Au départ, il y a un couple comme les chroniqueurs mondains en rêvent. Darie Boutboul et Jacques Perrot sont beaux, riches et élégants. Femme jockey, romancière, chanteuse. Darie triomphe sur les champs de courses et sur les ondes. Brillant fiscaliste, ancien secrétaire de la conférence du stage, Jacques est aussi à l'aise à la barre que sur une moto. Ils ont douze ans de différence, un petit garçon (Adrien), et la même passion pour les chevaux les unit. Oui, mais voilà, le séduisant avocat aime les femmes au pluriel et Darie est terriblement jalouse. Trois ans après leur mariage, on parle déjà divorce et on se dispute la garde de l'enfant. C'est à ce moment que Jacques Perrot se met à enquêter sur le passé de son envahissante et terrible belle-mère. Ce qu'il découvre lui fait peur. Il confie à ses parents et associés : « J'ai mis les pieds dans une affaire dont j'aurais mieux fait de ne pas me mêler. Elle est capable de tout. »
Contre Élisabeth Cons-Boutboul, il y a sa curieuse attitude avant, pendant et après l'assassinat de son gendre. Il y a surtout ses relations très ambiguës avec Bruno Dassac, le représentant en lingerie. C'est lui dont elle attend les appels dans la réserve de saucissons de la charcuterie et qui lui réclame (la charcuterie était sur écoutes) « l'argent du dégât des eaux ». L'enquête financière révèle que Mme Cons-Boutboul a versé par deux fois 10 000 francs suisses à Bruno Dassac, puis 26 000, et qu'à partir de la fin de 1985 celui-ci s'est lancé dans une série d'achats inhabituels et a laissé 116 000 francs sur les tapis des casinos. Le 24 mars 1994, Élisabeth Cons-Boutboul est condamnée à 15 ans de réclusion criminelle pour complicité dans l'assassinat de son gendre. Là aussi le verdict a choqué les juristes. Comme dans le cas d'Omar Raddad, il n'y avait contre Élisabeth Cons-Boutboul ni aveu ni preuves directes, juste beaucoup de présomptions. Plus étonnant encore, Elisabeth Cons-Boutboul est condamnée pour complicité d'assassinat dans une affaire où ni l'assassin ni l'arme du crime n'ont été retrouvés. Mais, si la condamnation d'Omar a provoqué de nombreuses réactions, celle d'Élisabeth Cons-Boutboul n'a suscité ni livres de défense, ni campagne de presse. Bourgeoise, catholique, habitant le XVIe arrondissement, mais aussi avocate radiée, mauvaise contribuable, titulaire de comptes bancaires en Suisse, experte en indélicatesses et en mensonges, Élisabeth Cons-Boutboul accumulait les handicaps et n'a attiré aucune sympathie.
Tout comme pour Omar, les jurés n'étaient pas certains de son innocence, cependant ils l'ont condamnée. Voilà donc que la même année, dans des verdicts basés sur l'intime conviction, deux cours d'assises ont condamné si l'on peut dire au bénéfice du doute. C'est le principe même de la cour d'assises qui est ainsi remis en question.
Jean-Marie Rouart, Omar, la construction d'un coupable, Éditions de Fallois, 1994.
Jacques Vergès, Omar m'a tuer, Éditions Michel Lafon, 1994.
Carole Perrot (sœur de la victime), Journal inconsolé, Éditions Florent Massot, 1994.
Serge Raffy, la Veuve, Éditions Fayard, 1994.
Renaud Vincent
Chroniqueur judiciaire à France-soir