Architecture

Tandis que l'on republiait fort opportunément l'Histoire des vandalismes de Louis Réau (enrichie par un panorama des « massacres » architecturaux de ces 35 dernières années – collection « Bouquins », aux éditions Robert Laffont), 1994 faisait alterner le pire et, sinon le meilleur, du moins le nouveau.

Le pire, c'est la continuation des terribles destructions en ex-Yougoslavie, que l'architecte et ancien maire de Belgrade Bogdan Bogdanovic qualifie d'« urbicide ritualisé ».

Le nouveau, du moins en France, ce sont peut-être ces « cathédrales profanes » que sont les gares d'Euralille, Lyon Satolas et Roissy. Dans le Nord, l'aménagement d'une vaste zone économique et commerciale fait d'Euralille un des plus vastes projets d'Europe. Les architectes les plus cotés y ont participé, comme Jean-Marie Duthilleul pour la gare TGV elle-même, le Néerlandais Rem Koolhaas pour le centre de conférences, Jean Nouvel pour le centre commercial, Christian de Portzamparc pour la tour du Crédit Lyonnais et Claude Vasconi pour le World Trade Center. À Lyon, beaucoup sont séduits par les deux immenses ailes d'oiseau reliant la gare TGV à l'aéroport et saluent le talent de l'Espagnol Santiago Calatrava, adepte de l'architecture organiciste. À Roissy, également, on a fait dans la métaphore animale, mais, là, il s'agit davantage d'un insecte que d'un oiseau. Les deux architectes polytechniciens Paul Andreu et Jean-Marie Duthilleul (associés à l'ingénieur britannique Peter Rice) ont su maîtriser les tendances actuelles au gigantisme pour réaliser un ensemble élégant, lisible et où le voyageur peut se repérer. Dominé par un grand hôtel en forme de paquebot, le complexe, très aéré, se caractérise par sa luminosité et sa rigueur de forme très « française ».

Le nouveau, c'est aussi un certain nombre de réalisations phares et d'expositions qui, pour le meilleur ou pour le pire, tentent de lier la tradition à l'avenir des formes, de l'architecture et de l'urbanisme.

Pritzker Architecture Prize

D'un montant de 100 000 dollars, ce prix, considéré depuis sa création en 1979 comme le Nobel de l'architecture, auquel 500 candidats ont concouru, a été attribué, cette année, à Christian de Portzamparc, 50 ans, pour l'ensemble de son oeuvre, rendant ainsi hommage à « la grande tradition architecturale française, et plus particulièrement à Le Corbusier qui a marqué l'architecture de son sceau ». Parmi les réalisations de Portzamparc, on citera : la Cité de la musique (parc de la Villette), l'école de danse de Nanterre, l'extension du musée Bourdelle (Montparnasse), le Café Beaubourg, le Conservatoire municipal de musique Erik-Satie ou un ensemble de logements, à Fukuoha, au Japon.

Annulation du concours « balise de survie »

À l'initiative de la société Butagaz, un concours d'architecture pour les sans-abri, appelé « balise de survie », a été lancé à partir d'une réflexion initiée par l'École spéciale d'architecture sous la houlette de Paul Virilio. Si de très nombreuses réponses ont été proposées par de jeunes équipes d'architectes fortement mobilisés par l'aspect social du programme, une violente polémique a opposé partisans et adversaires du projet. Car, pour s'en tenir à ces derniers, qui ont été entendus, il était indécent de fabriquer des boîtes au confort si minimal, alors qu'à Paris, par exemple, on ne compte plus les logements ou bureaux vides. Devant le tollé quasi général, le concours a été annulé.

Fins de chantiers

Les architectes Bruno et Henri Gaudin ont achevé le nouveau stade Charléty situé au sud de Paris. Considéré par la plupart des critiques comme d'un dessin original et d'une belle facture quant aux éléments structurels, fins et élancés, le stade peut aujourd'hui accueillir quelque 20 000 spectateurs. Le projet a reçu l'Équerre d'argent.

L'ouverture concomitante de l'aile Richelieu et des galeries du Carrousel à partir des propositions des architectes Ieoh Ming Pei, Michel Macary et Jean-Michel Wilmotte tente de maintenir un certain classicisme dans l'art de l'exposition de la peinture et de la sculpture. Un classicisme qui ne répugne pas toutefois à utiliser des techniques plus modernes, en particulier dans la maîtrise de la lumière artificielle, et des couleurs voyantes comme des verts un peu crus pour les cimaises.