Face à une telle progression de la dette publique, les marchés financiers doutent de la capacité des gouvernements européens de pouvoir, contrairement aux États-Unis, réduire rapidement le déséquilibre des finances publiques ainsi que les déficits des comptes sociaux. Leur inquiétude se fonde d'abord sur un constat : en quelques années, l'État est devenu, dans le cas de la France notamment, l'un des principaux acteurs du marché. De 1985 à 1990, sa part dans les émissions d'obligations est passée de 31 % à 68 %. En effet, entre le lancement d'emprunts nouveaux et le remboursement de la dette venant à échéance, l'État prélève une part prépondérante des capitaux disponibles sous des formes toujours plus élaborées ; en conséquence, il exclut les investisseurs privés de ces marchés. En 1993, l'État français a levé 304 milliards de francs sur les 327 milliards d'obligations émises en France. Cet effet d'éviction force les émetteurs privés et français à aller se financer à l'extérieur : leurs emprunts internationaux ont grimpé de 25 milliards en 1992. Entre une croissance insuffisante (qui ne dégage pas assez de recettes fiscales) et les besoins d'emprunts des entreprises et de l'État, les opérateurs des marchés internationaux craignent que la dette ne soit plus gagée sur l'expansion et que les États éprouvent des difficultés à rembourser les emprunts venant à échéance. Si un État ne parvient pas à freiner les déficits, il devra emprunter davantage et la dette augmentera d'autant, sans compter l'effet pervers « boule de neige » dû à l'accroissement des charges d'intérêts. Il y a là un cercle vicieux qui pourrait maintenir des taux d'intérêt exagérément élevés et défavorables à l'investissement, sans oublier qu'une autre contrainte doit être impérativement respectée. Il s'agit essentiellement de la contrainte de stabilité des monnaies.
L'objectif affiché par le ministre des Finances allemand consiste à limiter durablement l'augmentation des dépenses publiques (qui devra rester inférieure à la croissance du PIB) ainsi qu'à réduire de moitié le volume de l'endettement public annuel d'ici à 1998 (de 70 milliards à 27 milliards de Marks).
Les États-Unis se sont engagés à réduire leurs déficits (très importants) des comptes publics. Il s'agit, selon eux, d'obtenir une baisse des taux d'intérêt à long terme et ainsi de stimuler toutes les activités sensibles au niveau du loyer de l'argent : investissement, logements, achat de biens durables, etc. À cet effet, le gouvernement américain est parvenu pour l'année budgétaire 1994 à faire tomber le déficit annoncé de 235 milliards à 203 milliards de dollars, soit l'équivalent de 3 % de la richesse nationale : ce déficit est inférieur de presque 90 milliards à celui du budget 1992. Cette baisse sur 2 ans est présentée comme la plus forte de l'histoire des États-Unis. L'assainissement des finances publiques s'explique par la forte croissance économique des États-Unis.
Selon le FMI, les pays industrialisés joueront un rôle déterminant dans le processus d'amplification et de généralisation de la reprise économique. Il leur faudra afficher un programme « crédible de rééquilibrage budgétaire », notamment en Europe et aux États-Unis, pour comprimer une dette publique qui est passée de 40 % du produit intérieur brut en 1978 à près de 70 % en moyenne pour l'ensemble des pays dits « riches » aujourd'hui, d'après un rapport public publié par les experts du FMI le 28 septembre 1994 à Madrid.
Gilbert Rullière
Directeur de recherches au CNRS
Professeur à l'université de Lyon-I
Le projet de budget élaboré par le gouvernement prévoit une enveloppe pour les dépenses des ministères (1 483 milliards pour 1995) et une enveloppe pour les recettes, essentiellement les impôts, pour financer celles-ci (1 208 milliards pour 1995). Quand les dépenses dépassent les recettes, le budget est dit en déficit. Officiellement, le déficit s'élève à 274,6 milliards de francs en 1995, selon le projet de loi de finances présenté le 21 septembre 1994. Ce déficit peut être financé par des emprunts ou par des ressources monétaires (avances de la Banque de France).