même ses temps d'antenne à ses rivaux sans illusion et pris de court par la proximité des échéances électorales. Il dédaigne cette campagne électorale au profit de la campagne militaire en Tchétchénie, champ de bataille où il se sent d'autant mieux à l'aise qu'il y a gagné sa popularité soudaine et ses galons de présidentiable. Bénéficiant du soutien massif de l'opinion, la guerre pour la reconquête de la république caucasienne rebelle, qui a dominé toute son action depuis qu'il est aux affaires, jusqu'à en éclipser les volets politiques et économiques, a forgé sa réputation de force et sa personnalité de patriote, qui a su séduire une population russe en quête de héros et sourde aux horreurs de la guerre.

    • Tunisie : les faux pas du président

      Réélu en octobre 1999 avec 99,44 % des suffrages, Ben Ali est loin d'imaginer en ce printemps 2000 que le décès de Bourguiba va réveiller dans tout le pays un malaise latent. Face au manque de perspectives économiques, au non-respect des droits de l'homme, les Tunisiens commencent à afficher ouvertement leurs doutes et incertitudes quant à l'avenir. Et si Ben Ali, sous la pression, est amené à lâcher du lest, il n'en demeure pas moins qu'en treize ans de pouvoir, cet ancien officier des services secrets a bâti un libéralisme autoritaire qui commence à montrer ses failles. Faute de réelle légitimité populaire.

    • Le retour de Silvio Berlusconi

      Ce dimanche, Silvio Berlusconi, l'homme d'affaires et patron du parti de droite Forza Italia, remportait en quelques semaines son deuxième succès électoral, après avoir battu la coalition gouvernementale dans les élections régionales du 14 mai et contraint M. D'Alema à quitter son poste de chef du gouvernement de centre gauche. Seuls 32 % des ayants droit s'étant rendus aux urnes, les résultats du scrutin, pourtant largement favorables aux promoteurs appuyés par la gauche, étaient déclarés nuls. Prônant l'abstention, M. Berlusconi n'avait pas hésité à enfourcher le cheval de l'antipolitique, invitant ses électeurs à « rester chez eux pour renvoyer chez lui le gouvernement communiste », et ce bien que l'Alliance nationale de M. Fini, deuxième force de l'opposition (le Pôle des libertés), fût parmi les promoteurs du référendum.

    • Les conservateurs iraniens contre-attaquent

      Laminée par les législatives du 18 février, dont le premier tour a accordé une large majorité au Parlement aux partisans du président Mohammad Khatami, la faction conservatrice au pouvoir en Iran n'a pas tardé à réagir, pour tenter de mettre au pas une société civile naissante qui se prenait à croire en l'avenir des réformes. Alors que le scrutin législatif avait insufflé une bouffée d'air frais au paysage politique iranien marqué depuis trois ans par la lutte d'influences que se livrent réformateurs et conservateurs, ces derniers, sous la conduite du guide de la révolution islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, ont recouvert le pays de la chappe de plomb de la répression, rappelant du même coup qu'ils conservaient les principaux leviers de commande du pouvoir. Devant l'ampleur de la défaite infligée dans les urnes, les conservateurs ne cherchent plus la conciliation, comme avait pu le laisser espérer la grâce accordée le 25 janvier par l'ayatollah Khamenei à l'ancien maire réformateur de Téhéran, M. Karbatchi. Durcissant le bras de fer avec le président modéré, ils accroissent les pressions sur son entourage, frappant là où cela fait le plus mal, au cœur même de cette politique de réformes qu'ils tentent de contrecarrer depuis son élection en mai 1997 : la presse réformatrice, principal vecteur de l'aspiration au changement des Iraniens, est ainsi la cible d'une attaque en règle du camp conservateur, qui ordonne le 24 avril la suspension de 14 publications accusées de trahir les principes révolutionnaires, un chiffre ramené aussitôt à 13, le pouvoir judiciaire s'étant rétracté pour le titre Sobh-é-Emrouz. La clémence d'une justice contrôlée par les durs du régime à l'égard de ce journal paraît d'autant plus inexpliquée qu'il était dirigé par Saïd Hadjarian, conseiller municipal de Téhéran et l'un des architectes des réformes politiques, grièvement blessé par balles le 12 mars. Proche collaborateur du président Khatami, le journaliste a failli payer de sa vie une série d'articles accusant des membres du tout-puissant ministère des Renseignements, dont il fut le fondateur et le no 2 avant de basculer dans le camp des réformes, d'avoir perpétré les meurtres de cinq opposants à l'automne 1998. Intervenant dans un contexte marqué par une série d'attaques attribuées aux moudjahidine du peuple, une organisation d'opposants basée à Bagdad, l'attentat contre M. Hadjarian, dont les auteurs ont été condamnés à la mi-mai à des peines de trois à quinze ans de prison, aggrave des tensions que le coup de force contre la presse ne peut qu'exacerber au sein d'une société iranienne impatiente de voir mises en œuvre les réformes annoncées.

    • Virus informatiques : le « ver » est dans le fruit

      Le 4 mai 2000, un vent de panique a soufflé sur Internet : parti de Manille, le message d'amour ILOVEYOU, concocté par un étudiant philippin, a balayé la planète à une vitesse foudroyante et s'est révélé être le virus informatique le plus destructeur de l'histoire. En quelques heures, plusieurs millions d'ordinateurs répartis dans vingt pays auraient été touchés. Dans les rangs des victimes, on a recensé des milliers d'entreprises et d'institutions aussi prestigieuses que la Chambre des communes britannique, la CIA, la Banque centrale européenne, Delta Airlines, Nestlé ou encore Vivendi.

    • Le retrait israélien du Liban-Sud

      On parle alors de « piège », de « débâcle » pour qualifier l'effondrement de l'ALS et de « victoire » du Hezbollah, qui profite des désertions pour s'engouffrer dans la brèche et crée ainsi un dangereux précédent. Tous les yeux sont rivés sur la Syrie, dont on attend la réaction. Pour la première fois une simple milice a réussi à faire plier la plus importante puissance régionale. Le Sud-Liban devient en quarante-huit heures le « laboratoire expérimental » du conflit israélo-arabe.

    • Le président Fujimori prolonge son mandat

      Les élections générales péruviennes ont été très contestées et marquées par de nombreux coups de théâtre. À la suite d'un second tour accidenté, avec un pourcentage d'abstention très élevé (32 %), inconnu dans un pays où le vote est obligatoire, et qui s'explique en grande partie par le refus de participation prôné par le chef de l'opposition, le président Alberto Fujimori, el chino (le Chinois, un terme qui évoque son origine japonaise), devenu candidat unique, a été reconduit pour cinq ans à la tête de l'État.

    • Dard est mort, vive San-A !

      « Pleure pas, Marie-Marie ! », sanglotte Béru en épongeant ses larmes avec un mouchoir frais comme une serpillère de morgue. « S't'voudrais pas d't'chiroub', faut pas l'laisser perd'. Comme disait l'Grand : Las ! vicomte ! T'es nu. » Le noble inspecteur principal Bérurier veut probablement dire : « La vie continue. » Béru, donc, Marie-Marie, l'éternelle fiancée, Félicie, la Bonne Maman, Pinaud, dit le Bêlant, le Vieux, dit le Chauve, Berthe, l'épouse indigne de Béru, et Alfred, l'amant d'icelle au membre démesuré, et encore Mathias, Jérémie Blanc, Salami : ils sont mêlés en filigrane, les personnages familiers des romans de San-Antonio, aux proches de Frédéric Dard – sa femme, sa fille, un de ses deux fils et une quarantaine d'amis –, dont les obsèques sont célébrées en l'église médiévale de Saint-Chef, petite commune iséroise de 3 000 habitants près de Bourgoin-Jallieu.

    • La succession de Hafez el-Assad

      Avant de se retirer, Assad a préparé sa succession, graduellement, avec pragmatisme, en ménageant l'équilibre des forces internes. Précipitée, l'arrivée au pouvoir de son fils « Bachar » n'est pas une surprise. Formé sur le dossier libanais, Le « Docteur », autrement surnommé « Monsieur Propre », s'est fait respecter en luttant contre la corruption. Marchant sur les traces de son père, il devra apporter une réponse aux incertitudes politiques à l'intérieur et reprendre le dossier israélien.

    • Vivendi-Universal : la nouvelle économie du spectacle

      C'est l'histoire de deux mutations improbables. De deux quadragénaires un peu fous, à qui on a donné du pouvoir. Edgar Bronfman Jr. d'abord. Cet élégant Canadien de quarante-quatre ans est P-DG de Seagram, vieil empire familial dont il a hérité en 1994 et qui a bâti sa fortune depuis 1928 autour des boissons et spiritueux (Chivas, Absolut, Tropicana...). Enfant de l'Amérique des années 60, Bronfman a d'autres rêves : il entreprend de transformer la firme en géant de l'industrie du spectacle. En 1995, il vend les 25 % que Seagram possède dans le chimiste DuPont de Nemours pour acquérir 80 % des mythiques studios de cinéma Universal. En 1998, il cède Tropicana, leader mondial des jus de fruits, pour s'emparer de Polygram, numéro un de l'édition musicale (labels Decca, Motown, Polydor, Deutsche Grammophon...). Au terme de l'opération, Seagram réalise 70 % de son chiffre d'affaires (17 milliards de dollars) dans l'entertainment (musique, cinéma, parcs de loisirs). Numéro deux mondial du secteur derrière Disney, la firme est désormais maître des œuvres de Steven Spielberg, U2, Nirvana ou Stevie Wonder.

