À la pointe de la Hague, première terre d'Europe continentale à être touchée par l'éclipse, un village ludique et scientifique, Cap Éclipse, accueille près de 20 000 personnes venues guetter l'arrivée de l'ombre de la Lune sur la mer. Une foule très dense a envahi aussi le littoral du pays de Caux, de Fécamp à Saint-Valery-en-Caux, tandis que plusieurs centaines d'astronomes amateurs ont déployé leur matériel aux emplacements qui leur ont été réservés sur la plus haute falaise de la Côte d'Albâtre. À Noyon, dans l'Oise, trains et cars acheminent des milliers de spectateurs vers un site d'observation de 5 hectares spécialement aménagé pour la circonstance. À Reims, l'événement coïncide avec le dixième anniversaire des « Flâneries musicales » et la ville accueille une affluence comparable à celle occasionnée par la venue du pape en 1996. Le compositeur Éric Tanguy crée la symphonie Éclipse et Jessye Norman salue la réapparition du Soleil par un mini-récital sur le parvis de la cathédrale. Dans les Ardennes, Perthes, un petit village de 310 habitants, situé juste sur la ligne de centralité, accueille 70 000 personnes. Il a fallu élargir les voies communales, aménager 150 hectares de terres à betterave et à pomme de terre, créer un système de navettes entre le parking et l'aire d'observation, prévoir buvettes, toilettes, manèges pour enfants. En Moselle, à Thionville, 150 enfants interprètent une scène des aventures de Tintin dans le Temple du Soleil, où le jeune héros, prisonnier des Incas et sommé de choisir une date pour sa mise à mort sur le bûcher, parvient à sauver sa tête en programmant son exécution à l'heure d'une éclipse totale de Soleil.
Toute la France, en fait, a les yeux tournés vers le ciel. Car, là où l'on ne voit pas la Lune masquer complètement le Soleil, le spectacle reste tout de même exceptionnel : près de 90 % du Soleil sont éclipsés à Lyon, plus de 80 % à Bordeaux et à Marseille. À Paris, l'éclipse affecte 99,4 % de la surface du disque solaire. 2 000 fonctionnaires de police ont été mobilisés pour assurer la sécurité sur la voie publique. À l'approche du maximum, 15 000 personnes se sont massées sur les Champs-Élysées, 14 000 sur le Champ-de-Mars, 13 000 sur l'esplanade de la basilique du Sacré-Cœur, à Montmartre... L'observation est malheureusement perturbée par les nuages, mais la baisse de luminosité est suffisante pour que l'éclairage public fonctionne pendant une demi-heure.
Marketing et lunettes de protection
À la différence de la Coupe du monde de football ou d'autres grands événements de portée internationale mobilisant les foules, l'éclipse n'a pas donné lieu à de spectaculaires opérations de marketing. En France, bien peu de sociétés ont osé parier sur l'impact populaire d'un événement aussi bref et qui pouvait être complètement gâché par de mauvaises conditions météorologiques. Hormis d'inévitables tee-shirts, les produits dérivés sont restés relativement confidentiels. La recherche de partenaires pour un « Train de l'éclipse », destiné à informer et à sensibiliser le public avant l'événement, s'est avérée laborieuse. Le train a finalement circulé dans la seconde quinzaine de juin et fait étape dans une douzaine de villes, drainant quelque 100 000 visiteurs.
Les lunettes de protection restent le seul produit à s'être véritablement arraché. En fait, le Soleil n'est pas plus dangereux à observer lors d'une éclipse qu'en temps ordinaire. Mais, habituellement, on ne songe pas à le fixer du regard car on est immédiatement ébloui. Lors d'une éclipse, au contraire, surtout lorsque le Soleil se trouve réduit à un fin croissant, on est tenté de prolonger l'observation. Or, le rayonnement reste beaucoup trop intense tant que l'éclipsé n'est que partielle. Le danger ne provient pas seulement de la lumière visible, mais aussi de l'ultraviolet et, surtout, de l'infrarouge (responsable des brûlures de la rétine). Il est d'autant plus redoutable que les lésions oculaires sont indolores sur le moment, bien qu'elles puissent être irréversibles. L'observation du Soleil en temps normal ou lorsqu'il est partiellement éclipsé exige un filtre qui ne laisse pas passer plus de 0,003 % de la lumière visible, 0,0032 % du rayonnement ultraviolet et 0,027 % du rayonnement infrarouge. Ce niveau de protection est atteint avec les verres de soudeur de grade 14 et des lunettes spéciales équipées d'un filtre constitué soit de polymère noir, soit d'un film mince aluminé.