L'exemple est donc donné, et il faut s'attendre à trouver sur le marché, dans les années à venir, un nombre croissant de ces produits issus de la manipulation du vivant. Quel impact ces variétés, animales ou végétales, auront-elles sur l'environnement ? La question a été clairement posée par la fondation d'entreprise Limagrain, qui a lancé en 1993, à l'échelle européenne, un appel d'offre visant à encourager une recherche portant sur « l'évaluation des risques liés à l'emploi du génie génétique en agriculture ». Le projet finalement retenu ? Il émane de deux laboratoires français de l'INRA (Institut national de la recherche agronomique), qui se voient ainsi octroyer pour deux ans un financement de 490 000 francs. L'objet de leur recherche : étudier comment se comportent les insectes pollinisateurs vis-à-vis d'une plante de grande culture, cette dernière (en l'occurrence, du colza) ayant été génétiquement modifiée pour résister aux insectes nuisibles.
Virus de mouche
On croyait les invertébrés dépourvus de rétrovirus, cette famille d'agents infectieux à laquelle appartient, entre autres, le redoutable virus du sida. Du moins jusqu'à ce qu'une équipe française du CNRS, travaillant à Gif-sur-Yvette et spécialisée dans la génétique de la drosophile, vienne bousculer les idées reçues. Chez certains mutants de cette mouche du vinaigre, les chercheurs ont en effet isolé un gène au comportement très proche de celui des rétrovirus et qui, transmis par contact et par voie digestive, est susceptible d'entraîner la mort. Reste à comprendre l'origine de ce type de gènes, si leur découverte se multiplie. Selon les chercheurs, ils pourraient témoigner d'une infection virale survenue à l'aube de révolution de la drosophile, infection qui, depuis lors, serait réprimée chez la mouche saine grâce à un mécanisme de blocage génétique.
La biodiversité en question
Signée en juin 1992 par 160 pays à l'issue de la conférence de Rio sur l'environnement, la convention sur la biodiversité, qui vise à réglementer l'appropriation par l'homme des ressources vivantes, est officiellement entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Il était donc temps, et bien temps, de se demander quel rôle jouait, au plan écologique, la diversité des êtres vivants. Après de minutieuses études, un début de réponse vient d'être fourni par une équipe de biologistes britanniques de l'Impérial Collège d'Ascot. À l'aide d'un système expérimental baptisé Ecotron, dans lequel tous les paramètres physiques et biotiques peuvent être contrôlés, les chercheurs ont reproduit à petite échelle 14 écosystèmes représentatifs des régions tempérées, dans lesquels cohabitaient un nombre plus ou moins élevé d'espèces vivantes. Après avoir déterminé le degré d'activité de ces « microcosmes » (quantité de gaz carbonique rejetée, décomposition de la matière organique, productivité végétale...), ces spécialistes sont formels : plus le nombre d'espèces en présence est grand, plus le fonctionnement de l'écosystème (et donc sa capacité à résister aux agressions) est efficace. Une conclusion rassurante pour les signataires de la convention de Rio, qui suggère par ailleurs que la préservation de la biodiversité pourrait aider la biosphère à mieux lutter contre l'effet de serre.
Production neuronale
Encore un dogme qui s'effondre, selon lequel les cellules nerveuses cesseraient à tout jamais de se multiplier dès la fin du développement embryonnaire. On savait déjà que des neurones pouvaient se former chez les vertébrés à l'état adulte, dans des circonstances, il est vrai, particulières. Cette fois, c'est chez le grillon domestique que les chercheurs du laboratoire de neurobiologie du CNRS de Marseille ont découvert l'inimaginable : la présence, dans le cerveau de ces insectes, d'un groupe de cellules nerveuses qui continuent de se diviser tout au long de la vie.
Catherine Vincent
Journaliste scientifique au Monde