Politique économique : enfin la reprise !

Le taux de chômage baisse ! À elle seule, cette nouvelle, constatée en juin et juillet, a éclipsé toutes les autres sur le front économique et social. Certes, le taux de chômage était de nouveau légèrement en hausse dès août ; certes, les emplois créés – plus de 90 000 au premier semestre, selon l'INSEE – sont fragiles : beaucoup de CDD (contrats à durée déterminée), beaucoup d'intérim ; certes, le chômage de longue durée, bonne mesure des problèmes d'exclusion, a continué à progresser ; mais, pour l'opinion, la baisse du taux de chômage est apparue comme la première « vraie » éclaircie sur le terrain économique depuis quatre ans. Les Français n'ont donc pas boudé ce plaisir et ont porté Édouard Balladur aux nues dans les sondages : 63 % d'opinions favorables en septembre, avant que n'éclatent les « affaires »...

Pour le Premier ministre, l'année 1994 avait pourtant mal commencé. Caricaturé en « grand hypnotiseur », l'auteur du Dictionnaire de la réforme semblait se contenter de bercer les Français de mots (« Le pire est derrière nous »), de symboles (les ministres convoqués pour travailler un dimanche) et de bons conseils (« consommez »). Dès qu'un conflit apparaissait, il se hâtait de le désamorcer au plus vite, souvent au prix de reculades parfois peu glorieuses : l'école publique en janvier, les marins pêcheurs en février et le contrat d'insertion professionnelle en mars.

Pourtant, il est un terrain sur lequel le gouvernement Balladur a fait preuve d'une certaine audace en 1993-1994 : le terrain budgétaire. En retardant la réduction du déficit, il a favorisé le redémarrage de l'économie, au risque d'alourdir la dette publique. Curieux retournement de situation : fin 1993, on reprochait à ce gouvernement d'être trop timide ; fin 1994, au contraire, on le critiquait pour ses imprudences !

Un redémarrage poussif

L'économie française a repris pendant le premier semestre en hoquetant comme une vieille auto. Les bons indices ont alterné avec les mauvais, jusqu'à ce que les premiers l'emportent. La reprise a d'abord été tirée par l'arrêt du stockage par les entreprises et par l'envolée des exportations, attisées par le retour de la croissance dans la plupart des pays. Mais les moteurs les plus solides de la croissance – la consommation et l'investissement – ont tardé à prendre le relais. L'investissement a simplement cessé de chuter en France. Quant à la consommation, principal moteur de toute reprise économique, elle a frémi au premier semestre (+ 0,5 %), mais au prix d'un petit dopage, celui de la « prime Balladur ». L'État, au début de l'année, s'est engagé à verser 5 000 francs pour tout automobiliste qui « troquerait sa vieille voiture âgée de plus de dix ans contre une neuve ». Cette prime aurait pu n'être qu'un gadget, elle a finalement été l'une des réussites les plus tangibles du gouvernement. Pendant les neuf premiers mois de l'année, sur les 1,2 million de voitures vendues en France, 200 000 seraient dues à la prime Balladur. Cette mesure n'a rien coûté au gouvernement puisqu'elle a été plus que proportionnellement compensée par les recettes de TVA induites ! Et le soufflé n'est pas retombé : au second semestre, la consommation s'est finalement raffermie, y compris dans le secteur automobile. Sur l'ensemble de l'année, la croissance a dépassé 2,3 %, et elle pourrait atteindre 3,5 % en 1995.

Équilibrisme budgétaire

Depuis leur arrivée à Matignon, Édouard Balladur et son ministre du Budget Nicolas Sarkozy n'ont cessé de répéter qu'ils réduiraient progressivement le déficit : de 320 milliards en 1992, celui-ci passerait à 301 milliards en 1994, puis à 275 milliards en 1995. « Nous ne devons pas nous détourner de cette voie, faute de quoi notre monnaie en souffrirait », expliquait Édouard Balladur. Sur le papier, ces objectifs ont été respectés au centime près. Pourtant, le Premier ministre n'a pas réussi à conserver intacte son image de gardien vigilant des finances publiques. Depuis l'été 1993, le gouvernement n'a, en effet, pas lésiné sur les mesures de soutien à l'économie. Pour ne pas aggraver la crise, il a choisi de ne pas compenser la baisse des recettes fiscales liée à la récession par des coupes claires dans le budget. Il s'est simplement débrouillé pour que ces dépenses ou ces réductions d'impôts n'apparaissent pas d'un point de vue comptable dans la colonne « déficit », ce qui lui a permis de tenir ses objectifs. En poursuivant la suppression du décalage de un mois du remboursement de la TVA, le gouvernement a fait un cadeau de plusieurs milliards de francs aux entreprises, cadeau qui n'apparaît pas dans le déficit budgétaire. Surtout, il a continué à puiser allègrement dans la cagnotte des privatisations, pour financer, notamment, des dépenses courantes. Depuis l'arrivée d'Édouard Balladur à Matignon, l'État a vendu pour 100 milliards de francs d'actifs publics, et il s'est donné comme objectif d'en céder encore pour 55 milliards de francs en 1995.