Médecine : l'ascension de la thérapie génique
Mucoviscidose, myopathie, hémophilie, mais aussi cancer du rein, du côlon, sida, maladie de Parkinson et d'Alzheimer, en moins de trois ans la thérapie génique est passée de la théorie et des premières expériences pionnières à l'application à toutes sortes de maladies.
L'ADN médicament
En 1990, des chercheurs des National Institutes of Health aux États-Unis utilisaient pour la première fois la thérapie génique dans un protocole destiné à corriger, chez une petite fille de quatre ans, un désordre immunologique grave dû à l'absence d'une enzyme. L'opération consistait à prélever certaines cellules sanguines de l'enfant – des lymphocytes – pour y insérer une « bonne » copie du gène non fonctionnel. Les cellules ainsi génétiquement transformées ont ensuite été réintroduites dans l'organisme et ont produit l'enzyme manquante, l'ADA. Trois ans après, la fillette se porte bien. Seule ombre au tableau : son traitement doit être renouvelé tous les six mois, car les lymphocytes finissent par mourir, remplacés par de nouvelles cellules sans le « bon » gène.
Or, depuis, les recherches en thérapie génique se sont emballées, élargissant le champ des applications, mais aussi apportant des solutions potentielles à certains problèmes. C'est ainsi qu'une équipe de l'Institut Pasteur de Paris travaille, chez des souris, sur un concept tout à fait prometteur, celui des organoïdes. Il s'agit d'un tissu inerte, fabriqué en laboratoire, dans lequel sont placées les cellules modifiées, en l'occurrence des cellules de la peau, les fibroblastes. L'organoïde est ensuite introduit dans le corps des souris et donne naissance à un néo-organe, qui produit de façon continue l'enzyme manquante. L'expérience a été réalisée chez un modèle-souris porteuse d'une maladie proche d'une maladie humaine rare, la maladie de Gaucher.
Huntington : enfin le gène. Une équipe internationale rassemblant six groupes de biologistes, en Californie, dans le Michigan et en Grande-Bretagne, a isolé le gène responsable de la chorée de Huntington. À la surprise des chercheurs, il s'agit d'une séquence d'ADN instable qui se répète et peut s'allonger ou se raccourcir d'une génération à l'autre. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles possibilités diagnostiques pour une maladie caractérisée par des désordres moteurs, une perte cognitive et des manifestations psychiatriques qui n'apparaissent que tardivement, vers 40-50 ans. Elle touche un individu sur 10 000 dans les populations d'origine européenne.
Des « cibles » qui se sont diversifiées
Outre les cellules sanguines et les cellules de la peau, on utilise les cellules de l'épithélium pulmonaire – pour la mucoviscidose –, celles du foie, les neurones ou les cellules musculaires. Ces trois dernières catégories ont la particularité de ne plus ou peu se diviser après la naissance, ce qui implique l'utilisation de « vecteurs » particuliers pour transférer le gène étranger dans l'ADN des cellules cibles. Une équipe du CNRS a obtenu d'importants résultats grâce à un adénovirus qui possède précisément l'avantage de pouvoir effectuer ce transfert dans des cellules qui ne sont plus en division. Ce vecteur « made in France » est administré en aérosol sous forme d'instillations. Des essais cliniques chez l'homme ont débuté aux États-Unis avec un adénovirus porteur d'une version correcte du gène dont le déficit est à l'origine de la mucoviscidose.
Tout à fait récemment, une équipe américaine a réussi à introduire directement dans le foie de trois chiens un rétrovirus portant le gène d'un facteur de coagulation du sang, le facteur IX, en l'injectant par la veine porte hépatique. Le foie, qui avait au préalable subi une ablation partielle, s'est régénéré en incorporant ce nouveau matériel génétique. Très rapidement, du facteur IX a été sécrété, mais malheureusement en très petite quantité. Pour pallier cette insuffisance, on songe à améliorer le vecteur.
Des missiles anti-cancer
La possibilité de modifier les réponses immunitaires de l'organisme grâce à la thérapie génique est une des pistes de travail les plus excitantes actuellement pour les chercheurs. Une des idées consiste à transférer, toujours à l'aide d'un virus, les gènes de cytokines (les facteurs de croissance du système immunitaire) dans les cellules tumorales, avec l'espoir de stimuler localement les défenses immunitaires contre ces cellules. Des études sont actuellement menées pour traiter ainsi les formes gravissimes de mélanome, de tumeur cérébrale, de cancers du poumon ou du rein.