Océanie
De multiples rencontres ont consolidé les relations entre les États riverains du Pacifique et dégagé de nouvelles perspectives de coopération. L'arrêt prolongé des expériences nucléaires françaises a amorcé une détente, mais a aussi modifié l'équilibre des ressources et des rapports de force politiques. La libéralisation de l'économie, entreprise depuis une décennie, porte maintenant ses fruits en Australie et en Nouvelle-Zélande ; en revanche, la situation des petits États insulaires ne s'améliore pas.
La défense et la promotion de l'espace pacifique ont suscité un véritable activisme en 1994. Soutenant le principe d'une « diplomatie préventive », l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, réunie à Bangkok, examine les mesures de sécurité collective à prendre pour tenir compte du repli militaire des États-Unis. Les experts de l'Asia-Pacific Economic Cooperation proposent, à Djakarta, de parvenir en 15 ans à la libéralisation totale des échanges entre l'Asie et le Pacifique. À Brisbane, les débats du 25e Forum du Pacifique portent aussi sur les moyens d'accroître les exportations. Toujours soucieux de l'environnement, le Forum s'engage dans une nouvelle campagne. L'exploitation prédatrice des forêts par les Malais, les techniques de pêche industrielle des Japonais et des Coréens comme le projet de dépôt de déchets nucléaires américains dans les îles Marshall sont directement visés.
La poursuite du moratoire nucléaire a provoqué un retournement d'opinion en faveur de la France. La participation des Premiers ministres d'Australie et de Nouvelle-Zélande, Paul Keating et Jim Bolger, aux fêtes commémoratives du débarquement de Normandie comme le voyage de Dominique Perben, ministre des DOM-TOM, en Océanie donnent le signal d'une nouvelle coopération. Cependant, la suspension des essais nucléaires pose un redoutable problème de reconversion à la Polynésie française. Pour compenser la perte des revenus dispensés par la défense nationale, un contrat de développement s'étendant sur deux périodes de 5 ans est adopté et mis en application en mai. Une réforme fiscale est aussi en cours, mais reste très controversée. L'arrêt des expériences nucléaires et le nouveau crédit accordé à la France ont privé le mouvement de libération de la Nouvelle-Calédonie de ses soutiens habituels : le FLNKS n'est pas invité à la cérémonie d'ouverture du Forum du Pacifique et les perspectives d'indépendance ne sont pas évoquées en séance plénière. Le Premier ministre australien estime désormais que « l'évolution de la Nouvelle-Calédonie est un processus de longue haleine ».
La libéralisation économique aboutit à des résultats probants en Australie et en Nouvelle-Zélande, qui ont renoué avec la croissance (2,8 et 3,1 %) en maîtrisant l'inflation (2,2 et 1,3 %). Ces résultats ont été possibles, au prix d'une douloureuse remise en cause des systèmes de protection sociale – notamment en Nouvelle-Zélande, où l'avenir politique s'avère incertain pour le Parti conservateur, au pouvoir, comme pour son adversaire travailliste – et d'un fort taux de chômage (près de 10 % en Australie, ce qui constitue une tache dans le bilan du gouvernement travailliste). En accentuant la pénétration de ses vins en Europe, en renonçant aux appellations d'origine illégales, en investissant dans les mines de cuivre ou d'or, en édifiant bénévolement un pont sur le Mékong, entre le Laos et la Thaïlande, l'Australie multiplie les initiatives extérieures tout en s'ouvrant aux entreprises étrangères. Au contraire, les petits États du Pacifique, dépourvus de moyens, doivent encore parfaire leur unité et éviter le pillage de leurs ressources nationales. Au Vanuatu, le gouvernement du francophone Maxime Carlot se heurte à l'hostilité des missions étrangères et des expatriés anglo-saxons. Pour reprendre l'exploitation du cuivre dans l'île de Bougainville. Julius Chan, le nouveau Premier ministre de Papouasie-Nouvelle-Guinée, a dû renoncer à l'intervention militaire et proposer une conférence de paix aux insurgés locaux. Au Kiribati, le président Teatao Teannaki a été destitué pour malversations et son successeur a gouverné seulement 2 jours. On s'interrogerait sur l'avenir de Palau, indépendant depuis le 1er octobre, s'il n'était assuré par l'aide américaine.
Georges Grelou