Le combat perdu des salariés de l'Épée a ému toute la région. Fondée en 1839, à Sainte-Suzanne, près de Montbéliard (Doubs), la Manufacture de l'Épée était la dernière usine française d'horlogerie de luxe. Depuis 1975, le nombre de salariés est passé de 600 à 64. Le bilan est déposé en janvier. L'usine, fermée, est occupée, puis évacuée. Comme pour les « Lip » il y a dix ans, « l'Épée, c'est fini ».

Île-de-France

La restructuration des industries de la défense touche l'Île-de-France : sur 204 000 personnes employées dans ce secteur en France, plus de 70 000 le sont dans la Région, et le chiffre monte à 120 000 si on prend en compte les sous-traitants. Deux zones sont particulièrement touchées, l'une au nord de Paris (Saint-Denis, Saint-Ouen, Nanterre), l'autre dans le nord de l'Essonne (Massy, Les Ulis, Évry). 35 millions de fonds européens seront versés aux entreprises devant engager une diversification de leurs activités dans ce contexte (programme Konver). De nombreuses villes franciliennes vont perdre leurs régiments, que ceux-ci soient dissous ou déplacés (Maisons-Laffitte, Beynes, Saint-Germain-en-Laye...).

Le budget de la Région, défendu par Michel Giraud, a été voté par les élus RPR, UDF, écologistes et non-inscrits. La fiscalité directe augmente de 15,6 % en 1996. Les écologistes, sans lesquels il n'est point de majorité, ont obtenu une hausse de 9,03 % de la taxe sur les cartes grises. On compte obtenir 80 millions de recettes supplémentaires, qui seront employées à améliorer la sécurité dans une vingtaine de lycées, à réaliser des pistes cyclables, à lutter contre la pollution de l'air et à réduire le prix de la carte orange pour les jeunes exclus.

Avec 19 % de la population française, la Région représente 23,2 % du revenu disponible brut national (RDB). Avec 103 600 F par habitant par an, le revenu francilien est supérieur de 30 % à celui des provinciaux. Les Franciliens versent le tiers de la masse des impôts collectés en France métropolitaine : leur Région est « au cœur du processus de redistribution de la richesse en direction des Régions moins favorisées », note l'INSEE.

Le solde migratoire n'est positif en Île-de-France que pour les populations jeunes de moins de trente ans. Chaque année, la Région en accueille 45 000, en provenance des provinces (71 %), de l'étranger (25 %) et des DOM-TOM (4 %).

Les élus et la préfecture de la Région manifestent une certaine inquiétude face à la politique de rééquilibrage, trop systématique à leurs yeux, menée par la DATAR, en faveur de la province. L'Île-de-France craint de se voir imposer, au nom de la solidarité interrégionale, une trop sévère limitation de sa croissance. Déjà en novembre 1995, Michel Giraud s'engageait à « demander à la DATAR d'arrêter toute aide à la désindustrialisation de la Région », suivi par Édouard Balladur : « Les délocalisations sont inacceptables si elles privent la Région de ses pôles de recherche et de ses entreprises industrielles. »

L'image d'une Région-capitale vampirisant le reste du pays est dépassée. Depuis le début de la décennie, 40 % des emplois perdus dans le pays l'ont été en Île-de-France ; où, dans le même temps, le nombre de bénéficiaires du RMI a augmenté de 25 %.

Pour accroître leur productivité d'ensemble, les grandes entreprises n'épargnent plus leurs sièges sociaux, dont les effectifs diminuent à Paris et en proche banlieue. On délocalise les activités de type « back office » (comptabilité, informatique, gestion du personnel) sur les sites de production. Ainsi Peugeot transfère son centre de traitement informatique du siège parisien à l'usine de Poissy (Yvelines).

Les grèves de décembre 1995 avaient donné aux automobilistes l'occasion de partager une voiture pour se rendre au travail : l'idée de covoiturage faisait son chemin. Malgré quelques initiatives ponctuelles, les collectivités locales n'y croient plus. Pourtant, la toute nouvelle autoroute – à péage – entre Orgeval et la Défense est gratuite pour les véhicules ayant au moins trois passagers à bord.

Languedoc-Roussillon

La grande débandade de l'emploi continue dans une Région qui détient toujours le record national du chômage : 16,1 % de la population active au début de 1996. Concurrencée par les fabricants italiens, espagnols et asiatiques, l'industrie de la chaussure, qui a fait les belles heures de la région de Limoux, opère une sévère mutation : en quinze ans, les effectifs de Myrys et de La Chausséria sont passés de 2 000 à 450, et ce n'est pas fini. Toujours à Limoux, Formica s'apprête à supprimer des emplois. La COGEMA va bientôt fermer son usine de Lodève (Hérault) et son usine de retraitement de Marcoule (Gard). Pourtant, on continue, parallèlement, à créer des emplois : grâce au plan Diamant, qui accompagne le retrait d'IBM et dont profitent une centaine de PMI ; grâce à la COGEMA, qui va construire sur son site de Marcoule un bâtiment d'entreposage de déchets radioactifs ; grâce à de grands chantiers, enfin, comme la pose du gazoduc de Saint-Martin-de-Crau à Lias pour acheminer le gaz d'Algérie, ou l'aménagement du TGV-Méditerranée, en attendant celui du TGV catalan vers Perpignan.