    • Zimbabwe : la terre, les blancs et le vieil autocrate

      Fin février 2000, le Zimbabwe a subitement fait la une dans le monde entier, lorsque des anciens combattants de la guerre d'indépendance ont commencé à occuper des fermes appartenant à des Blancs. En quelques semaines, plus d'un millier de propriétés ont été saisies. A priori, la cause semblait juste : ces grands exploitants, souvent descendants de colons britanniques, détenaient toujours la majorité des meilleures terres, alors même que leur récupération était la principale revendication de la lutte pour l'indépendance. Mais les anciens combattants n'en étaient pas tous, et surtout ils bénéficiaient du soutien appuyé d'un chef de l'État en mal de popularité. Et cette crise, la plus grave depuis vingt ans, a provoqué une profonde récession dans un pays qui figurait, il y a une dizaine d'années, parmi les plus stables du continent.

    • Mexique : le parti révolutionnaire institutionnel passe la main

      Le parti-État de la Révolution a été défait par les urnes. Au pouvoir à Mexico depuis soixante et onze ans, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) a perdu l'élection présidentielle, un rituel qui ne représentait pour lui qu'une simple formalité depuis 1929. Le 2 juillet, c'est en effet le candidat de la droite libérale, Vicente Fox, qui a remporté le scrutin à un seul tour, avec l'aide d'une partie de l'opposition de gauche. Il a obtenu 42,5 % des voix contre 36,6 % pour le candidat du PRI, Francisco Labastida, et 16,6 % pour le candidat de gauche du Parti de la révolution démocratique (PRD), Cuauhtemoc Cardenas.

    • La Corse au rendez-vous de l'Europe des régions

      Jugé « historique » en Corse, y compris par les milieux nationalistes, le plan de Matignon qui prévoit une série de réformes transformant radicalement le paysage institutionnel de Corse à l'horizon 2004, après une période transitoire, suscite des remous dans la classe politique française, comme en témoigne la démission de Jean-Pierre Chevènement.

    • Crash mortel pour Concorde

      Le 25 juillet, cinquante-six secondes après qu'il s'est élancé sur la piste de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, la tour de contrôle signale à l'équipage du Concorde d'Air France à destination de New York la présence de flammes sous l'aile gauche de l'appareil. L'avion ne peut plus interrompre son décollage. Une fois en l'air, le mécanicien navigant coupe le moteur numéro deux qu'il croit être en feu. Le pilote annonce qu'il se déroute sur l'aéroport proche du Bourget pour s'y poser. Peu après, une baisse de puissance du moteur numéro un est constatée. L'appareil entame alors une demi-boucle, mais il devient incontrôlable et perd de l'altitude. Il s'écrase sur un hôtel de Gonesse, dans le Val-d'Oise. Il est 16 h 45. Des débris de l'appareil, 109 corps – ceux des 100 passagers et des 9 membres d'équipage – sont retirés ; 5 autres corps sont dégagés des ruines calcinées de l'hôtel. Le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, demande la suspension des vols Concorde d'Air France et annonce l'ouverture d'une enquête judiciaire. C'est le premier accident de ce type d'un Concorde depuis le vol inaugural du supersonique le 2 mars 1969.

    • Congo-Kinshasa : le long chemin de la paix

      Mort et enterré un jour, ressuscité le lendemain, le processus de paix de Lusaka, du nom de la capitale zambienne où a été signé, en juillet 1999, l'accord de cessez-le-feu en République démocratique du Congo (RDC), continue de connaître une existence cahotique. Le 23 août, le président Laurent-Désiré Kabila annonçait son intention de suspendre l'application de l'accord de Lusaka et d'entamer des négociations séparées avec le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, soutiens des forces rebelles. Le 24, le même président Kabila déclarait qu'il autorisait finalement le déploiement de 5 000 Casques bleus dans son pays, en application de la résolution de l'ONU du 24 février relative à l'observation de l'accord de Lusaka.

    • Russie : un naufrage

      « Il n'y a plus d'espoir de trouver des survivants dans le sous-marin Koursk... » Laconique, ce communiqué du 21 août émanant des plongeurs norvégiens qui avaient réussi, après vingt-quatre heures d'efforts, à débloquer le sas de secours du submersible confirmait certes les craintes, mais mettait fin au dramatique suspense qui avait tenu la planète en haleine depuis le naufrage du sous-marin nucléaire russe au nord du cercle polaire arctique. Les familles des 118 sous-mariniers prisonniers du vaste cercueil d'acier qui gisait depuis le 12 août par 107 m de fond dans les eaux glacées de la mer de Barents, et avec elles la Russie entière, pouvaient désormais observer le deuil de ces soldats dont la mort sera confirmée aussitôt après par Moscou.

    • Les impôts à la baisse

      Appelé auprès de lui par Lionel Jospin à la faveur d'un important remaniement ministériel le 27 mars, Laurent Fabius impose sa marque au gouvernement cinq mois plus tard en annonçant un plan ambitieux de baisse des impôts sur trois ans. La fameuse « cagnotte » du Trésor public – dont le montant nébuleux avait prêté à des spéculations qui avaient coûté son portefeuille à son prédécesseur, Christian Sautter – a donc accouché d'une véritable réforme fiscale dont L. Fabius avait fait son cheval de bataille, au risque de passer à gauche pour un cheval de Troie du libéralisme. Le débat sur l'utilisation des surplus de recettes générés par la croissance n'avait-il pas souligné en effet l'urgence d'une réforme en profondeur qui permettrait de mieux partager les fruits de cette croissance constante annoncée « supérieure à 3 % » en 2001 et d'en « redonner les dividendes fiscaux » aux Français ? Entre-temps, le 28 juin, le conseil des impôts, présidé par Pierre Joxe, rendait public un rapport préconisant une importante réforme de la fiscalité des revenus dans le sens de l'allégement. Ménageant l'effet d'annonce, la réforme proposée le 28 juillet au Premier ministre par son ministre de l'Économie et des Finances, qui en dévoilait le contenu le 31 août, entendait donc frapper une opinion sensible aux arguments de l'opposition, et au tout premier chef de Jacques Chirac, reprochant son immobilisme et sa frilosité, en matière fiscale notamment, au gouvernement de M. Jospin.

    • Liban : le retour de Rafic Hariri

      C'est dans un relatif calme que débute la première phase des élections, le 27 août, même si certains observateurs indépendants dénoncent irrégularités et trucages et trouvent anormale la double casquette du ministre de l'Intérieur, défenseur du gouvernement sortant et superviseur des élections.

    • L'OPEP à la hausse

      Quarante ans exactement après sa réunion fondatrice à Bagdad, l'OPEP, qui a tout intérêt à éviter un nouveau choc pétrolier, décide, le 10 septembre, d'augmenter sa production de 3 %, soit 800 000 barils par jour, à compter du 1er octobre afin de calmer consommateurs et marchés. Les gouvernements, refusant toute baisse des taxes, tentent, quant à eux, de sortir de l'impasse. La situation est préoccupante, la peur d'un nouveau choc pétrolier sème le trouble dans tous les esprits. Le 7 septembre, le Brent, qualité de référence de la mer du Nord, atteint le sommet de 34,50 dollars et, à New York, le Light Sweet Crude dépasse les 35 dollars. Le prix du litre de carburant, alourdi par 70 à 80 % de taxes, s'envole également.

    • Le quinquennat par la petite porte

      La réduction à cinq ans du mandat présidentiel défendue par Jacques Chirac et Lionel Jospin a été approuvée par quelque 73 % des suffrages exprimés, mais 70,81 % des Français se sont abstenus et plus de 5 % des inscrits ont choisi de déposer un bulletin blanc ou nul. Le taux d'abstention, sans précédent dans l'histoire de la Ve République, a pulvérisé le précédent record enregistré en 1988 pour le référendum sur la Nouvelle-Calédonie. Les sondages indiquent que les électeurs ont boudé ce référendum parce qu'il portait sur un sujet institutionnel dont ils ne percevaient pas l'enjeu et qui était éloigné de leurs préoccupations. Il est vrai que la campagne des partis politiques a été timide et que les porte-parole du « oui » ont adopté une attitude très en retrait. Empêtré dans les difficultés de la rentrée, Lionel Jospin a contribué plus que modérément à la campagne pour le « oui ». Héraut de la réforme à droite, Valéry Giscard d'Estaing a estimé, dans une tribune publiée par le Monde du 4 juillet, sa « mission accomplie » puis il a gardé le silence. Le chef de l'État, récemment converti aux bienfaits du quinquennat sous la pression de son Premier ministre et de Valéry Giscard d'Estaing avait fait part, dès le 5 juin, de sa préférence pour le référendum, alors que nombre de parlementaires, anticipant la désaffection des électeurs, prônaient le vote par le Congrès ; mais n'affichait-il pas son désintérêt pour une réforme qu'il avait peu défendue en l'annonçant à la télévision, précisant que, quelle que soit l'attitude des Français, vote « pour », vote « contre » ou abstention, « ce sera bien » ?

