Moyen-Orient : le retour de Saddam Hussein
L'Irak, qui est entré dans sa quatrième année d'embargo, en ressent chaque jour davantage les effets. L'inflation est galopante et l'exécution « pour l'exemple » de quelques « profiteurs » n'améliore en rien la situation des Irakiens. En mai, le président Saddam Hussein a limogé son Premier ministre Ahmed Hussein El Khodair, accusé de mauvaise gestion, et a lui-même pris la tête du gouvernement. Cependant, les appels à la levée des sanctions, reconduites tous les deux mois par le Conseil de sécurité, se multiplient. Ils émanent notamment de trois voisins de l'Irak, la Turquie, la Jordanie et l'Iran, dont les économies souffrent aussi de cet embargo. Au sein du Conseil de sécurité, la France, la Chine et la Russie se sont montrées au fil des mois de plus en plus sensibles à ces appels, d'autant que, selon le rapporteur de la commission spéciale de l'ONU sur les armes de destruction massive, l'Irak a montré un esprit de coopération nouveau depuis le début de l'année. La Grande-Bretagne, les États-Unis, l'Arabie Saoudite et le Koweït se sont en revanche montrés farouchement opposés à une levée, même partielle, des sanctions. De toute façon, un point fait l'unanimité au Conseil : il ne saurait y avoir de levée de l'embargo tant que l'Irak ne reconnaîtra pas la souveraineté du Koweït dans ses frontières internationalement délimitées, ce que Bagdad s'est jusqu'à présent refusé à faire. C'est alors que, le 7 octobre, les Américains révèlent l'arrivée de plusieurs divisions blindées de la Garde républicaine à proximité de la zone démilitarisée qui borde les 207 kilomètres de la frontière irako-koweïtienne. Sans tarder, le président Bill Clinton décide de dépêcher au Koweït 36 000 soldats appuyés par des avions de chasse et des bombardiers. Le Conseil de sécurité, de son côté, approuve à l'unanimité le 15 octobre la résolution 949 qui demande le retrait des forces irakiennes sur leurs positions antérieures à la crise. Le gouvernement de Bagdad s'incline et accepte même verbalement de reconnaître la souveraineté du Koweït, mais le Parlement, réuni à cet effet le 17 octobre, s'est séparé sans prendre de décision. Après le redéploiement plus au nord des forces irakiennes, compte tenu de la baisse de tension, les États-Unis ont renoncé à envoyer dans le Golfe 17 000 marines ainsi que la plupart des bombardiers prévus. À la suite d'une médiation russe, le parlement italien décide finalement le 10 novembre de reconnaître la souveraineté du Koweït. Malgré cela, les Américains refusent d'accepter la levée de l'embargo, exigeant au préalable une démocratisation du régime irakien et l'acceptation par lui d'un contrôle international sur son armement. Français et Russes critiquent cette intransigeance américaine.
En Arabie Saoudite, le roi Fahd a inauguré le 29 décembre 1993 le Majlis Al Choura (conseil consultatif) institué en mars 1992, mais dont les membres n'avaient pas été désignés avant août 1993. Ce conseil, qui n'est pas un Parlement, n'a pas de pouvoir législatif, et ses délibérations se tiennent à huis clos, mais le roi a promis qu'il tiendrait compte de ses avis. La modernisation administrative du pays s'est poursuivie avec la mise en place en avril de 103 régions administratives.
Depuis plusieurs années, tout comme dans les pays voisins, les antennes paraboliques permettant de capter les télévisions étrangères ont fleuri sur les toits des maisons, ce qui n'a pas manqué de provoquer l'inquiétude des mouttawas, les redoutables membres de la police religieuse. C'est donc afin de « préserver les valeurs » religieuses et sociales que le gouvernement a décidé d'interdire au mois de mars ces antennes paraboliques.
Le conservatisme de la société saoudienne n'explique pas tout. Le pouvoir est désormais confronté à une contestation religieuse qui prend une tournure politique nouvelle en Arabie Saoudite. Après avoir purgé six mois de prison, Mohammed Al Massaari, un ancien professeur de physique à la tête d'un groupe de dissidents sunnites, a réussi à quitter clandestinement le pays pour diriger son mouvement de Londres. Ce mouvement, le Comité pour la défense des droits légitimes, rassemble un certain nombre d'universitaires sunnites qui demandent plus de liberté dans leur pays. Les multiples arrestations qui ont eu lieu dans ces milieux au fil des mois ne semblent pas avoir entamé leur activisme. Une contestation plus radicale inquiète aussi le régime. C'est ainsi qu'en septembre la police a arrêté un prédicateur dissident. Cheikh Salman Aoudah, et une centaine de ses disciples. Cheikh Aoudah reprochait aux autorités de ne pas appliquer la loi islamique de façon suffisamment stricte en Arabie Saoudite. Dans le même temps, un mouvement inconnu, les « Bataillons de la foi », menaçait de s'en prendre aux étrangers, notamment aux Américains, si Cheikh Aoudah n'était pas immédiatement relâché. Le Conseil des oulémas d'Arabie Saoudite était appelé à la rescousse pour condamner toute diffusion par la presse des points de vue de l'opposition islamique. C'est dans ce contexte que le roi a mis en place, en octobre, un Conseil des affaires islamiques, présidé par son frère le prince Sultan, tandis que les médias du royaume s'appliquaient à démentir les rumeurs persistantes sur le mauvais état de santé du roi Fahd, opéré d'un calcul biliaire au mois de mai.