Nous voilà revenus aux années 73/79, au plus fort des chocs pétroliers, mais en 93 les voitures sont cette fois déjà optimisées, aérodynamiques, avec des moteurs très sobres ; baisser leur consommation revient à les alléger, mais c'est de plus en plus difficile car elles sont de plus en plus vastes et équipées. Les techniques modernes de construction ont en effet bien évolué : 60 % des composants sont maintenant achetés à des équipementiers (70 % en haut de gamme). C'est donc à eux qu'est principalement demandé l'effort d'allégement, les constructeurs s'attaquant à la structure elle-même. Les aciéristes viennent à leur aide avec de nouvelles tôles HLE (haute limite élastique), permettant jusqu'à 30 % d'allégement pour certains éléments. On peut aussi souder les tôles d'acier au laser, bord à bord, en évitant les recouvrements des systèmes classiques de soudage électrique par points : gain de 5 à 10 %. Il est aussi possible d'utiliser des tôles sandwich, qui vibrent moins et peuvent se passer d'insonorisants. Enfin, on peut abandonner l'acier pour l'aluminium, avec deux technologies. Celle dite « Unibody » de la firme Alcan est utilisée par Honda pour sa NSX : on remplace simplement la tôle d'acier par de la tôle d'alu, mais cela ne convient qu'aux très petites séries. Alcoa et Audi sont allés bien plus loin en inventant le concept « space frame » ou « cage à oiseau ». On revient à une structure en « cage », dont les barreaux sont des profilés d'alu extrudé. C'est très solide, excellent pour la sécurité en cas de choc et pas cher du tout. Le problème vient de l'assemblage des extrudés, réalisé par des pièces spéciales de jonction, des « nœuds » en alu coulé sous vide. Peu nombreux, 16 au total sur l'Audi ASF, ces « nœuds » ont été difficiles à mettre au point, mais Audi lancera dès 1994 une Audi 300, 100 % alu puisque les panneaux de carrosserie sont eux aussi en tôle d'alu. Le gain de poids est de 30 à 40 % ; Audi y croit, Alcoa encore plus.
Les autres constructeurs s'interrogent, les aciéristes contre-attaquent. c'est le plus beau débat technique depuis des années, le piment d'une année bien morne...
Mort annoncée des CFC
Utilisés dans les climatisations des véhicules, les fluides CFC, chlorofluorocarbonés, se sont révélés être de redoutables ennemis de l'ozone. Voilà pourquoi les conférences de Montréal, Londres et Copenhague ont établi un calendrier de disparition progressive des CFC. Au 31 décembre 93, la production est déjà limitée à 50 % de celle de 1986, puis sera baissée à 16 % au 31/12/94. L'interdiction totale prendra effet au 1er janvier 95, avec une dérogation pour les petites productions, qui prendra fin le 1er janvier 1996. Les HCFC, cousins moins nocifs des CFC, obtiennent un sursis puisque leur interdiction totale ne prendra effet qu'au 31 décembre 2014 ! En attendant, la majorité des constructeurs automobiles est très en avance sur le calendrier de disparition des CFC, ce qui n'empêche pas, selon certains, que le « trou d'ozone » continue à s'agrandir...
Plastiques ? et toc...
Le programme Eureka Carmat a rendu quelques conclusions « intermédiaires » sur la recherche de matériaux nouveaux pour l'automobile. Ces études poussées et chiffrées ne sont guère favorables aux plastiques et composites. Sans méconnaître tout ce qu'ils peuvent apporter sur le plan de la légèreté et de la résistance à la corrosion, leur avenir paraît bouché, parce qu'ils posent des problèmes aigus – et parfois impossibles à résoudre – de recyclage. Ils resteront donc cantonnés à leurs rôles habituels et ne viendront pas – sauf découverte révolutionnaire – concurrencer les métaux dans les parties structurelles des véhicules.
Christian Gérondeau, les Transports en France, quelques vérités bonnes à dire, Transports Actualités, 1993.
Jean-Pierre Gosselin