    • La chute de Slobodan Milosevic

      Jusqu'au bout, Slobodan Milosevic se sera accroché au pouvoir. En annulant les élections présidentielles du 24 septembre qui ont donné l'opposition emmenée par Vojislav Kostunica largement vainqueur, « Slobo » a livré le combat de trop. Un combat contre son propre peuple qui, assoiffé de « Grande Serbie », l'avait pourtant largement plébiscité dès 1987. En une semaine, le pays, lassé et épuisé par des années d'isolement, est descendu dans la rue pour réclamer son départ.

    • Haro sur la formalisation mathématique en économie !

      Dans un ouvrage publié en 1995, Alfred Hirschmann a croqué le syndrome affectant nombre de ses contemporains qui éprouvent « la physics envy, c'est-à-dire l'irrépressible besoin de décrire le monde économique et social par un système d'équations sobre et transparent ». Une inclination couronnée cette année par le prix Nobel d'économie (voir encadré) et vivement critiquée par une poignée d'étudiants issus des grandes écoles (Ulm, Cachan...) et des principales facultés françaises (Dauphine, la Sorbonne...) dans une pétition publiée par le quotidien le Monde en juin.

    • La Côte d'Ivoire dans la tourmente

      En cette fin d'année 2000, la Côte d'Ivoire est passée à côté d'une guerre civile dont les répercussions auraient été dramatiques pour la région. Le 22 octobre, les électeurs se rendent aux urnes dans le calme pour une élection présidentielle censée mettre fin à dix mois de pouvoir militaire. Face à face : le général Robert Gueï, chef de la junte arrivée au pouvoir le 24 décembre 1999, et Laurent Gbagbo, opposant historique au « père de la nation » Félix Houphouët-Boigny. Les premiers résultats donnent L. Gbagbo largement vainqueur. Mais R. Gueï, qui était candidat malgré sa promesse initiale de s'éclipser après avoir « balayé la maison ivoirienne », n'entend pas lâcher prise.

    • Microsoft : à l'abordage !

      Rien ne va plus chez Microsoft. Après avoir essuyé les affres du virus informatique ILOVEYOU, et été condamnée pour violation de la législation américaine antitrust dans le cadre de sa fusion avec Internet Explorer, la firme de Redmond (État de Washington) a traversé une année noire. Le dernier avatar en date est le plus préoccupant. Selon une information rendue publique par le Wall Street Journal du 29 octobre, le leader mondial des logiciels, propriétaire notamment du fameux Windows, a fait l'objet d'un acte de piratage informatique (« hacking ») au cœur même de son réseau, par l'intermédiaire d'un virus de la famille « Cheval de Troie » (voir encadré). Celui-ci s'est introduit via la messagerie mail d'un des 41 000 employés de l'entreprise, pour décoder des informations internes à Microsoft et les renvoyer vers le compte d'un obscur destinataire situé à Saint-Pétersbourg (Russie). Certes, Microsoft avait déjà été plusieurs fois la cible d'opérations de hacking, en 1997 par exemple, quand des étudiants avaient réussi à perturber les liens hypertexte de certains navigateurs fonctionnant sous Windows. Mais cette fois-ci, l'affaire, qualifiée de « très importante » par Steve Ballmer, le PDG de Microsoft, est plus grave.

    • Orage sur morne campagne

      Ce suspense ne devrait pas rester sans conséquences : au minimum, on améliorera localement les conditions matérielles du vote (bulletins, machines à compter) pour les mettre enfin au niveau d'une démocratie moderne ; au-delà se posera la question du maintien de l'institution des grands électeurs, qui, au nom de la tradition fédérale, permet, en l'occurrence, de déclarer élu un candidat ayant obtenu au niveau national moins de voix (337 000, sur un peu plus de 100 millions de suffrages exprimés) que son concurrent.

    • La France part en campagne contre la « vache folle »

      Grisés par la croisade lancée un an plus tôt à grands renforts de publicité contre cette « malbouffe » venue d'outre-Atlantique, accusée de polluer nos assiettes en en chassant les produits de notre terroir, les Français se réveillent aujourd'hui avec la gueule de bois. La querelle très médiatique sur le contenu de nos assiettes apparaît désormais comme un débat de santé publique majeur, investissant rapidement le champ politique et économique français et européen alors que l'opinion réalise la gravité des incidences sur la santé humaine des comportements alimentaires de l'homme. Oublié le bœuf américain aux hormones qui avait défrayé la chronique agricole européenne l'an passé et valu aux produits agroalimentaires français de sévères mesures de représailles sur le marché américain ! Le spectre de la vache folle, d'un label bien européen cette fois, revient hanter nos assiettes, rappelant que le prion, cet agent de contamination des farines animales consommées par les bovins et dont les effets mortels sur l'homme ont été identifiés pour la première fois en 1996 en Grande-Bretagne, ne connaît pas de frontières, malgré leur fermeture pour ce qui concerne en tout cas la France, qui avait maintenu, envers et contre tous les Européens, son embargo sur le bœuf britannique. Retransmises en septembre par le petit écran, les images difficilement supportables de l'agonie de malades anglais atteints de la forme humaine de la maladie de la vache folle, le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, alimentent dans l'opinion un profond malaise qui prend vite l'allure d'une psychose collective.

    • Proche-Orient : une nouvelle intifada

      Depuis septembre 1999, date du sommet israélo-palestinien de Charm el-Cheikh, on pensait que le processus de paix issu des accords d'Oslo (1993) était à nouveau en bonne voie au Proche-Orient. Les accords qu'y avaient signés le premier ministre israélien Ehoud Barak (travailliste), jugé plus conciliant que son prédécesseur Benyamin Netanyahou (Likoud), et le président de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat prévoyaient un nouveau transfert de souveraineté territoriale d'Israël vers l'Autorité palestinienne en Cisjordanie. Appliqués dans leurs grandes lignes dès janvier 2000, ils devaient aboutir, neuf mois plus tard, à la signature d'un traité de paix définitif.

    • Sommet européen de Nice : un accord, faute de mieux

      En prenant la présidence de l'Union européenne le 1er juillet, la France se faisait fort de mener à bien la réforme des institutions, en souffrance depuis trois ans et devenue indispensable alors que prend forme le processus d'élargissement à l'Est. Le président J. Chirac donnait le ton dans un discours enflammé le 4 juillet devant le Parlement européen, où il exaltait la mission historique dévolue à la France à l'occasion de cette présidence.

    • La Roumanie avance à reculons

      Plus de dix ans après avoir renversé la dictature du couple Ceaucescu, les Roumains se débattent toujours dans les affres et les incertitudes d'une période de transition qui doit théoriquement se voir couronner par l'intégration à l'Union européenne, à laquelle la Roumanie s'est portée candidate, avec douze autres pays d'Europe centrale et orientale. En témoigne le retour aux affaires de Ion Iliescu, héros autoproclamé de la « révolution » qui mit fin à la dictature stalinienne la plus sanguinaire qu'ait connue l'Europe, et premier président de la Roumanie post-communiste et démocratique, de 1990 à 1996.

  • Le bilan mondial
    • Paix, peurs et boucs émissaires

      Par-delà les superstitions, les angoisses qui auront marqué l'année 2000 s'expliquent dès lors qu'on les met en relation avec deux accélérations technologiques : en électro-informatique et en biologie. Comme toute société en essor rapide, elle a ses capitaines d'industrie, ses escrocs et ses brigands internationaux, allemands ou philippins (attaque du virus I love You). Les uns prenant parfois la place des autres et réciproquement.

    • L'Europe politique contre l'extrême droite

      L'accord de gouvernement conclu le 1er février entre le Parti conservateur (ÖVP) de Wolfgang Schüssel et le Parti libéral (FPÖ) de Jörg Haider a suscité plus qu'une simple émotion de circonstance en Europe et dans le monde. L'arrivée au pouvoir de l'extrême droite dans cette région du Vieux Continent donne en effet de nouvelles couleurs à des images anciennes qu'on aurait souhaité définitivement jaunies.

