Par ailleurs, Carmen et Benvenuto Cellini sont entrés au répertoire de l'Opéra-Bastille, avec de gros moyens. Et puis, comme il y a eu trente ans qu'« on enterra son étoile », hommage fut rendu au poète Cocteau, par l'Orchestre national de Lille (dirigé par son chef, Jean-Claude Casadesus), qui a repris la Voix humaine et les Mariés de la tour Eiffel, au Théâtre des Champs-Élysées. Invités pour la circonstance, des couples de jeunes mariés, venus de tous les pays du monde, assistèrent à la soirée en costumes traditionnels. Ami de Cocteau, Francis Poulenc l'avait précédé dans la tombe de quelques mois. Le Théâtre des Champs-Élysées s'en est souvenu en consacrant une soirée à ses plus beaux cycles de mélodies (Bestiaire ; Cocardes ; Tel jour, telle nuit ; Métamorphoses). Gounod, lui, s'éteignait en 1893. L'Opéra-Bastille retrouva Faust, l'Opéra-Comique et plusieurs salles provinciales, Mireille ou Sapho.
Raretés
Hors des sentiers battus du sempiternel répertoire lyrique italien ou mozartien, artificiellement renouvelé à coup de mises en scène plus ou moins réussies, quelques œuvres firent sensation. Celles de Benjamin Britten, par exemple, dont Billy Bud, opéra emblématique qui n'avait pas été monté depuis sa création, en 1951. L'Opéra de Nancy en confia la mise en scène à Antoine Bourseiller. En tournée dans les églises d'Île-de-France, Carlew river (« la rivière au courlis ») parabole pour représentation en église, inspirée du théâtre nô, a montré un Britten étrangement dépouillé. Britten encore à Toulouse où Michel Plasson affichait les Illuminations, mélodies composées en 1939, d'après Rimbaud. Leos Janacek, autre compositeur ayant prouvé que l'opéra pouvait survivre au xixe siècle, fut à l'honneur à Strasbourg, grâce à l'Opéra du Rhin, avec les Excursions de monsieur Broucek, dans une nouvelle adaptation française de Bernard Sobel.
Découverte : La Messe solennelle de Berlioz, que l'on croyait perdue, a été retrouvée dans les archives de l'église Saint-Charles-Borromée d'Anvers. Cette découverte est capitale pour la datation des œuvres du compositeur. Hugh Macdonald, éditeur en chef de la New Berlioz edition, s'est vu, en effet, contraint de situer vingt-cinq ans plus tôt la date de partitions aussi importantes que celles de la Symphonie fantastique, de la Grande Messe des morts ou de Benvenuto Cellini.
Ils sont venus
Force fut d'honorer Tchaïkovski, mort en 1893. L'Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg vint au Théâtre des Champs-Élysées pour cinq concerts, pendant que l'Orchestre national de France inscrivait les six symphonies à son programme. La salle de l'avenue Montaigne avait également prévu une saison russe, avec quelques productions du théâtre Moussorgski de Saint-Pétersbourg (le Fou, Iolanta, le Prince Igor, le Coq d'or). Le Châtelet et Pleyel, de leur côté, accueillirent l'Orchestre philharmonique de Londres, confié à Pierre Boulez, achevant en beauté un cycle Bartok par une sélection de « classiques du xxe siècle ». Mais les sommets vertigineux de la saison ont été atteints avec la venue du Philharmonique de Berlin à Pleyel, sous la baguette de Claudio Abbado, dirigeant les grandes œuvres symphoniques de Brahms.
Les adieux : Au terme d'une carrière jalonnée d'interprétations qui entreront dans la légende, ils ont quitté la scène : la mezzo-soprano allemande Christa Ludwig, qui s'imposa dans le répertoire d'opéras de Mozart et de Richard Strauss, mais sut exceller dans l'art du récital, et le baryton, allemand également, Dietrich Fischer-Dieskau, dont le répertoire immense compte l'intégrale des lieder de Schubert.
Nomination : L'Ensemble InterContemporain a un nouveau chef titulaire, le Californien David Robertson, dont l'expérience dans les domaines symphoniques et de l'opéra ne peut qu'élargir les programmes de son orchestre. Lyriques, tels furent ses trois premiers concerts d'intronisation, avec Renard et les Noces de Stravinski ainsi que Passaggio de Luciano Berio.
Michel Schneider, la Comédie de la culture, Seuil, 1993.
Michèle Dardy, Atlas régional. Direction de la Musique et de la Danse (ministère de la Culture et de la Francophonie).
Catherine Michaud-Pradeilles