Asie du Sud-Est
Birmanie
Une scène de quelques secondes diffusée aux actualités de la télévision d'État, le 20 septembre, résume la principale évolution du régime des généraux au cours de cette année 1994. Mme Aung San Suu Kyi, chef de file de l'opposition démocratique, que les militaires ont maintenue en résidence surveillée depuis plus de cinq ans, était présentée dans une salle de réception du gouvernement, élégamment vêtue, s'entretenant avec les deux principaux dirigeants, le général Than Shwe, chef de la junte, et son premier secrétaire, le lieutenant général Khin Nyunt. Le 28 octobre, une seconde entrevue du même type a de nouveau réuni les dirigeants birmans et l'inspiratrice du mouvement démocratique. Le principe même de cette rencontre constitue un fait nouveau. Depuis le coup d'État militaire de septembre 1988, les représentants du SLORC (nom de l'organisation militaire qui dirige le pays) n'avaient pas même daigné dialoguer avec Aung San Suu Kyi, qui a remporté les élections de 1990 à la tête de sa Ligue nationale pour la Démocratie, sans jamais pouvoir exercer son mandat.
Assouplissement
Plusieurs éléments expliquent ce léger assouplissement du régime birman. Les généraux ressentent désormais sévèrement le poids de leur isolement politique et économique, et la nécessité de s'ouvrir au monde extérieur. Lors du sommet annuel de l'ASEAN (Association des États d'Asie du Sud-Est, dont la Birmanie n'est pas membre mais à laquelle elle participe en tant qu'observateur), au mois de juillet, le Premier ministre thaïlandais, Chuan Leepkai, a expliqué clairement à son homologue birman que la communauté internationale ne croirait pas à un changement à Rangoon tant que Mme Aung, symbole vivant de la démocratie birmane, ne bénéficierait pas d'un meilleur traitement. Même les voisins les mieux disposés à l'égard de la junte se sont plaints du faible retour sur investissements qu'ils enregistrent en Birmanie en raison de l'embargo imposé par les puissances occidentales pour forcer l'évolution du régime. Les investissements étrangers se sont limités à 326 millions de dollars cette année et la croissance de 5,8 % est trop faible par rapport aux besoins du pays. Les infrastructures portuaires et routières du pays nécessitent une sérieuse modernisation pour attirer les investisseurs et ces travaux de grande envergure ne peuvent être réalisés qu'avec des prêts des organismes internationaux (Banque mondiale), dont la Birmanie est actuellement privée. Les dirigeants birmans commencent également à comprendre les effets néfastes de leur isolement. Enfin, les généraux de Rangoon semblent percevoir le danger de leurs liens très étroits et quasi exclusifs avec la Chine communiste et veulent diversifier leurs échanges.
Fondamentalement, le régime birman ne change donc pas de nature, mais il est forcé d'évoluer vers l'ouverture.
Viêt Nam
La levée de l'embargo économique américain, le 3 février, après plus de trente ans de mise au ban du régime vietnamien, a ouvert d'importantes perspectives économiques pour ce pays de 70 millions d'habitants. À l'automne, le bilan des implantations étrangères restait cependant mitigé. Si la plupart des pays asiatiques ont poursuivi leur politique de délocalisation au Viêt Nam en raison du faible coût de la main-d'œuvre (Taïwan, Japon, Singapour, Corée du Sud), la France et l'Australie accru leur intérêt pour le pays, les autres Occidentaux en général, et notamment les Américains, sont restés très timides.
La réforme économique se fait néanmoins sentir sur les résultats de l'économie, en nette amélioration. La Banque mondiale a accordé quatre prêts depuis la reprise de ses activités sur le Viêt Nam en novembre 1993. Ces derniers sont surtout destinés aux secteurs de l'éducation, des transports et de l'agriculture. D'après la banque centrale, le PNB devrait progresser de plus de 8 % cette année et les exportations atteindre 3,5 milliards de dollars en 1994. L'inflation a été maîtrisée, passant de 17 % en 1992 à 5,2 % fin 1993. La progressive libéralisation économique a favorisé la multiplication des commerces depuis le vote des lois restaurant les entreprises privées en avril 1991. Actuellement, 90 % environ du revenu des campagnes, 70 % du commerce intérieur et 60 % des transports sont assurés par des privés.