    • La longue marche de la justice internationale

      La France est le premier État membre du Conseil de sécurité de l'ONU à avoir ratifié, le 9 juin, le traité conclu à Rome en juillet 1998, qui prévoit la création d'une Cour de justice pénale internationale (CPI) destinée à juger les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. À la même date, quatre-vingt-dix-sept États avaient signé le traité de Rome. Ce dernier entrera en action lorsque soixante États l'auront ratifié – on estime que ce chiffre sera atteint fin 2001 ou en 2002. Onze l'ont déjà fait, en plus de la France : Belize, les Fidji, le Ghana, l'Islande, l'Italie, la Norvège, San Marin, le Sénégal, le Tadjikistan, Trinité-et-Tobago et le Venezuela. Londres a signé le traité, mais ne l'a pas ratifié. Moscou l'a approuvé, mais ne l'a pas signé. Pékin et Washington en rejettent le principe.

    • France-Allemagne : en instance de divorce

      Le sommet de l'Union européenne, qui se déroulait à Nice du 7 au 10 décembre, a-t-il scellé le divorce du couple franco-allemand ? La chute du mur de Berlin, outre qu'elle avait signé l'acte de naissance d'une Allemagne agrandie, dont le poids devait être révisé en conséquence dans l'équilibre des forces européennes, était le signe avant-coureur d'une intégration prochaine à l'Union européenne de toute l'Europe de l'Est, libérée de l'emprise russe, déplaçant donc vers l'Allemagne le centre de gravité géographique et politique de cette nouvelle Europe en gestation. Le processus d'élargissement à l'Est, où se situent la plupart des treize pays candidats à l'UE, devait confirmer ce recentrage au profit d'une Allemagne qui revendique dès lors avec une insistance pressante le leadership européen.

    • L'Europe fédérale divise la France

      Le débat sur l'architecture future d'une Union européenne en voie d'élargissement marquait de nettes tendances à l'enlisement quand, le 12 mai, le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, lui donne un nouveau souffle lors d'un discours aux accents de manifeste en faveur d'une Europe fédérale et de l'intégration accélérée de ses membres. Les positions exprimées par le chef de la diplomatie allemande, partisan d'un système fédéral doté d'institutions supranationales, même si elles s'affichent prudemment comme le fruit de réflexions « personnelles », sont aussitôt accueillies, de ce côté-ci du Rhin, par les protestations indignées de Jean-Pierre Chevènement : piqué au vif dans son souverainisme, le ministre français de l'Intérieur en appelle à la résistance de l'État-nation contre les tentatives de dilution dans une Fédération européenne auxquelles voudrait le soumettre l'Allemagne.

    • Nasdaq : partie de « e-yo-yo » à Washington

      Qu'est-ce qui fait grimper le Nasdaq ? Après vingt-huit années d'activités, 1999 est celle de tous les records. L'indice boursier des nouvelles technologies et de l'Internet, basé à Washington, gagne 84 % en un an, plus forte hausse pour une cotation américaine depuis 1915. L'ascension se poursuit et, le 10 mars 2000, le Nasdaq (National Association of Securities Dealers Automated Quotations) atteint son zénith, franchissant la barre des 5 000 points. Une semaine plus tard, c'est la douche froide. Le Nasdaq perd 4 % de sa valeur en une séance, puis se désagrège peu à peu au cours du mois de mars. Le 3 avril, la condamnation de Microsoft pour abus de position dominante provoque un nouvel effondrement. Le niveau plancher, autour de 3 000 points, est atteint au début du mois de juin. Un an et demi de gains sont partis en fumée.

    • L'aéronautique européenne se sent pousser des ailes

      L'aéronautique civile européenne entre dans l'âge adulte. En premier lieu, grâce à la transformation en société privée du consortium Airbus Industries, créé au début des années 70 sous la tutelle des États français et allemand. Une société par actions simplifiée de droit français, Airbus Integrated Company (AIC), verra en effet le jour avant le 1er janvier 2001. AIC deviendra propriétaire de ses bureaux d'études et de ses usines et n'assurera plus uniquement le marketing et la commercialisation des avions. Détenu à 80 % par sa maison mère, EADS (voir encadré), et à 20 % par le britannique BAE Systems, le constructeur européen obéira plus au marché qu'à la volonté politique, même si les États maintiendront le système des avances remboursables qui lui ont permis par le passé de financer ses programmes.

    • La défense antimissile : une saga américaine

      Sans doute ne s'agit-il plus des visions du président Reagan dans le cadre de l'Initiative de défense stratégique de 1983. L'Union soviétique ayant disparu, la Russie n'étant plus un ennemi, les ambitions se voient corrigées à la baisse. Le nouveau système, basé à terre, se veut limité, capable d'intercepter « quelques » missiles que pourraient lancer certains États qualifiés de « scélérats » (« rogue states »), tels la Corée du Nord, l'Iraq ou l'Iran.

    • La guerre est déclarée entre l'Espagne et l'ETA

      D'abord sonné, le gouvernement de José María Aznar relève bientôt la tête en procédant, les 14 et 15 septembre, à une série d'arrestations dont celle du numéro un de l'ETA. Des opérations spectaculaires sont menées en étroite collaboration avec les autorités françaises. Ce sont en effet plus d'une trentaine d'activistes de l'organisation séparatiste basque qui tombent dans les filets des policiers français et espagnols. Parmi eux, l'ennemi public numéro un de Madrid : Ignacio Gracia Arregui, quarante-cinq ans, dit « Inaki de Rentería », chef présumé de l'ETA, arrêté à Bidart, au Pays basque français, par la police judiciaire de Bordeaux.

    • ONU : un sommet pour le nouveau millénaire

      Cela faisait trois ans qu'il rêvait de ce sommet. Kofi Annan peut être satisfait. Il a réussi son pari en réunissant à New York, du 6 au 8 septembre, 152 chefs d'État venus du monde entier pour plancher sur le rôle de l'ONU au xxie siècle. Au final, un rapport et un objectif principal : la lune contre la pauvreté. « Nous pensons que le défi majeur auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est de s'assurer que la mondialisation devient une force positive pour tous les peuples du monde. Alors que la mondialisation offre de grandes opportunités, ses bénéfices autant que ses coûts sont actuellement inégalement répartis », constate Kofi Annan dans la déclaration finale. En clair, le secrétaire général a souhaité rappeler aux participants que le fossé entre les pays riches et les pays pauvres continuait de se creuser.

    • Pas d'accord sur l'effet de serre à La Haye

      « Mieux vaut pas d'accord qu'un mauvais accord. » Ce constat prononcé par la ministre française de l'Environnement, Dominique Voynet, en guise d'oraison funèbre à la conférence internationale de La Haye, semble devoir revenir comme une antienne après chacun des grands rendez-vous manques de la mondialisation. Un an auparavant, c'est dans les mêmes termes que Lionel Jospin avait présenté l'échec des négociations de l'OMC à Seattle. Aujourd'hui comme hier, le constat traduit les antagonismes profonds au cœur de la mondialisation, cristallisés autour des désaccords entre les conceptions libérales défendues par les États-Unis et celles, plus dirigistes, prônées par l'Europe. Sur la question de la régulation des mœurs commerciales mondiales à Seattle comme sur celle de la réduction des émissions de gaz à effet de serre à La Haye, jugées responsables du réchauffement de la planète, les discussions ont été prisonnières de ces contradictions.

    • Commerce mondial : le Sud se rebiffe

      On connaissait le G 7, forum annuel réunissant depuis 1986 les chefs d'État des sept pays les plus industrialisés. Depuis le 25 octobre 2000, date de clôture de sa deuxième réunion à Montréal (Canada), on sait qu'il faudra aussi compter avec le G 20. Le groupe a été créé en septembre 1999 à l'initiative des États-Unis. Il comprend, outre les pays du G 7, onze pays émergents du Sud (Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Turquie), ainsi que l'Union européenne et la Russie. Auparavant, les revendications du Sud étaient portées par des organisations composées exclusivement de pays en développement comme le G 24, créé en 1972 à Lima, ou le G 15 (voir encadré). Désormais s'institue avec le G 20 une instance resserrée de dialogue, où les pays émergents peuvent faire valoir leurs intérêts auprès du Nord.

    • Rien ne va plus dans l'économie casino des paradis fiscaux

      Cette fois-ci, le voile est levé. Dans le courant de l'année 2000, trois rapports d'institutions internationales ont épingle une quarantaine de pays pour leurs législations fiscales et financières, jugées favorables à l'accueil de capitaux d'origine douteuse. En mai, c'est d'abord le Forum de stabilité financière, émanation du G 7, qui a établi une liste de 42 « paradis fiscaux », parmi lesquels figuraient des nations européennes aussi respectables que le Luxembourg, l'Irlande ou la Suisse. En juin, ce fut au tour du Gafi (Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux) de publier une « liste noire » de 15 pays situés notamment dans les Caraïbes (Bahamas, République Dominicaine...), le Pacifique (Nauru, îles Marshall...) ou le Proche-Orient (Israël, Liban), et comprenant aussi le Liechtenstein, les Philippines et la Russie. Enfin, la semaine suivante, l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) rendait publique sa liste de 35 pays non « coopératifs » en matière d'échanges d'informations financières et incriminait, outre les exemples précédents, des territoires sous souveraineté américaine (îles Vierges), britannique (îles anglo-normandes, Gibraltar...) ou fortement liés à la France (Monaco, voir encadré).

