Océanographie

Si, en France, le lancement du Marion-Dufresne II, nouveau navire de l'Institut français de recherche et de technologie polaires, est de nature à relancer en ce pays les recherches fondamentales et appliquées dans les mers froides, au niveau international, les campagnes de surface, de plongées, et de forages (programme ODP [Ocean Drilling Project], voyages 153 à 159) ont eu les objectifs majeurs suivants :

Fluides

Caractériser et quantifier la circulation des fluides (gaz et eau) sous le fond de l'océan. D'abord, dans les séries sédimentaires empilées et comprimées dans les « prismes d'accrétion » édifiés en bordure de certaines fosses abyssales (exemple : la Barbade, ODP n^o 156, juin-juill.). Ensuite, dans la croûte océanique afin d'identifier les phénomènes hydrothermaux dont elle est le siège, principalement dans l'Atlantique nord, où ils furent longtemps méconnus. Ce fut l'objectif des campagnes de prélèvements et d'observations réalisées dans le cadre des programmes « MARFLUX » (pour Mid-Atlantic Ridge Flux, projet Mast de la Communauté européenne) et « FARA » (projet franco-américain) ; et des forages destinés à atteindre la source du « système hydrothermal » et les origines du « champ minéralisé » qui occupe le secteur appelé « TAG », situé par 26° N. (ODP n^o 158, oct.-nov.).

Dater quelques grands événements du paléoenvironnement océanique : comme, dans l'Atlantique brésilien, l'oscillation climatique néogène, la mise en place de la circulation profonde (d'origine arctique et antarctique) et l'édification corrélative des corps sédimentaires les plus étendus (ODP n^os 154 et 155, sur la chaîne Ceara et l'éventail de l'Amazone, févr.-mai).

Reconstituer l'histoire et les effets de la dynamique crustale en quelques sites caractéristiques comme les dorsales : qu'il s'agisse du type « infralent » dans le sud de l'océan Indien (collaboration franco-australienne), ou du type « hyper-rapide », étudié dans l'est du Pacifique (érosion et fragmentation de la marge américaine) ; les fonds de mers en compression active, comme dans l'ouest du Pacifique, dans et autour des arcs insulaires d'Indonésie et d'Asie ; enfin dans les parages des points chauds ceinturés de vastes épandages volcaniques et volcanoclastiques (cas des Canaries, ODP n^o 157, août-sept.).

Dégel

Le développement de la collaboration internationale dans les mers arctiques illustre bien la fin définitive de la « guerre froide » scientifique entre les « blocs ». Le but est à présent d'étudier le plus largement possible la circulation et le régime des glaces et des eaux dans des régions autrefois inaccessibles pour des raisons stratégiques. C'est le cas de la mer de Bering et celui des parages des Aléoutiennes étudiés ensemble par les Américains et les Russes. C'est également la situation des mers de la « route maritime du Nord » (mers de Barents et des Laptev) étudiées par des campagnes communes allemandes (avec l'Institut polaire A. Wegener et « Geomar ») et russes (conduites par l'Institut arctique et antarctique de Saint-Pétersbourg).

Pluridisciplinaire

La coopération internationale s'est aussi manifestée dans la définition d'un nouveau projet pluridisciplinaire. Il s'agit d'étudier les divers types d'échanges (chaleur, mouvement, énergie, substances, nutriments, espèces vivantes) qui se déroulent dans les zones frontales et au niveau de la thermocline, au-dessus et au voisinage du rebord (immergé entre 100 et 150 m) de quelques plates-formes continentales réputées exemplaires pour leurs dimensions ou leur position.

Les méthodes de recherches acoustiques (dites aussi « tomographiques ») progressent dans les domaines les plus variés de l'océan comme, par exemple : l'analyse fine des textures, des structures, des sous-écoulements des plages (programme de recherche prometteur que l'ONR [Office of Naval Research] a intitulé « Coastal Benthic Boundary Layer ») ; la cartographie et la mobilité des masses d'eau, que l'on espère pouvoir suivre à diverses échelles de temps et d'espace ; et, surtout, l'identification des constituants magmatiques de la croûte océanique. À cet égard, on attend beaucoup du développement des observatoires géophysiques océaniques (Oceanic Geophysical Observatories) conçus par la collaboration des chercheurs de l'IFREMER et de l'University of California (Berkeley).

Jean-René Vanney