Football
France 98 : succès sur tous les tableaux
La XVIe et dernière Coupe du monde de football du siècle a tenu ses promesses. La qualité du jeu et de l'ambiance, le suspense permanent, les nombreuses surprises ont enthousiasmé durant 33 jours 37 milliards de téléspectateurs. Couronnée par la victoire de l'équipe de France d'Aimé Jacquet, la cuvée 1998 du plus grand événement sportif du monde restera sans conteste l'une des plus emballantes.
À quelques semaines du coup d'envoi de la Coupe du monde, la France du football cachait mal son inquiétude. Le manque d'enthousiasme de la population ajouté aux médiocres matchs de préparation de l'équipe nationale alimentaient les doutes sur le succès de la compétition à venir. L'événement sportif du siècle allait-il faire un flop ? Les Français, emmenés par le très controversé Aimé [acquêt, seraient-ils capables de combler les attentes d'un public frustré après les non-qualifications aux Mondiaux 1990 et 1994 ?
Les premières rencontres, organisées à partir du 10 juin dans les stades de dix villes françaises (Saint-Denis, Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Lens, Toulouse, Bordeaux, Saint-Étienne, Nantes), dissipaient les craintes relatives à la qualité du jeu et à l'engouement des spectateurs. De l'avis général, cette Coupe du monde, élargie pour la première fois à 32 équipes (24 précédemment), a été d'un excellent niveau. Trois millions de personnes sont venues assister aux 64 matchs, et la France, longtemps frileuse, a vécu pendant un mois au rythme du football. D'autant plus que son équipe a écrit, certes parfois dans la douleur, l'une des plus belles pages du sport national.
Le triomphe de la sobriété
Vainqueurs de tous leurs matchs de poule (face à l'Afrique du Sud, à l'Arabie Saoudite et au Danemark), les Tricolores ont vite rassuré et confirmé leur statut de favoris, au même titre que le Brésil ou les Pays-Bas. Armés d'une solidarité sans faille et d'une défense quasiment imperméable, ils ont pourtant péché par la qualité de leur attaque : plus de la moitié des 15 buts marqués par les champions du monde l'ont été par des défenseurs ou des milieux de terrain. Au-delà de ces problèmes tactiques, l'équipe d'Aimé Jacquet, sélectionneur peu médiatique, sobre et travailleur, a séduit par son enthousiasme, sa volonté et son unité, qualités décisives lors de matchs à élimination directe extrêmement accrochés : face au Paraguay en huitièmes de finale (1-0, après le but en or inscrit dans les prolongations par Laurent Blanc), face à l'Italie lors d'un quart de finale conclu aux tirs au but, et enfin contre la Croatie, dominée 2-1 grâce à deux buts de Lilian Thuram, le pur défenseur.
Portée par son public et sa réussite, l'équipe de France abordait en toute sérénité la finale contre le Brésil, disputée dans le tout nouveau Stade de France de Saint-Denis, construit pour l'événement. Face à des champions du monde qui avaient tout à perdre, les Français ont su saisir leur chance. Méconnaissables, les Brésiliens ne leur ont opposé que peu de résistance.
Grâce à deux buts de la tête de Zinedine Zidane et au coup de grâce porté par Emmanuel Petit dans les arrêts de jeu, l'équipe de France entrait dans l'histoire en remportant, après trois demi-finales perdues (1958, 1982, 1986), sa première Coupe du monde et en devenant le septième pays à s'adjuger le précieux trophée.
La « France qui gagne »
Immédiatement, plus d'un million et demi de personnes envahissaient les Champs-Élysées, consacrant l'apothéose du phénomène Coupe du monde dans un pays jusque-là moins passionné de football que beaucoup de ses voisins européens. Le parcours des joueurs d'Aimé Jacquet provoquait une sorte d'union nationale teintée d'euphorie. Contrairement aux pronostics, les femmes (plus de 30 % des spectateurs) n'ont pas boudé le spectacle. Quelques semaines après la finale, les cotes de popularité des dirigeants politiques bénéficiaient encore de l'effet dynamisant de la victoire. L'équipe de France, forte de joueurs d'origines diverses, devenait le symbole d'un pays multiracial et intégrateur.
Déceptions et révélations
S'il est amplement mérité, le triomphe de la France n'en est pas moins la conséquence de la faillite d'autres favoris et, en premier lieu, du Brésil. Prétendant à un cinquième titre mondial, les joueurs « auriverde » ont déçu. Battus par les Norvégiens en match de poule (1-2), malmenés par le Danemark en quarts de finale (3-2), ils n'ont montré que quelques bribes de ce football joyeux et technique qui fait leur réputation. Écrasée par les sollicitations, usée à 21 ans à peine, victime d'un sérieux malaise quelques heures avant la finale, la star Ronaldo a été le symbole malheureux de cette équipe sous pression, laminée lors du match décisif par la fougue des Français.