  • Le bilan français
    • La cohabitation à l'épreuve

      Lionel Jospin et Jacques Chirac sont dans les starting-blocks. Mais si à gauche, les ambitions au sein de la majorité plurielle ne semblent pas en mesure d'inquiéter véritablement la légitimité de son champion, le Premier ministre, à droite, la donne semble plus précaire pour le chef de l'État.

    • La réforme de la justice déboutée par l'Élysée

      La réforme de la justice a vécu. Trois ans après avoir mis en chantier « la grande réforme de son septennat », le président de la République lui a porté le coup de grâce le 18 janvier, en reportant sine die la convocation du Congrès qui devait entériner, le 24, la révision d'un article de la Constitution modifiant la composition et les attributions du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et ouvrant la voie à une émancipation du parquet par rapport au pouvoir politique.

    • Un pavé dans la mare de la cohabitation

      « La France condamne les attaques terroristes du Hezbollah et toutes les actions terroristes unilatérales, où qu'elles se mènent, contre des soldats ou des populations civiles... » Cette petite phrase, prononcée par Lionel Jospin lors d'une conférence de presse en Israël le 24 février, a failli déclencher une intifada antifrançaise le lendemain, à l'université de Bir-Zeit, dans les territoires palestiniens où il poursuivait sa tournée. Furieux de voir l'organisation chiite qui combat l'armée israélienne au Liban sud taxée de terrorisme, quelques centaines de sympathisants du Hamas ont accueilli L. Jospin par des jets de pierres, le contraignant à une retraite précipitée.

    • Remaniement ministériel : la « deuxième étape » de L. Jospin ?

      Lionel Jospin serait-il victime de son succès ? Les indices économiques sont au vert, les sondages d'opinion se suivent et se ressemblent, traduisant la confiance des Français dans leur gouvernement et lui valant un état de grâce persistant. Et pourtant la mécanique gouvernementale multiplie les ratés. Portée par la croissance, la reprise est là, le « trou d'air » provoqué par les crises financières internationales du début 1999 a été surmonté, mais le gouvernement traverse un passage à vide. Fidèle à sa réputation de ne pas vouloir brusquer les choses, le Premier ministre donne l'impression de se laisser aller à une autosatisfaction d'autant moins justifiée qu'une série d'éléments indiquent que, trois ans après son arrivée à Matignon, il n'est pas à l'abri de l'usure du pouvoir.

    • L'embarrassante « cagnotte » de Bercy

      Quel est le montant exact des recettes fiscales de l'État ? La question revient avec d'autant plus d'insistance sur la scène politique française depuis ce 14 juillet 1999 où Jacques Chirac a accusé le ministère de l'Économie et des Finances d'user de « tout son talent pour masquer » l'ampleur des rentrées d'argent dans les caisses de l'État.

    • L'Élysée de sept à cinq

      « Le quinquennat, sous une forme ou sous une autre, serait une erreur et donc je ne l'approuverai pas », déclarait à la presse Jacques Chirac le 14 juillet 1999, en réaffirmant son intention d'assumer sa « mission jusqu'à son terme ». Un an plus tard, c'est par un « oui » sans équivoque que le président de la République s'est engagé en faveur du quinquennat lors de son traditionnel rendez-vous avec la presse du 14 juillet, lançant ainsi en fanfare la campagne pour le référendum sur la réduction à cinq ans du mandat présidentiel, fixé au 24 septembre. Rien à voir avec la réponse de Normand qu'il réservait le 5 juin encore, lors d'une intervention télévisée dont le manque d'enthousiasme fera chuter sa cote de popularité, à la proposition de loi constitutionnelle déposée un mois avant par Valéry Giscard d'Estaing.

    • Jean Tiberi fait cavalier seul à Paris

      La droite, unie derrière Philippe Séguin, vengeant son honneur et restaurant un règne sans partage sur Paris, fief de la Chiraquie où son autorité a été ébranlée par la gauche et son image ternie par le feuilleton des affaires : à moins d'un an des municipales de mars 2001, cette image d'Épinal a vécu, malgré tous les efforts de l'ancien maire de la commune vosgienne. Celui-ci a été désigné le 23 mai par le RPR candidat à la mairie de Paris, en vertu du droit de préemption sur l'Hôtel de Ville de la capitale reconnu au mouvement gaulliste par ses alliés DL et UDF. En rupture de ban du RPR dont il a été suspendu du poste de secrétaire départemental, l'actuel maire de Paris, Jean Tiberi, fait de la résistance et entend revendiquer jusqu'au bout son droit à sa propre succession contre P. Séguin, dont il dénonce la nomination comme un diktat inacceptable.

    • Cellatex : un conflit social réglé à l'arme chimique

      Pour les spécialistes de la lutte antiterroriste, alertés par l'attentat au gaz sarin commis par la secte Aoum dans le métro de Tokyo, l'affaire est entendue : à l'aube du xxie siècle, l'humanité doit se préparer à faire face à une nouvelle forme de terrorisme, qui serait tenté de puiser dans l'arsenal chimique les instruments de la terreur, l'arme chimique étant par excellence « l'arme du pauvre »... Faudrait-il ajouter « l'arme des revendications sociales » depuis que les salariés en grève de l'usine Cellatex de Givet (Ardennes) ont jeté, le 17 juillet, des produits chimiques dans la Meuse pour se faire entendre des pouvoirs publics ?

    • La Corse pousse Chevènement à la démission

      « J'ai mes convictions. Lionel Jospin les connaît. Il sait jusqu'où je ne peux pas aller », déclarait Jean-Pierre Chevènement le 18 juillet dans un ultimatum adressé au Premier ministre à la veille d'une réunion décisive à Matignon où le gouvernement et les élus corses devaient entériner un plan de réformes majeur prévoyant notamment une dévolution de pouvoir législatif à l'Assemblée de Corse. Le 29 août, le ministre de l'Intérieur présentait sa démission à son « ami » Jospin qui n'aura d'autre choix que de l'accepter.

    • Le « oui » de Jospin au clonage thérapeutique

      Parmi toutes les modifications annoncées, celle qui déjà entraîne de houleux débats, et pas seulement en France, concerne le clonage thérapeutique, l'un des pans de la recherche sur l'embryon. Celle-ci sera dorénavant autorisée dans la mesure où elle devrait permettre d'améliorer les techniques de procréation médicalement assistée et de mettre au point de nouveaux traitements à partir de cellules souches (thérapie cellulaire), c'est-à-dire capables de se muer en n'importe quelle cellule du corps (musculaire, nerveuse, épithéliale, gastrique...). C'est le cas des cellules embryonnaires.

    • La France doit régler ses affaires...

      « Il n'y a en France ni crise politique, ni crise morale... » L'affirmation se voulait lénifiante, mais le président de la République, qui accordait le soir du 14 décembre un entretien télévisé très attendu, n'a pas réussi à chasser le spectre des affaires, qui hante la classe politique française depuis des années. Suspendue au-dessus de la classe politique, l'épée de Damoclès de la justice menace aussi le locataire de l'Élysée. Sondage après sondage, l'opinion exprime sa soif de transparence sur la scène politique et son manque de confiance dans ses acteurs. Le RPR est au cœur de cette tourmente provoquée par le financement occulte des partis politiques : à gauche, le PS, avec l'affaire Urba ou encore avec l'affaire de la MNEF, qui avait causé en 1999 la démission et la mise en examen de Dominique Strauss-Kahn, mais aussi le PC, dont le secrétaire général Robert Hue a obtenu un non-lieu en octobre, des comptes ont été rendus à la justice. Mais le mouvement gaulliste est jusqu'à présent passé à travers les fourches caudines de la justice, qui enquête pourtant sur une série de dossiers mettant en lumière ses liens présumés avec les entreprises et resserre son étau sur le chef de l'État. En septembre, la publication du contenu d'une cassette vidéo dans laquelle le promoteur Jean-Claude Méry, mort en 1999, affirme avoir collecté des fonds pour le RPR, et dans une moindre mesure pour le PS et le PC, sur ordre de M. Chirac, donne une nouvelle dimension à l'affaire des HLM de Paris et à la fraude organisée sur les marchés publics, qui s'est traduite à ce jour par la seule mise en examen de Jean Tiberi. L'actuel maire de Paris est par ailleurs au cœur de l'affaire sur les faux électeurs de Paris, dont les ramifications remonteraient à l'époque où M. Chirac était maire de la capitale. L'enquête judiciaire sur l'affaire des emplois fictifs a révélé en avril 1999 l'existence de certains courriers signés par M. Chirac et a valu une mise en examen notamment à Alain Juppé et à un ex-directeur de cabinet de M. Chirac à la mairie de Paris, Michel Roussin. Mais c'est l'incarcération de ce dernier pendant cinq jours, dans le cadre d'une autre affaire, celle des lycées d'Île-de-France, qui a ravivé la crainte de voir les juges frapper à la porte de l'Élysée. Selon Louise Yvonne Casetta, ancienne directrice administrative du RPR, Michel Roussin aurait été le coordinateur d'un vaste système de financement du RPR, mais aussi du PR et du PS, en vertu d'un accord conclu entre ces trois partis au début des années 1990 pour se partager les commissions versées par les entreprises du BTP. Cette entente illicite, qui portait sur 2 % de la somme totale, était connue de M. Chirac, selon Mme Casetta. L'implication du PS, fût-ce à un degré moindre, dans cette affaire, a peut-être convaincu M. Chirac de rompre la loi du silence, pour rappeler que son immunité le plaçait au-dessus des affaires.

