Plus charismatique que son rival Djindjic, mais aux convictions fluctuantes, le chef du parti du Renouveau serbe (SPO), Vuk Draskovic, n'a pu s'empêcher d'évoquer l'éventualité d'un nouvel arrangement avec les autorités, ce qui lui vaudra les huées de la foule. Alors que le SZP table sur les manifestations pour contraindre Milosevic à la démission, Draskovic est hostile à une stratégie qui porterait le risque d'une guerre civile et préfère s'en remettre au processus électoral.
La rue contre Milosevic ?
La mobilisation relativement faible des manifestants à partir du 21 septembre à Belgrade et d'autres villes serbes, où les rassemblements se succèdent à un rythme quasi quotidien sans ébranler un régime qui leur oppose un important dispositif policier, semble lui donner raison. La rue, qui s'était mobilisée pendant les soixante-dix-huit jours de bombardements pour défier les avions de l'OTAN, ne paraît pas prête à se retourner contre le pouvoir, même si ce dernier ne bénéficie plus d'une « union sacrée ». C'est là toute l'ambiguïté d'une opposition qui, aussi démocratique soit-elle, doit ménager une conscience nationale meurtrie et ne peut se permettre de brader un nationalisme humilié contre les promesses d'aide des Occidentaux, à moins de passer pour la complice du grand « complot » dont les Serbes, accablés par les sanctions économiques, s'estiment être les victimes. Aussi les ténors de l'opposition serbe refuseront-ils de participer à la réunion organisée le 11 octobre à Luxembourg par les Quinze pour préparer l'après-Milosevic, jugeant « inacceptables » certaines des exigences européennes, comme celle, une fois l'opposition arrivée au pouvoir, de livrer au TPI les criminels de guerre, dont Milosevic.
Les Européens décident néanmoins de livrer des combustibles à Nis et à Pirot, villes serbes tenues par l'opposition, dans le cadre d'un programme « pétrole pour la démocratie », mais c'est la levée des sanctions, qui pèsent bien plus sur la population que sur le pouvoir, que l'opposition cherche à obtenir des Occidentaux, de telle sorte qu'elle recueille les dividendes électoraux de sa médiation sans passer pour leur complice. Encore faut-il que le régime de Belgrade cède aux exigences de l'opposition, enfin unie le 14 octobre autour d'un accord de principe sur la tenue rapide d'élections générales anticipées et démocratiques.
Mais Milosevic n'est pas pressé de bousculer un calendrier électoral qui fixe les scrutins locaux et fédéraux en l'an 2000 et les législatives en 2001. Multipliant les inaugurations de ponts et promettant une reconstruction du pays bien peu probable dans ces conditions d'autarcie, il cherche à gagner du temps et reste confiant dans la capacité des socialistes de rester au pouvoir.
Gari Ulubeyan
Les effets pervers des sanctions
« Pétrole contre nourriture » en Irak, « énergie pour la démocratie » en Serbie... Les sanctions internationales (embargos aérien et pétrolier, mises à l'écart des institutions financières, investissements bloqués) imposées à Belgrade risquent d'entraîner les mêmes effets pervers qu'à Bagdad, où elles pénalisent bien plus la population que le régime. La dictature n'étant pas de même nature à Belgrade, où le processus électoral lui donne une façade de légitimité, l'Occident pense jouer avec plus de succès la carte de l'opposition, mais il risque de contribuer au maintien au pouvoir de Milosevic, en encourageant des partis politiques déjà discrédités par leurs divisions dans une opinion hostile aux Occidentaux. Unie désormais sur un accord de principe en vue d'élections anticipées, l'opposition serbe ne se satisfait pas de l'aide sélective proposée et tente de faire comprendre à l'Occident que la levée de l'embargo serait le meilleur soutien qu'elle peut en attendre.