Population : vers la stabilisation
La Conférence du Caire (septembre 1994) était la troisième Conférence mondiale sur la population réunissant des responsables politiques, après celles de Bucarest (1974) et de Mexico (1984). Elle se tenait deux ans après le sommet de la Terre (Rio, 1992), pendant l'Année internationale de la famille et un an avant le sommet pour le développement social (Copenhague) et la Conférence sur les femmes (Pékin). En conséquence, des questions comme l'évolution des modèles familiaux, les cohésions sociales, le rôle et le statut de la femme ou l'environnement ont été discutées en relation avec les problèmes de population.
Cet événement a été marqué par l'irruption en force du politique et du religieux dans la sphère démographique, du fait des positions du Saint-Siège et de quelques pays musulmans, exprimées dès avant la Conférence et confirmées en séance. Le premier était appuyé par Malte, plusieurs pays d'Amérique latine (Argentine, Salvador, Équateur, Honduras, Nicaragua, République dominicaine) et quelques pays d'Afrique (notamment le Bénin). Quant aux seconds, dont les positions n'étaient souvent guère éloignées de celles du Vatican, les plus actifs étaient l'Indonésie, l'Iran, la Libye, la Malaisie et le Pakistan. Trois pays seulement (Arabie Saoudite, Liban, Soudan) avaient boycotté la Conférence, à laquelle 180 pays étaient représentés.
Les débats ont été rudes sur de nombreux points : l'égalité entre hommes et femmes, les différentes formes du mariage et de la famille, le concept de « santé sexuelle », les droits en matière de sexualité et de procréation, l'avortement (qu'il soit à risque ou sans, légal ou non), le regroupement familial, le droit au développement et, bien sûr, l'estimation et la répartition des coûts des actions à mener dans le domaine de la population. Notons enfin que des questions comme le développement ou le sida ont été curieusement absentes des discussions.
Le Programme d'action qui était soumis à la Conférence a été approuvé par consensus, quelques pays (le Saint-Siège et plusieurs pays catholiques et musulmans) émettant des réserves sur certaines parties du texte. Pourtant, à leur demande, la référence aux valeurs religieuses avait été introduite à de nombreuses reprises, ce qui a profondément modifié l'esprit du document en lui retirant son caractère laïque.
Parmi les nouveautés de ce programme, on notera l'objectif de stabilisation de la population mondiale : le problème n'est plus l'« explosion démographique », mais la durée que l'on mettra à atteindre cette stabilisation. En effet, au niveau mondial, la baisse de la fécondité se poursuit : en 1990-1995, l'indice synthétique de fécondité est estimé à 3,3 enfants par femme pour l'ensemble du monde, 1,9 pour les pays industrialisés et 3,6 pour les pays en développement. C'est en Afrique au sud du Sahara que cet indice est le plus élevé (6,3) ; mais, phénomène nouveau, l'amorce de la baisse de la fécondité semble s'être produite dans quelques pays (Botswana, Kenya, Zimbabwe).
L'utilisation des méthodes contraceptives est très différente d'un pays à l'autre. Le « taux de prévalence contraceptive » (proportion de femmes de 15-49 ans en union utilisant une méthode de contraception) est estimé, en 1994, à 57 % pour le monde entier. Pour l'Afrique, il n'est que de 18 %. Les pays où cette prévalence est la plus élevée (taux > 80 %) sont la Chine (83 %), Hongkong, la France et le Royaume-Uni (81 %). À l'autre extrémité de la distribution, les pays où ce taux est inférieur à 5 % appartiennent à l'Afrique, au sud du Sahara : Éthiopie et Niger (4 %), Côte d'Ivoire et Mauritanie (3 %).
À l'occasion de la Conférence du Caire, le Muséum national d'histoire naturelle organise au musée de l'Homme, jusqu'au 31 décembre 1995, une exposition intitulée « 6 milliards d'hommes ». Elle vise à informer le grand public sur la situation démographique mondiale. Pour aider le visiteur à aborder la question sans le noyer sous des considérations trop techniques et sous une avalanche de chiffres, l'exposition lui propose un « jeu de la population » grâce à des bornes informatiques qui jalonnent son parcours et qui lui permettent un dialogue interactif.
Le taux d'accroissement continue de décroître après son maximum (2,1 %) de 1965-1970 et vaut 1,7 % en 1990-1995. Les Nations unies prévoient la poursuite de cette tendance jusqu'à la stabilisation de la population mondiale, dans le courant du xxiie siècle. Selon leur hypothèse moyenne, cette dernière passerait de 5,6 (mi-1994) à 11,6 milliards en 2150, ultime doublement d'une population qui a déjà doublé 22 fois depuis les origines de l'humanité.