    • Les Verts préservent une unité de façade

      Naufrages de pétroliers et autres tankers déversant leurs produits chimiques au large des côtes françaises, maladie de la vache folle qui empoisonne les consommateurs, effet de serre dont les conséquences se font de plus en plus sentir sur notre planète... L'actualité accorde une place prépondérante à l'écologie. Cette promotion politique de l'écologie ne semble pourtant guère avoir eu d'effet sur les Verts français, enfermés dans leurs querelles hexagonales. L'exercice d'un pouvoir partagé avec la gauche plurielle a exacerbé les rivalités au sein des Verts, minés par une guerre des chefs qui se durcit à l'approche des échéances électorales. La discipline gouvernementale a été mise à rude épreuve depuis le naufrage en janvier du pétrolier Erika, Dominique Voynet ayant été prise à partie pour ne pas avoir su évaluer à sa juste mesure l'ampleur de la tragédie. La crise des carburants, en septembre, n'a fait qu'ajouter au malaise des Verts. Les protestations de Mme Voynet concernant notamment la suppression de la vignette n'empêcheront pas les Verts de souscrire à la déclaration commune dans laquelle les cinq partis de la majorité énumèrent leurs engagements pour les deux ans à venir lors du sommet de la gauche plurielle à Paris le 7 novembre.

    • L'arrêt Perruche : indemnisation pour handicap ou préjudice dévie ?

      Un adolescent né handicapé est-il en droit de demander réparation quand une erreur de diagnostic médical a empêché sa mère d'avorter, alors qu'elle voulait précisément éviter de mettre au monde un enfant atteint d'un handicap ? C'est à cette question délicate qu'a dû répondre la Cour de cassation réunie en séance plénière le 17 novembre dernier.

  • Dossiers de l'année
    • Le 500e anniversaire de la découverte du Brésil

      Cette indépendance a scellé durant soixante-dix ans une solide alliance entre les grands propriétaires terriens et la Couronne, assurant la perpétuation du système esclavagiste, clé de voûte de la colonisation depuis Albuquerque. Tenu à l'écart des mouvements abolitionnistes, le Brésil sera le dernier pays du continent américain à abolir l'esclavage, en 1888. Ce terrible souvenir divise aujourd'hui la société brésilienne. Ni les Indiens, rescapés du génocide, ni les Noirs, victimes de l'esclavage, ni les paysans sans terre, en lutte pour une réforme agraire équitable, n'ont voulu s'associer à la célébration de cet anniversaire.

    • An mille et ans mille : de la diversité du monde en l'an mille

      Au siècle dernier, les historiens médiévistes, reprenant les propos du chroniqueur Raoul Glaber, ont popularisé l'idée d'une société médiévale inquiète du passage de l'humanité du premier au deuxième millénaire. Ils tirèrent de rares évocations une généralisation abusive. D'une seule citation trouvée dans le texte d'un moine de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire ils construisirent une légende tenace, constitutive d'une conception « gothique » de cette société. Ainsi ce moine anonyme, livrant certaines rumeurs circulant aux alentours de l'an mille, écrivit : « On m'a appris que, dans l'année 994, des prêtres dans Paris annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous. Il n'y a qu'à ouvrir le texte sacré, la Bible pour voir, Jésus l'a dit, qu'on ne saura jamais le jour ni l'heure. Prédire l'avenir, prétendre que cet événement terrifiant que tout le monde attend va se produire à tel moment, c'est aller contre la foi. » Mais cette opinion hétérodoxe pouvait se prévaloir d'une interprétation de saint Augustin comme quoi la période de mille ans évoquée dans l'Apocalypse partait bien de la naissance du Christ et qu'à son issue l'humanité entrerait dans le temps du Royaume sur terre. Certains moines ont dû penser que les temps étaient écoulés et que le grand combat eschatologique était proche. Toutefois, rien ne peut laisser penser que ces idées nourrirent l'imaginaire des hommes de l'an mille. Pas de peur particulière, hormis celles que nourrissent l'angoisse de la nuit et l'incertitude du lendemain. Au-delà de toutes ces peurs que les hommes de cette époque devaient partager, à savoir celles de la misère, de l'autre ou de l'étranger, des épidémies et de la violence, c'est bien celle de l'au-delà qui nourrit le sentiment diffus de ces prêtres qui, selon notre chroniqueur, ont mal lu les textes ou, plutôt, qui ont pris pour argent comptant la lettre du texte sacré. En particulier celle de l'Apocalypse. Dans l'Apocalypse attribuée à l'apôtre Jean – ce n'est pas le seul texte du Nouveau Testament qui évoque la fin des temps –, on liste les signes annonciateurs de la fin des temps : les guerres, les tremblements de terre ou autres catastrophes naturelles, des signes dans le ciel. Toutes ces manifestations conjuguées auraient produit dans le cœur des hommes une angoisse croissante à mesure que l'échéance des mille ans se rapprochait.

    • L'ADN au secours de l'histoire

      Une personne, une cellule, une empreinte... Si cette technique d'identification est si fiable, et son pouvoir de résolution si puissant, c'est que ces tests génétiques, exception faite des vrais jumeaux, présentent une probabilité quasiment nulle de donner des résultats semblables d'un individu à un autre. Ils se fondent en effet sur l'analyse de « minisatellites », petits fragments d'ADN si polymorphes qu'ils forment une véritable carte d'identité biologique. Il faut préciser qu'il existe dans la cellule deux types d'ADN. Le premier – de loin le plus important –, dit « nucléaire » parce qu'il est localisé dans le noyau, est porté par les chromosomes. Le second, « mitochondrial », est contenu dans les mitochondries, petits organites répartis autour du noyau, dans le cytoplasme, et indispensables à la respiration cellulaire. Chacun de nous ayant reçu la moitié de ses chromosomes de son père et l'autre de sa mère, nos empreintes nucléaires seront pour moitié identiques à celles de chacun de nos parents. Les empreintes issues des mitochondries, en revanche, seront très proches de celles de notre mère, car elles se transmettent essentiellement par les femmes. L'ADN mitochondrial étant par ailleurs mieux préservé par le temps que l'ADN nucléaire, c'est donc lui qui, dans la majorité des cas, sera choisi pour les recherches généalogiques.

    • Vache folle, la grande peur de l'an 2000

      Crise de la vache folle ? La vérité impose de rappeler qu'en réalité c'est la troisième fois que l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) fait parler d'elle. Tout le monde ou presque a oublié la crise de 1990 lorsque, au plus fort de l'épidémie britannique, une alliance entre la France et l'Allemagne avait conduit à un premier embargo sur les viandes bovines du Royaume-Uni. Il y eut ensuite la déjà célèbre crise majeure de 1996 née de l'annonce solennelle faite par le ministre de la Santé du gouvernement de John Major que, contre toutes les prévisions, l'agent pathogène responsable de l'ESB pouvait bel et bien contaminer l'espèce humaine.

    • Cette eau qui enflamme le désert

      L'eau a occupé une place prééminente dans les cultures anciennes du Moyen-Orient. Toutes les grandes civilisations antiques sont nées grâce à la maîtrise de l'eau : l'Égypte pharaonique au bord du Nil, la Mésopotamie (du VIe au Ier millénaire av. J.-C.) entre le Tigre et l'Euphrate, avec sa fabuleuse Babylone et ses jardins suspendus, etc. Pourtant, le désert couvre environ 60 % d'Israël, 70 % de la Syrie, 85 % de la Jordanie et 90 % de l'Égypte. De toute évidence, l'eau douce fait cruellement défaut au Moyen-Orient. Ces seules données géographiques mettent en lumière à quel point celle-ci peut constituer un nœud névralgique dans le bras de fer qui se joue dans la politique de la région. En fait, c'est bien là-dessus que bute le processus de paix engagé entre Israël et le monde arabe, et surtout l'OLP (Organisation de libération de la Palestine).

    • Les planètes extrasolaires

      Vers 300 av. J.-C., le philosophe grec Épicure envisageait déjà la possibilité d'existence de planètes autour d'autres étoiles que le Soleil, affirmant qu'« il doit exister d'autres mondes, avec des plantes et d'autres êtres vivants, certains d'entre eux semblables au nôtre, les autres différents ». Ce qui n'était à l'époque qu'une extrapolation hardie est devenu dans la seconde moitié du xxe siècle une hypothèse hautement probable.

