Le second texte majeur concernant les étrangers est celui portant sur la maîtrise de l'immigration. Son objectif essentiel est d'adapter l'Ordonnance de 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers à la lutte contre les fraudes et à l'harmonisation européenne des politiques d'immigration. Nouveauté, ce projet inclut des dispositions sur le droit d'asile, jusqu'ici régi par différents textes et circulaires bien distincts.
Par son ampleur et sa complexité, sa sévérité aussi, ce projet de loi provoque beaucoup plus de remous au Parlement que le précédent, y compris au sein de la majorité de droite. Claude Malhuret (UDF) se fera, par exemple, le porte-parole à l'Assemblée nationale des critiques du corps médical à l'encontre d'une disposition visant à supprimer l'aide médicale à domicile et la protection sociale aux étrangers en situation irrégulière. Il sera entendu. Mais, pour le reste, les députés auront plutôt tendance à vouloir durcir le texte de Charles Pasqua, notamment en matière de contrôle d'identité (amendement Marsaud). Cet épisode provoquera même quelques aigreurs au sein du gouvernement, entre Charles Pasqua d'un côté, le garde des Sceaux, Pierre Méhaignerie, et le ministre des Affaires sociales, Simone Veil, de l'autre.
Les réactions de défiance de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, des associations humanitaires et des représentants des différentes confessions n'y changeront rien, le texte est voté par le Parlement le 13 juillet. Mais, à la mi-août, le Conseil constitutionnel oppose son veto à certaines dispositions, notamment l'interdiction du territoire d'un an qui assortit toute mesure d'éloignement d'étrangers entrés frauduleusement en France, ou la disposition qui permet aux procureurs de la République de surseoir à un mariage pendant trois mois pour vérifier qu'il ne s'agit pas d'un mariage de complaisance.
Mais, surtout, invoquant le préambule de la Constitution de 1946 (repris en 1958) où est formellement inscrit le droit d'asile, le Conseil censure une disposition prévoyant qu'un demandeur d'asile ne peut saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), lorsque sa demande a déjà été refusée dans un État européen signataire des accords de Schengen.
Mettant en cause « l'engagement politique » des sages, Charles Pasqua répond en demandant une révision de la Constitution, au nom de l'harmonisation européenne des législations concernant le droit d'asile. Durant un mois, juristes et politiques dissertent sur le bien-fondé d'une révision de la Constitution dans des termes qui n'ont qu'un lointain rapport avec la réalité du droit d'asile. La France a accueilli moins de 30 000 demandeurs d'asile en 1992 (après plus de 60 000 en 1989) quand l'Allemagne, plus vulnérable sur ses frontières est-européennes, en accueillait 438 000. La France, elle, enregistre moins de 4 % de demandes à ses frontières. Le statut de réfugié est refusé aux trois quarts des demandeurs d'asile.
Pour régler la querelle, l'Élysée et Matignon choisiront finalement de saisir le Conseil d'État, qui tranchera pour une révision « technique » de la Constitution laissant le préambule intact. L'ensemble du dispositif législatif du ministère de l'Intérieur concernant l'immigration sera définitivement bouclé après qu'eut été voté, à la session d'automne, un projet de loi rectifiant les points – rétention, mariage... – épinglés par le Conseil constitutionnel. Ainsi, la fermeture des frontières aura été l'un des premiers messages clairs diffusés par le nouveau gouvernement. Mais les lois votées cette année ne portent pas simplement sur l'immigration : les nouvelles dispositions réduisent également les droits des 3,6 millions d'étrangers vivant régulièrement en France.
Chrono. : 11/05, 10/06, 18/06, 24/06, 13/08, 1/09, 7/09, 23/09.
Marie-Laure Colson