Journal de l'année Édition 2000 2000Éd. 2000

Le rapport Charpin sur la retraite

Après cinquante-cinq ans d'existence, le système de retraite français, l'un des facteurs essentiels de la cohésion sociale, est confronté à la réalité de l'évolution démographique : la préservation du régime des retraites pour les générations qui cesseront leur activité dans les décennies à venir, tel est l'un des défis majeurs que la société française devra relever à l'orée du nouveau millénaire. Le rapport Charpin, sur un dossier délicat pour le politique, ouvre le débat sur le problème de l'avenir des retraites en France.

La retraite est devenue l'un des principaux sujets de préoccupation des Français. Leur inquiétude porte à la fois sur la situation des retraités et sur l'avenir du système de retraite lui-même. Quel est l'impact de l'évolution démographique sur les différents régimes de retraite ? Le nombre d'actifs sera-t-il suffisant pour financer les retraites ? Autant de questions que les Français posent aujourd'hui aux gouvernants. Le diagnostic établi par le commissaire au Plan Jean-Michel Charpin livre un début de réponse.

La nouvelle donne démographique

Le vieillissement de la population constitue l'une des principales mutations auxquelles notre société sera confrontée au cours des prochaines décennies. Aujourd'hui, un Français sur cinq a plus de soixante ans. Dans quarante ans, ils seront un sur trois. Depuis l'instauration de notre système de retraite, en 1945, la durée de la retraite s'est considérablement accrue, et cela pas seulement en raison de l'abaissement de l'âge légal de la retraite, depuis 1982, de soixante-cinq à soixante ans pour les salariés du régime général et des régimes alignés. Au lendemain de la guerre, l'espérance de vie était, en moyenne, de soixante-trois ans pour les hommes et de soixante-neuf ans pour les femmes. Aujourd'hui, elle est de soixante-quatorze ans pour les hommes et de quatre-vingt-deux ans pour les femmes. L'espérance de vie devrait continuer de progresser pour atteindre, à l'horizon 2040, quatre-vingt-un ans pour les hommes et quatre-vingt-neuf ans pour les femmes. Actuellement, le nombre de retraités augmente de 110 000 personnes par an. Ce phénomène va être amplifié, à partir de 2006 et jusqu'en 2035 environ – l'augmentation du nombre des retraités atteignant 250 000 par an –, par l'arrivée à la retraite de générations plus nombreuses que celles qui liquident leurs droits aujourd'hui. C'est l'effet à retardement du baby-boom d'après-guerre. En conséquence, les conditions de financement des régimes de retraite – on dénombre aujourd'hui 26 régimes professionnels de base, aux règles de calcul spécifiques, qui couvrent l'ensemble de la population non soumise au minimum vieillesse – s'en trouveront considérablement modifiées. En effet, le système de retraite français repose sur le fonctionnement des régimes en répartition : les pensions des retraités sont financées par des prélèvements sur les revenus des actifs, dont les pensions, lorsqu'ils seront eux-mêmes à la retraite, seront payées par leurs enfants devenus actifs. Or, l'équilibre financier d'un tel système est assuré par ce que l'on appelle le rapport démographique, c'est-à-dire le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités : les cotisations des actifs finançant directement les pensions des retraités, plus ce rapport est élevé, meilleur est l'équilibre financier. Pour le régime général, on compte aujourd'hui moins de deux cotisants pour un retraité (rapport 1,7) ; en 2040, on compterait un cotisant pour un retraité. En résumé, il faudra financer des retraités plus nombreux pendant une période plus longue avec un volume de cotisations plus réduit. En effet, si les évolutions actuelles en matière d'immigration et d'activité se poursuivent, le nombre des plus de soixante ans va augmenter de dix millions entre 1998 et 2040, tandis que le nombre d'actifs qui financent les retraites devrait baisser de plus d'un million. Au total, on dénombrerait sept personnes de plus de soixante ans pour dix personnes d'âge actif en 2040, au lieu de quatre pour dix actuellement. La conséquence essentielle de la diminution de ce rapport démographique est financière : les nouvelles données démographiques engendreront des déficits plus ou moins importants dans tous les régimes à partir de 2005.

Les propositions Charpin

Le 29 mai 1988, Lionel Jospin a chargé le commissaire au Plan Jean-Michel Charpin d'élaborer, sur la situation et les perspectives de notre système de retraite, « un diagnostic aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes » : un dossier explosif capable, selon Michel Rocard, « de faire sauter n'importe quel gouvernement ». La commission de concertation, réunie par M. Charpin entre octobre 1998 et mars 1999, a, au mois d'avril, remis son rapport au Premier ministre. Selon le diagnostic posé par la commission, notre système de retraite doit, pour assurer sa viabilité et financer les pensions, s'adapter à la nouvelle donne démographique en arbitrant entre taux de prélèvement sur les actifs, âge de la retraite et niveau de vie relatif des retraités. Ce qui suppose un choix collectif majeur. Que l'on cherche à maintenir la parité de niveau de vie entre actifs et retraités, sans modifier l'âge de la retraite, et l'on devra augmenter fortement les prélèvements : faire supporter intégralement ceux-ci aux actifs reviendrait à multiplier les prélèvements par 1,5 ; les faire supporter aux retraités reviendrait à diviser leur niveau de vie, par rapport à celui des actifs, de 1,9 en quarante ans, avec une hypothèse de doublement du salaire sur la période. Évoquant les marges d'action possibles, le rapport Charpin suggère quelques pistes de réforme.