« Ne demandez pas des comptes à la République ! Elle a fait ce qu'elle devait... En 1940, il y a eu un État français, c'était le régime de Vichy, ce n'était pas la République. » Le 14 juillet, lors de sa traditionnelle intervention télévisée, François Mitterrand, tout en admettant qu'« à cet État français, naturellement, on doit demander des comptes », refuse de reconnaître que la « République » est en cause : « L'État français, si j'ose dire, ça n'existe pas. » Une explication qui ne satisfait pas.

Le 16 juillet 1992, boulevard de Grenelle, à Paris, à l'emplacement de l'ancien Vélodrome d'Hiver, le ban et l'arrière-ban de l'appareil d'État, aux côtés des différents représentants de la communauté juive de France, se retrouvent pour la commémoration du cinquantenaire de la rafle du Vel'd'Hiv'. Le chef de l'État, après ses déclarations des jours précédents, est hué par une partie de la foule quand il arrive pour prendre place à côté de Robert Badinter. « Vous m'avez fait honte ! Vous déshonorez la cause que vous croyez servir », lancera le président du Conseil constitutionnel aux manifestants. Peut-être. Mais aux yeux de beaucoup, le simple dépôt d'une gerbe par le président de la République ne vaut pas « excuse officielle ». Sans doute, le ton comminatoire des responsables du comité « Vel'd'Hiv' 42 » intimant l'ordre au chef de l'État de reconnaître la responsabilité de la République pendant la période de la collaboration était inadmissible pour ce dernier. Et pour les institutions. N'empêche, les passions, pour ne pas dire le malaise, provoquées par cette controverse démontre bien que, un demi-siècle après cette tragédie, la France n'accepte toujours pas de reconnaître un passé peu glorieux.

Paradoxalement, quelques mois après, l'Élysée va relancer la polémique. Alors que plusieurs organisations lui ont demandé d'y renoncer et alors qu'aucune tradition ne l'y oblige, le 11 novembre, à l'occasion de la commémoration de la victoire de 1918, le chef de l'État fait déposer, presque en catimini, une gerbe sur la tombe de Philippe Pétain, le héros de Verdun. Un hommage que François Mitterrand répète, chaque année, depuis 1987. Aucun président de la Ve République avant lui n'avait instauré une telle règle : le général de Gaulle avait déposé une gerbe en 1968, pour le 50e anniversaire de l'armistice ; Georges Pompidou, en 1973, pour la nouvelle inhumation du corps de l'ex-maréchal, après le vol de son cercueil ; Valéry Giscard d'Estaing, en 1978, pour le 60e anniversaire de la victoire.

Une gerbe de l'Élysée déposée sur la tombe d'un maréchal déchu et aux côtés de celles d'associations pétainistes et du Front national, cette fois, la réprobation est générale. Y compris au sein du Parti socialiste. Laurent Fabius, le premier secrétaire, à la télévision, demande que « ce geste ne se renouvelle pas ». À sa façon, et pour des raisons qui échappent à l'opinion, le chef de l'État entretient la polémique sur la France des années noires.

Le référendum

« Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République autorisant la ratification du traité sur l'Union européenne ? » Le 20 septembre, 38 millions d'électeurs sont appelés à répondre à cette question par voie référendaire. « Oui » ou « non », la réponse est déterminante pour l'avenir de la construction européenne. L'Europe, la grande affaire du second septennat de François Mitterrand. Au soir du scrutin, avec une abstention peu importante pour ce type de consultation (30,3 %), le « oui » (51,04 %) l'emporte d'une courte tête. Le chef de l'État a gagné son pari. De peu et grâce à l'engagement des leaders de droite : Jacques Chirac (pour ménager son avenir élyséen), et Valéry Giscard d'Estaing (par conviction de longue date). Une trop courte victoire pour qu'aucun d'entre eux puisse en tirer un quelconque bénéfice. Les tenants du « non » peuvent pavoiser, eux qui forment un hétéroclite « front de refus » allant du PC au FN en passant par une poignée d'écologistes – sans oublier Jean-Pierre Chevènement, le tandem Philippe Séguin-Charles Pasqua ou Philippe de Villiers...