    • La longue épopée de la station Mir

      Pendant une dizaine d'années, à la suite du vol historique de Gagarine, le 12 avril 1961, les spationautes n'ont voyagé dans l'espace qu'au moyen de petites capsules inconfortables où seule la position accroupie ou couchée était possible. Rapidement s'est imposée l'idée de créer une structure plus vaste capable d'offrir de meilleures conditions de séjour et de travail et permettant la réalisation d'expériences scientifiques variées en orbite autour de la Terre.

    • La repentance de l'Église catholique

      Près de l'autel papal, situé sous le baldaquin du Bernin, d'où le successeur de Pierre préside la cérémonie, a été déposé un crucifix en bois polychrome du xive siècle et un chandelier à sept branches, tout un symbole, sur lequel sept hauts prélats, représentant les cinq continents, vont tour à tour placer une petite lampe à huile, après que chacun aura fait acte de repentance, au nom de ce que le pape a appelé la « purification de la mémoire ». Cinq membres du Sacré Collège, les cardinaux Gantin, soixante-dix-huit ans, originaire du Bénin, l'Allemand Ratzinger, soixante-treize ans, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, ex-Saint-Office, ex-Inquisition, le Français Etchegaray, soixante-dix-huit ans, président du comité du Grand Jubilé, l'Australien Cassidy, soixante-seize ans, le Nigérian Francis Arinze, soixante-huit ans, et deux archevêques, le Japonais Hamao, soixante-dix ans, et le Vietnamien Van Thuan, soixante-douze ans, qui a passé de nombreuses années dans les geôles de son pays. Successivement, ils demandent pardon pour les martyrs de tous les temps, pour tous ceux que l'Église a condamnés pour avoir proféré des idées à ses yeux contraires à la vérité établie, pour tous les clercs qui ont eu recours à des méthodes non conformes à l'Évangile, pour les souffrances endurées au cours de l'Histoire par le peuple d'Israël, pour les comportements contraires aux droits des peuples et au respect des cultures, des religions et aussi de la femme.

    • Echelon, le réseau des réseaux

      En fait, ce n'était point tant l'existence de ce réseau qui suscitait l'émoi que l'utilisation qui, selon les parlementaires européens, en serait faite depuis plusieurs années, à savoir l'espionnage économique des entreprises européennes au bénéfice de leurs concurrents américains. Ce nouvel épisode de la rivalité euro-américaine ne devrait pas avoir de graves conséquences car aucun des protagonistes n'y a véritablement intérêt. La solidarité du secret entre ces organismes l'emporte souvent sur la compétition. Il constitue néanmoins un rappel à l'ordre sérieux, qui devrait conduire à une meilleure définition des missions des services de renseignement entre pays alliés, dix ans après la fin de la guerre froide.

    • Les dérives du football business

      Zinedine Zidane : « Je trouve toutes ces sommes ridicules. Je ne pense pas valoir 480 millions de francs. Et d'ailleurs personne ne les vaut. » Zinedine Zidane est un héros et sa parole est d'or. Aussi, lorsque le meneur de jeu de l'équipe de France, championne d'Europe et du monde, critique ouvertement les affolantes indemnités de transfert offertes par un club – le Real Madrid – pour acquérir son nom et son talent, il convient de s'interroger. Le marché du football serait-il devenu assez fou pour que même ses premiers rôles, ses acteurs les plus en vue – et donc les plus grassement rémunérés – s'alarment et s'écœurent ?

    • L'année littéraire

      Succès plus ou moins inattendus, mais s'inscrivant dans le retour en force de la décision individuelle, qui paraît moins sensible à l'influence des médias, tandis que se manifeste celle, plus ancienne, du bouche-à-oreille. Et si la diversité des choix y trouve son compte, les libraires eux-mêmes en bénéficient, retrouvant leur rôle privilégié de conseil. En même temps, voici que cette année les prix littéraires n'ont été l'objet d'aucune véritable contestation et que les ouvrages couronnés en ont immédiatement bénéficié. Embellie ou phénomène durable ? Certains ne veulent voir là qu'une des retombées de la croissance. Quant aux ouvrages présentés, rares sont ceux où l'on trouverait une vision moins noire que celle des années précédentes.

    • Sartre, vingt ans après

      Vingt ans après, Sartre est revenu. Seulement le cœur n'y était plus. Il s'agissait plus de convoitise que de gourmandise. Visiblement il y avait un créneau Sartre à occuper. L'économie de marché justifiait dans l'esprit des commerciaux le produit culturel « Jean-Paul Sartre (1905-1980) ». Les éditeurs et les journalistes firent leur possible pour accompagner le mouvement. Qu'importe si, de par le monde, 300 études avaient déjà été publiées sur l'écrivain. Le but n'était pas de vendre du nouveau mais de l'actuel. Sartre devait donc pour quelques mois redevenir un sujet « tendance », c'est-à-dire un bruit de fond capable d'occuper les pages culturelles et les espaces réservés aux débats dans les journaux et les magazines.

    • Le centenaire de la mort de Nietzsche

      La première « mort » de Nietzsche – son entrée dans la folie, sa disparition spirituelle – s'est produite à Turin, le 3 janvier 1889. Ce jour-là, il quitte sa chambre de la Via Calo Alberto. Dans la rue, on bat un cheval. Nietzsche lui saute au cou, puis s'écroule. David Fino, son logeur, le fait porter sur son lit. Le philosophe y dort presque quarante-huit heures d'affilée. Le 5 janvier, Nietzsche écrit cette longue lettre à Jakob Buckhardt qui marque son « effondrement ».

    • L'année du théâtre 2000

      Les « jeunes qui montent », eux, sont ceux que l'on avait déjà découverts précédemment, avec quelques jets d'éponge que l'on peut regretter. Tel celui de Stanislas Nordey, directeur plein de promesses du Centre dramatique national de Saint-Denis, le Théâtre Gérard-Philipe. Instigateur d'une radicale remise à l'ordre du jour du théâtre « citoyen », il avait défendu le projet ambitieux d'un théâtre à l'écoute de la ville et ouvert non-stop au rythme d'une programmation aussi rapide que soutenue de compagnies et de créateurs à découvrir. Au mois d'avril, on avait pu y applaudir Mohammed Rouabhi, acteur-metteur en scène de Malcolm X dénonçant le racisme à partir de textes du leader noir américain ; Dominique Féret lui avait succédé, revenant sur l'aventure phare d'une époque où l'on osait encore rêver avec les Veux rouges, construits à partir de témoignages d'anciens de « l'affaire Lip », à Besançon ; au mois de mai, ce fut le « coup d'essai-coup de maître » d'un ancien comédien du Théâtre du Soleil, Hughes Massignat, se confrontant à l'univers tragique de Cendres de cailloux de Daniel Danis, l'un des auteurs majeurs du Québec contemporain. Stanislas Nordey a annoncé qu'il quitterait ses fonctions à la fin de la saison prochaine, vaincu par la loi d'airain de l'économie, handicapé par un trop lourd déficit, mal soutenu par les collectivités locales et un ministère de la Culture dirigé alors par Catherine Trautmann. Cette dernière a été remplacée depuis par une autre Catherine, Catherine Tasca.

    • Le journal du cinéma

      L'apparition, contestée, de la carte d'abonnement illimité – on peut, contre une somme forfaitaire, voir autant de films qu'on le veut – portée sur les fonts baptismaux par UGC et suivie, après une tentative d'interdiction par les autorités de tutelle, par son équivalent lancé d'abord par Pathé puis par Gaumont et MK2 explique également la fréquentation accrue des salles obscures. Il est encore tôt pour dire dans quel sens évoluera cette modification d'infrastructure, mais elle n'est pas étrangère à la montée du nombre de spectateurs. Par ailleurs, l'année 2000 a été, au niveau purement artistique, une saison de confirmations : peu d'auteurs nouveaux et marquants y ont vu le jour.

    • L'année de la musique

      Sans doute jamais pourtant la création musicale n'a été aussi dynamique. Concerts, festivals, spectacles en tout genre ont été très nombreux et très courus par le public. L'année, cependant, commençait bizarrement sur un acte manqué, puisque c'est dans le bâtiment symbole de la création contemporaine, le Centre Pompidou rénové, que le premier rendez-vous de la création musicale était fixé, avant d'être reporté de huit semaines pour cause de grèves. C'est sur une série de quatre concerts placés sous l'égide de l'IRCAM (Institut de recherche et de coordination acoustique-musique) et de Gérard Grisey, mort en 1998, qu'a débuté ce premier week-end qui accueillait notamment l'Ensemble intercontemporain pour la création de deux œuvres, l'une bavarde et redondante de Joël-François Durand, Terre de feu, pour hautbois et ensemble, l'autre de Jean-Luc Hervé, Encore, colorée et expressive. Elles étaient mises en regard du Temps de l'écume de Grisey, qui a montré ce en quoi un compositeur peut être grand et original, avec une inventivité sonore prodigieuse, creusant le son jusqu'au plus profond de l'âme.

