Le 7 septembre, le président Habibie cède devant l'état-major en décrétant la loi martiale au Timor-Oriental. Le lendemain, le gouvernement rejette toute intervention militaire internationale, affirmant que les forces indonésiennes sont capables de rétablir le calme. Le 12, toutefois, le gouvernement fait machine arrière en acceptant le principe de l'envoi d'une force de rétablissement de la paix au Timor-Oriental. Les pressions internationales s'étaient encore accentuées, les menaces de sanctions économiques et de procès pour crimes contre l'humanité prenaient corps. Qui plus est, le général Wiranto, chef d'état-major, s'était rendu à Dili où il avait pu constater que la situation échappait largement au contrôle de l'armée.
Une force de l'ONU
Le 15 septembre, c'est avec le souvenir du Kosovo présent à l'esprit que le Conseil de sécurité de l'ONU donne son accord à l'envoi au Timor-Oriental d'une force multinationale placée sous commandement australien et composée de 7 000 hommes autorisés à faire usage de leurs armes. Les milices commencent aussitôt à quitter le territoire. Les premières unités de l'Interfet débarquent le 20 sans rencontrer de résistance. Le 19 octobre, le Parlement abrogera le décret d'annexion du Timor-Oriental. Quelques jours plus tard, Dili acclamera le retour de Xanana Gusmao, chef du Conseil national de la résistance timoraise et chef de la guérilla indépendantiste, qui avait été libéré de sa résidence surveillée en septembre. Le 25, la gestion civile et militaire du territoire sera confiée à l'Administration transitoire des Nations unies au Timor-Oriental. Les dernières troupes indonésiennes quitteront le territoire à la fin du mois.
Philippe de la Resle
La balkanisation de l'Indonésie
Un archipel de plus de 17 000 îles, dont le tiers sont habitées, un territoire s'étirant d'est en ouest sur environ 5 000 kilomètres, plus de 200 millions d'habitants répartis en de nombreux groupes ethniques, linguistiques, culturels et religieux : à l'intérieur de ses frontières artificielles issues de la décolonisation, l'Indonésie apparaît comme un pays particulièrement fragmenté. La sécession du Timor-Oriental ouvre la porte à d'autres revendications irrédentistes ou particularistes. La province d'Atjeh, dans le nord-est de l'île de Sumatra, est agitée par des troubles provoqués par les islamistes favorables à la restauration de l'ancien sultanat. À l'autre extrémité de l'archipel, dans la lointaine Irian Jaya annexée par l'Indonésie en 1963, les Papous revendiquent leur indépendance. Les musulmans et les catholiques s'affrontent aux Moluques, tandis qu'à Bornéo les tribus indigènes combattent les populations immigrées.