Dans un style architectural très différent, la Fondation Cartier avait confié à Jean Nouvel la construction d'un immeuble sur le boulevard Raspail, à l'emplacement même de l'ancien Centre américain. Chaque édifice de cet architecte se voulant comme un nouveau manifeste, ici le « concept » mis en avant tient en un seul mot : transparence. Une transparence obtenue par de grands panneaux de verre qui vont jusqu'à déborder du bâtiment lui-même. Du coup, le nouveau Centre américain s'est installé à Bercy. Il est l'œuvre de Franck Gehry, architecte américain de grand talent, qui propose un édifice très chahuté dans ses formes, fruit d'une longue (et parfois controversée) réflexion sur le contextualisme, c'est-à-dire l'insertion du bâtiment dans son environnement culturel.
S'est également ouverte, grâce au patient travail de Paul Chemetov et Borja Huidobro. la Galerie du Muséum d'histoire naturelle, qui déploie un espace où les animaux sont enfin visibles. Non loin de là. sous le viaduc de Reuilly, l'architecte Patrick Berger a redessiné toute la ligne murale des nouvelles échoppes. L'ensemble est élégamment traité en brique et bois.
Grand Stade
Entre les deux projets de Grand Stade présentés par les équipes Macary-Zublena et Nouvel-Cattini, Édouard Balladur a finalement opté pour le premier, lequel a également contenté l'institution sportive. Parmi les raisons invoquées pour un tel choix, il faut principalement retenir le coût financier raisonnable, le pari technique maîtrisé et une meilleure insertion dans le tissu urbain.
Architecture, ville, design
Grâce à plusieurs expositions organisées par le Centre Georges-Pompidou, l'histoire de personnalités et de courants un peu oubliés ou mal connus, mais qui ont marqué le xxe siècle, a pu être retracée. Les admirateurs de Pierre Chareau ont été les premiers à redécouvrir les œuvres de cet architecte de l'entre-deux-guerres, designer avant l'heure. Outre la fameuse Maison de verre (Paris), quelques projets de maisons américaines, de très originales architectures d'intérieur, des mobiliers en bois de belle tournure et divers objets du quotidien ont été présentés au public, lequel peut également découvrir un groupe d'architectes anglais dénommé Archigram, qui fit irruption sur la scène architecturale internationale dans les années 1960. Ce groupe a produit de très nombreux dessins d'une grande imagination, parfois fantaisistes, à l'instar de cette ville qui marche de Ron Herron (Walking City), ou bien encore de ces mégastructures proliférantes, « ville-branchement » ou « ville-ordinateur ». Il faut tout de même rappeler que ces architectes n'ont jamais construit.
Mais le « clou » de l'année à Beaubourg a été la très vaste exposition sur « la ville », laquelle a regroupé un ensemble d'environ 700 dessins originaux d'architecture, d'urbanisme, ainsi que des tableaux ayant trait au sujet de la ville. Le lieu a été aménagé comme une immense galerie tout en longueur et barrée par des voiles fins et transparents. Pour les commissaires de l'exposition, le but était de rassembler des œuvres très différentes dans leur genre : projets réalistes ou réalisés, utopiques, fantasmes plus ou moins débridés. Si le retentissement international a été important, le débat en France, par contre, s'est développé autour de la problématique générale et du dispositif scénologique, jugés souvent très décevants. Pour les uns, la démonstration sous-tendue par ce dispositif était conduite par une vue pessimiste des missions de l'architecte, historiquement marqué par la vision d'un ordre à établir. Pour d'autres, la ville ainsi présentée n'est plus ce processus complexe, économique, social, technique mis en œuvre au cours des siècles, mais plutôt une œuvre-collage, une stratification de multiples couches, la structure feuilletée du temps.
Accueillant l'Italie, Beaubourg a enfin présenté l'architecte et designer Ettore Sottsass, qui a marqué une génération entière depuis ses premières œuvres au Radical Design jusqu'au groupe Memphis.
Charles Moore
Avec le décès de Charles Moore, né en 1926, c'est l'un des premiers postmodernes américains qui disparaît. Outre de nombreuses réalisations, il aura produit une réflexion très subtile sur le sens de l'habitation en rapport avec le corps humain, lequel devait être pour lui le vrai centre des préoccupations architecturales.
Manfredo Tafuri
Disparu cette année, le critique d'architecture italien Manfredo Tafuri fut connu à travers le monde par des positions très affirmées contre les excès du mouvement moderne et de ses avant-gardes. D'inspiration marxiste, il analysait l'architecture comme une production idéologique spécifique.
Renaissance
À Venise, la somptueuse exposition d'un ensemble de maquettes de la Renaissance italienne a connu un triomphe international. Autour de ces maquettes ont été également rassemblées des collections de dessins, peintures, manuscrits, médailles, sculptures et instruments de musique permettant de mieux situer la réalité de l'architecture dans les processus sociaux.
Catalogue de l'Exposition sur la ville, Centre Georges Pompidou, 1994.
Marc Perelman, Construction du corps/Fabrique de l'architecture, Éditions de la Passion, 1994.
Marc Perelman