Face à cette perte de souveraineté, l'État, qui a paru longtemps indifférent – en 1988, le groupe français Suez avait pris le contrôle de la vénérable Société générale de Belgique dans l'indifférence la plus totale –, a fini par réagir en renforçant la législation sur les prises de participation des firmes étrangères.

Il reste que cette prudence, bien compréhensible, ne peut constituer à elle seule une stratégie industrielle et, surtout, qu'elle est impuissante à masquer la faible taille ainsi que le manque de puissance de la majorité des entreprises belges. D'ailleurs, les capitaux étrangers peuvent être les bienvenus comme dans le cas des Forges de Clabecq, qui ont été finalement sauvées de la faillite par le groupe italo-suisse Duferco, moyennant, il est vrai, la suppression de la moitié des emplois.

P. F.

La Belgique, colonie française

Les Français sont désormais les premiers employeurs étrangers en Belgique, loin devant les Américains et les Néerlandais. Axa a acheté la compagnie d'assurance Royale belge et les AGF sont propriétaires d'Assubel. Saint-Gobain détient le verrier Saint-Roch et le Crédit local de France a épousé le Crédit communal de Belgique pour former le groupe franco-belge Dexia. Quant à Air-France, elle a pris une participation importante dans la compagnie aérienne Sabena... avant de la revendre à Swissair.

Le retour de Lebed

Élu gouverneur de l'immense région de Krasnoïarsk (Sibérie orientale) le 17 mai 1998, Aleksandr Lebed est à nouveau en course pour la prochaine élection présidentielle en Russie, prévue en l'an 2000.

La large victoire (56 % des voix contre 40 %) remportée par l'artisan de la paix en Tchétchénie sur son principal adversaire, le gouverneur sortant Valeri Zoubov, un « démocrate » ieltsinien soutenu par l'intelligentsia locale, a, pour de nombreux observateurs, valeur de test : limogé dans des conditions humiliantes par Boris Ieltsine en octobre 1996, le général protestataire dont la popularité s'est maintenue dans les sondages s'impose face à un homme du Kremlin. Ce sont les zones les plus durement touchées par la crise économique et sociale qui ont voté pour lui, tandis que son adversaire l'emportait sur le fil dans la capitale régionale, où sont concentrées les richesses.

Dans cette « Russie en miniature » qu'est la région de Krasnoïarsk se dessinent les lignes de force des prochaines épreuves électorales en Russie. Après sa victoire, cependant, A. Lebed a évité de se prononcer sur sa participation à l'élection présidentielle de 2000. Le général affiche des priorités réalistes : « remettre sur pieds » cette région exsangue, ce qui peut prendre « trois à cinq ans ».

Sa candidature à la présidentielle dépendra alors, dit-il, du bilan qu'il sera en mesure d'afficher et du soutien de ses administrés. Tel est précisément le « tournant » où l'attendent ses adversaires. Pour eux, l'exercice du pouvoir régional par cet « apprenti Pinochet » sera le moment de vérité où s'avérera l'écart criant entre ses promesses et ses douteuses capacités de gestionnaire, sonnant le glas des ambitions du démagogue qui s'est mis en tête de « sauver la nation ».

« Monsieur Propre »

Au reste, tout au long de la campagne, les partisans du gouverneur sortant n'ont pas lésiné sur les moyens censés discréditer son rival, dont les meetings attiraient des foules nombreuses dans toute la région : vrais clochards et faux nazis payés pour afficher un enthousiasme bruyant et dérisoire en faveur de la candidature de Lebed devant les caméras de télévision, insinuations antisémites et anti-tchétchènes à propos du soutien décisif accordé par le financier et homme de médias Boris Berezovski (d'origine juive) au général et de l'action de celui-ci au Caucase, etc. Peine perdue : dans le climat de dépression que connaît la région de Krasnoïarsk (comme tant d'autres parties excentrées de la Russie), Lebed a rassemblé sur son nom les votes des affligés et des mécontents – y compris parmi l'électorat communiste.

Au fil de sa campagne, le « Monsieur Propre » de la politique russe a fait, lui aussi, flèche de tout bois : outre l'épisode du voyage : éclair de l'acteur français Alain Delon venu apporter un soutien viril à son « ami », on relèvera les promesses d'investissements étrangers, escomptés sur les relations nouées par le général au fil de ses voyages en Allemagne, en France, au Japon et aux États-Unis.