J. C.

Ultralibéral ou socialiste rampant ?

Âgé de soixante-cinq ans, à la tête du FMI depuis douze ans (reconduit jusqu'en 2001), Michel Camdessus est un haut fonctionnaire français. Ancien directeur du Trésor et ancien gouverneur de la Banque de France, il a de quoi inquiéter les grands financiers anglo-saxons, qui voient en tout agent de l'État français un collectiviste masqué, alors qu'en France, beaucoup le considèrent cornue un otage des États-Unis. À ces opinions tranchées, il oppose sa « théorie » des trois mains : « La main invisible du marché, la main de la justice (c'est celle de l'État) et la main de la solidarité. Il faut que les trois mains puissent travailler ensemble. »

Vers une justice internationale ?

Cinquante ans après la Déclaration universelle des droits de l'homme et la convention sur le Génocide, la communauté internationale se dote d'un tribunal à sa mesure : 160 pays réunis à Rome du 15 juin au 17 juillet, sous l'égide de l'ONU, jettent les fondations d'une Cour criminelle internationale (CCI) chargée de juger les auteurs des crimes les plus graves.

La communauté internationale se donnerait-elle enfin les moyens d'exercer une justice universelle, protégeant l'humanité des crimes qui se commettent contre elle ? La Cour criminelle internationale (CCI), qui siégera à La Haye, n'a pourtant pas fait l'unanimité : lors du vote, 21 pays se sont abstenus, 7 ont voté contre – la Chine, les Philippines, l'Inde, le Sri Lanka et la Turquie, mais aussi les États-Unis, réfractaires à toute juridiction universelle, et Israël, en raison d'un paragraphe accusé d'assimiler la colonisation des territoires palestiniens à un crime de guerre. Une opposition d'autant plus regrettable que ce tribunal, cinquante ans après la convention sur le Génocide, vise à institutionnaliser une instance judiciaire telle que celle qui jugea les atrocités nazies à Nuremberg.

Les récentes expériences de justice internationale – le TPI pour l'ex-Yougoslavie ou pour le Rwanda – ont trahi les limites de tribunaux tributaires de facteurs régionaux et souligné la nécessité d'en élever les compétences aux dimensions de la planète. La CCI devrait contribuer aux efforts de paix internationaux en ne laissant pas l'impunité aux criminels, mais aussi en exerçant une dissuasion sur les apprentis sorciers du génocide. Mais, faute d'une réelle volonté politique capable d'armer le bras de cette justice internationale, la CCI risque d'être une coquille vide, alourdie par les pesanteurs bureaucratiques de l'ONU et suspectée de partialité, dès lors qu'elle est sous le contrôle des grandes puissances.

Une énième institution internationale ?

Si la question de l'égalité des nations devant la CCI se pose d'emblée, la création de celle-ci répond néanmoins à une exigence universelle de justice toujours plus pressante, quand ce siècle fait le bilan de ses tragédies, du génocide resté impuni des Arméniens en 1915, au génocide rwandais, en passant par l'holocauste juif et le génocide cambodgien, dont l'auteur, Pol Pot, est décédé en avril de mort naturelle après une parodie de procès dans la jungle, ou encore la situation en Argentine, où l'ex-dictateur Videla est arrêté en juin, huit ans après avoir été pardonné, à celle du Chili, dont l'ex-dictateur Augusto Pinochet voit sa retraite perturbée par les procédures entamées à Londres en octobre par les justices européennes. La CCI ne doit pas décevoir cette exigence, au risque de passer pour une énième institution dont les professions de foi sont autant de vœux pieux. En attendant, les désaccords qui ont accompagné la naissance de la CCI montrent qu'une justice universelle n'est pas pour demain.

G. U.

Une justice internationale en quête de consensus

Le texte de compromis adopté à Rome attend d'être ratifié par les pays fondateurs. Les réserves apportées aux prérogatives du tribunal de 18 magistrats qui siégera à La Haye devraient garantir à celui-ci l'adhésion du plus grand nombre. Ces réserves concernent les crimes de guerre, lesquels constituent, avec le crime d'agression, le crime contre l'humanité et le crime de génocide, les quatre catégories des « crimes les plus graves ayant une portée internationale ». Pour les crimes de guerre, les États signataires pourront décider, pendant une période de sept ans, de la compétence de la CCI. Et si le procureur international peut ouvrir une enquête, le Conseil de sécurité pourra la bloquer pendant douze mois s'il s'y oppose.

Une Europe social-démocrate ?

Une conjonction politique et idéologique comme une conjoncture économique et sociale poussent certains à parler d'une Europe de gauche. En réalité, l'arc rose européen permet d'envisager toutes les nuances d'un réformisme plus ou moins affirmé.