    • Bach, musicien de tous les temps

      En cette année 2000, qui marque le deux cent cinquantième anniversaire de la mort de Bach, les louanges des hommes glorifient le musicien, car, s'il est loisible de douter de Dieu, on ne peut qu'avoir foi en Bach : « Douter de Dieu, croire en Bach », s'écriait en 1985 le compositeur argentin Mauricio Kagel. « Jean-Sébastien Bach, s'enthousiasme à deux siècles et demi de distance son confrère Pierre Boulez, est l'épitomé de la musique baroque. Chez Bach se trouvent des choses extrêmement rigides qui se fondent sur des éléments très stricts. L'on y discerne des canons fort rigoureux, même la fugue est une forme stricte, mais il y a aussi dans sa création beaucoup de liberté. Et ce qui m'a frappé en étudiant sa musique dans les années 1945-1950, c'est l'alternance de contrainte et de liberté, non seulement dans la diversité de ses pièces, certaines étant contraintes d'autres libres, mais aussi au sein de chacune d'elles. Bach n'a pas écrit l'Art de la fugue toute sa vie. Il a aussi composé par exemple la Grande Passacaille en ut mineur ou la Triple Fugue d'après les Chorals de Leipzig, où il mêle contrainte et liberté. »

    • « 1900 »

      Ce fut le cas en France avec l'exposition « 1900 », présentée dans les galeries nationales du Grand Palais, dans le cadre de la mission 2000, mais aussi à Londres, avec deux expositions qui, sur le même champ historique, interrogeaient le passage du siècle. L'une est consacrée plus spécifiquement à l'Art nouveau (« Decadence and Dreams : Art nouveau 1890-1914 »), au Victoria and Albert Museum, l'autre, installée à la Royal Academy, se penche sur les échanges entre les arts à cette époque (« 1900 : Art at the Crossroads »). Entre ces trois grandes expositions, un point commun : le regard sur une période en quête d'une rénovation esthétique globale, touchant aussi bien la peinture, la décoration, les arts appliqués ou l'architecture, dans un même désir de synthèse.

    • « Une Méditerranée en demi-teinte »

      La côte méditerranéenne serait l'ultime rivage de la grande géographie romantique mais aussi le lieu de villégiature de peintres à la recherche d'une société cosmopolite qui trouve là un éden résidentiel, ou encore le lieu mythique d'une culture latine susceptible de faire front aux nombreuses crises de l'identité française.

    • Paris, Babel artistique

      Le label « école de Paris » est inventé en 1925 par le critique André Warnod, pour désigner les artistes indépendants, français et étrangers, installés dans les quartiers de Montmartre ou Montparnasse, qui font alors de Paris une plaque tournante des innovations picturales. Le critique ne définit aucune esthétique ou facture commune, pas plus qu'il ne dresse une liste exhaustive du groupe pour cette « école » sans maîtres, sans théories, faite d'emprunts divers aux avant-gardes du moment.

    • Partage d'exotismes

      Avec cette Biennale, Jean-Hubert Martin poursuit sa réflexion sur les partages entre arts occidental et non occidental, en réunissant ici plus d'une centaine d'artistes venus des quatre coins du monde, avec pour point commun l'idée d'une possible perméabilité des signes et des contextes culturels. En 1989, il s'agissait d'affirmer l'existence d'une création non occidentale, trop peu connue, trop peu vue. Dix ans plus tard, le contexte a changé. Certaines œuvres traversent plus facilement les frontières Nord-Sud, la curiosité se fait croissante envers des propositions jusqu'alors très ignorées : « Sous le coup d'impulsions extérieures, rappelle Jean-Hubert Martin, notre regard sur l'art non occidental évolue lentement. Le niveau d'information a grandi, et, avec la dissémination du milieu artistique, de plus en plus de manifestations ont lieu dans des lieux encore inimaginables il y a vingt ans : Kwangju, Johannesburg ou La Havane. Au final, les institutions les plus résistantes à cette évolution sont les musées d'art moderne des grandes métropoles. » Avec la Biennale, il ne s'agit pas tant de présenter ces œuvres « exotiques » au public que de les confronter à la production occidentale posant cette question du transfert ou de l'échange culturel.

    • Itinéraire brésilien 2000

      Cinq siècles après sa découverte par les Portugais, ce pays aux dimensions d'un continent n'a toujours pas fini de se découvrir, de s'étonner lui-même et de surprendre ses visiteurs. À moins d'en repartir vite, à l'instar de Cabral, le visiteur, lui, n'en reviendra jamais tout à fait, que ce soit d'un périple amazonien ou d'un séjour à Salvador de Bahia, à Rio de Janeiro ou à Brasília.

    • La mode 2000-2001 : les tendances parisiennes

      Secoué à tous les vents, ceux de la forme et de la couleur, par la fantaisie de ses agitateurs, abandonné aux djinns de la destruction, du renouveau et de l'apocalypse joyeuse, le monde de la couture poursuit éperdument la réalisation de son ambition ultime : redéfinir toujours les règles de l'élégance et révéler les secrets des corps. L'avantage d'un tel feu d'artifice, c'est qu'il laisse place à tous les points de vue, à toutes les formules, celles que prônent les tenants du stylistiquement incorrect – les classiques de demain –, qui font de chaque défilé d'ébouriffants carnavals, et celles que présentent les poètes et les tenants de la féminité, qui dédient leur collection à la femme coquette, « féline, câline et caressante ».

  • Sports
    • Marion, Pete et « Schumi »... les valeurs sûres

      Marion Jones a-t-elle vraiment raté ses Jeux ? À surprendre quelques commentaires aigris dans le stade olympique de Sydney, au soir de la cérémonie de clôture, on aurait pu s'en persuader. L'ambitieuse Américaine n'avait-elle pas annoncé, claironné même, qu'elle reviendrait d'Australie riche de cinq médailles d'or ? N'a-t-elle pas échoué dans son pari aussi inédit qu'insensé ? Victorieuse du 100, 200 m et du relais 4 × 400 m, « seulement » médaillée de bronze de la longueur et du 4 × 100 m, Marion Jones n'a pas fait mieux que Cari Lewis et ses quatre médailles d'or de Los Angeles en 1984. Elle n'a pas non plus effacé les immuables records de Florence Griffith-Joyner. Qu'importe ! Si son très relatif échec l'empêche de prétendre au titre d'athlète du siècle, l'ex-basketteuse de Raleigh décroche au moins celui de reine de l'année... en attendant mieux.

    • Les « JO du millénaire »

      Les « plus beaux Jeux de tous les temps ». Dans la bouche de Juan Antonio Samaranch, président du CIO, le compliment n'est pas mince. Savamment hiérarchisée, l'organisation olympique aime à décerner des notes. Et « Sydney 2000 » a décroché la meilleure. Les Jeux du millénaire ont, il est vrai, été à la hauteur des attentes. Dans le cadre splendide d'une des plus belles baies du monde, après une cérémonie empreinte d'émotion et marquée par la présence de l'athlète aborigène Cathy Freeman chargée d'allumer la flamme, les quelque 4,5 millions de spectateurs et 10 000 athlètes en lice ont vécu quinze jours hors du temps. Quinze jours d'exploits, de surprises, de scandales aussi, encore une fois dominés par les athlètes américains, lauréats de 97 médailles devant la Russie et la Chine alors que l'Australie, après avoir promis un festival, se contentait de 58 médailles. Quinze jours ouverts en fanfare par les exploits des nageurs...

    • Football

      Disputé deux ans après le Mondial, le XIe Championnat d'Europe de football a tenu ses promesses. En Belgique et aux Pays-Bas, 22 jours durant, les 16 équipes engagées ont offert un spectacle de grande qualité et créé de belles surprises. La victoire de l'équipe de France en finale a clos la compétition en apothéose. Deux ans après leur titre mondial, seize ans après leur premier sacre européen, les « Bleus » entraînés par Roger Lemerre ont confirmé leur suprématie.

    • Disciplines

      En rodage pour les jeux Olympiques, les athlètes n'ont pas vraiment fait parler d'eux par leurs performances au cours de l'été 2000.

  • Statistiques
  • Nécrologie

    Auriol (Jacqueline Douet, épouse)aviatrice française Challans (Vendée), 5 novembre 1917 Paris, 11 février 2000 À trente ans passés, Jacqueline Auriol passe son brevet de pilote et participe très vite à plusieurs raids et compétitions. Victime d'un accident aérien en 1949, elle doit subir de nombreuses opérations, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre sa carrière et d'obtenir le titre de femme « la plus rapide du monde » en 1951. Elle devient pilote d'essai et améliore trois fois le record du monde de vitesse entre 1955 et 1963, engageant avec l'Américaine Jacqueline Cochran une compétition mémorable et, néanmoins, amicale.