Biologie

C'est en 1996 qu'aura véritablement commencé, en Europe, l'aventure commerciale des plantes transgéniques, ces variétés de grande culture dans lesquelles ont été greffés des gènes étrangers leur conférant de nouvelles caractéristiques agronomiques. Avec deux ans de retard sur les États-Unis – où la première espèce transgénique à usage alimentaire, une tomate modifiée de façon à mûrir moins vite, est sur le marché depuis 1994 –, ces plantes de nouvelle génération auront attendu cet automne-là pour débarquer dans les pays de l'Union, et y provoquer un débat houleux. La dispersion de ces végétaux dans l'environnement et leur utilisation alimentaire posent en effet un certain nombre de questions. Tandis que la réglementation européenne relative à la dissémination des organismes génétiquement modifiés (OGM), encore en rodage, se heurte aux divergences d'opinion des différents pays européens.

Faut-il freiner la commercialisation des plantes transgéniques ?

Faut-il, comme le réclament les écologistes, instaurer un moratoire sur leur dissémination en attendant que soient connus leurs dangers potentiels ? La plupart des scientifiques ne le pensent pas. À commencer par la Commission française du génie biomoléculaire (CGB), créée il y a dix ans par le ministère de l'Agriculture pour définir et contrôler les risques liés à l'utilisation des OGM dans les domaines agricole et alimentaire, et qui fait en cette matière, pour l'ensemble des pays de l'Union, figure de référence.

« Après dix années d'expérience, instaurer un moratoire aujourd'hui serait le meilleur moyen de ne pas répondre aux questions qui se posent encore », résume le président de la CGB, le très actif médecin-généticien Axel Kahn. Dix ans d'expérience, et non des moindres, puisque le développement des plantes transgéniques, dans ce même temps, a littéralement explosé. Depuis sa création, la CGB a ainsi étudié 376 dossiers, émanant de laboratoires publics ou privés, relatifs à des demandes d'expérimentation en champ de plantes transgéniques. Au total, elle a autorisé la culture expérimentale de quatorze espèces, le maïs et le colza ayant fait l'objet du plus grand nombre d'essais. La plupart de ces plantes de grande culture ont été manipulées pour devenir résistantes à un herbicide, ou encore pour produire leur propre insecticide afin de se défendre contre un ravageur.

Si la CGB a déjà examiné onze demandes d'autorisation de commercialisation de ces variétés manipulées, les États-Unis, quant à eux, ont déjà saute le pas. Depuis que la tomate mise au point par Calgène est arrivée sur les étals en 1994, une quinzaine de plantes transgéniques (colza, maïs, coton, pomme de terre, soja) ont reçu des instances américaines leur autorisation de mise sur le marché. Et, en novembre 1996, la première de ces plantes à être autorisée en Europe pour la consommation animale et humaine (autorisation accordée en avril 1996) a été débarquée, par tonnes, dans les ports européens d'Anvers, de Hambourg et de Rotterdam.

La plante par laquelle le scandale arrive ?

Un soja, manipulé par Monsanto pour résister à un herbicide d'usage courant. Son intérêt : permettre le désherbage des champs en pleine période de croissance, sans nuire à la culture et tout en réduisant l'épandage.

Les problèmes posés par ce soja sont de deux ordres. Le premier est la crainte que cette variété ne connaisse une dissémination incontrôlée, et qu'à cette occasion son gène de résistance soit transféré à d'autres plantes. Le scénario n'a rien d'invraisemblable : ainsi que l'ont montré plusieurs études récentes, des plants de colza génétiquement modifiés pour résister à un herbicide sont capables, en quelques générations, de transférer leur résistance à des variétés sauvages apparentées. Dans le cas du soja, cette hypothèse semble toutefois bien théorique. Cette plante, en effet, n'est actuellement pas cultivée en Europe. Et le serait-elle demain qu'elle ne pourrait y passer l'hiver, ce qui exclut le risque de voir sa dispersion se propager au-delà d'une saison.