La Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public offre aux amants de Clio le résultat de vingt ans de recherches et de publications dans l'Histoire médiévale en France. Bilan et perspectives (Le Seuil). Comme le souligne le préfacier, Georges Duby, le renouvellement des sciences auxiliaires dégage des voies nouvelles : celle de l'histoire intellectuelle et celle de l'histoire des mentalités en particulier. Ce sont celles que Bernard Guenée, Alain de Libéra, Michel Pastoureau et Bronislaw Geremek ont empruntées pour nous offrir quatre remarquables ouvrages d'érudition : Histoire et Culture historique dans l'Occident médiéval (Aubier), Penser au Moyen Âge (Le Seuil), l'Étoffe du diable (Le Seuil), les Fils de Caïn. L'image des pauvres et des vagabonds dans la littérature du xve au xviiie siècle (Flammarion).

L'étude des institutions qui ont généré l'État moderne s'approfondit parallèlement, en particulier grâce à deux historiens américains, John W. Baldwin et Sarah Hanley, dont les travaux viennent d'être édités en français. Dans Philippe Auguste et son gouvernement (Fayard), le premier montre que la monarchie « administrative » se met en place dès la fin du xiie siècle, ainsi qu'en témoignent de nombreux documents d'archives conservés sur ordre du roi.

Dans le « Lit de justice » des rois de France, Sarah Hanley analyse avec soin l'évolution de l'Idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours (Aubier), évolution qui se serait faite en trois temps : celui de la monarchie « juridique », garante du droit public (procès posthume intenté en 1527 au connétable de Bourbon pour crime de rébellion) ; celui de la monarchie « dynastique », qui se serait affirmée en 1610 par l'antériorité de la tenue du « lit » par rapport aux funérailles et au sacre, signes visibles d'une souveraineté qui aurait été désormais liée uniquement au sang royal ; celui de la monarchie « absolutiste », qu'inaugurerait la tenue des « lits » de 1645 et 1648 par lesquels le roi aurait étendu sans limite son autorité législative.

La société d'ordres perdure pourtant. Une thèse d'État en témoigne : l'Église et l'argent sous l'Ancien Régime. Les receveurs généraux du clergé de France aux xvie et xviie siècles (Fayard). L'auteur, Claude Michaud, en dégage deux idées contrastées : la réduction, de 15 % en 1561 à 0,74 % en 1788, de la contribution du clergé aux dépenses de l'État ; le rôle croissant et presque exclusif qu'assure l'Église dans la prise en charge du budget social de la France : services de charité, d'hospitalité et d'enseignement qui ont permis une alphabétisation massive (43 % de signatures en 1780) et une amélioration notable de l'état sanitaire des Français que le pouvoir révolutionnaire fut incapable de maintenir à un tel niveau.

Nourri de telles richesses, Emmanuel Le Roy Ladurie complète son État royal (1460-1610) d'un second volume, l'Ancien Régime (1610-1770), qui parachève l'Histoire de France Hachette. Celle-ci compte désormais cinq tomes. Nul ne s'en plaindra.

Pierre Thibault

Archéologie

Henri Cosquer, scaphandrier, puis moniteur de plongée à Cassis, dans les Bouches-du-Rhône, a découvert dans une calanque une grotte préhistorique dont l'entrée était située sous le niveau de la mer.

Il s'agit d'abord d'un exploit sportif, car il fallait descendre à 37 m de profondeur, parcourir une galerie noyée très dangereuse longue de 150 mètres environ, avant de parvenir à une stupéfiante salle rupestre émergeant de l'eau, de 50 m sur 60 m, et de trois à quatre mètres de hauteur. Ses parois sont couvertes de peintures et de gravures de style magdalénien, pratiquement inconnu dans le sud-est de la France, qui datent du paléolithique supérieur (vers 12000-10000 avant notre ère).

Une année riche

La salle paraît avoir servi de sanctuaire en un temps où le niveau de la Méditerranée était 100 à 120 m plus bas qu'à présent. La nature a orné les lieux de draperies et de stalactites. Les artistes ont peint en noir des chevaux, bisons, bouquetins, cerfs, oiseaux, capridés, peut-être des phoques. Des dessins enchevêtrés, plus ou moins géométriques, sont tout à fait énigmatiques. Des empreintes de mains faites selon la technique de l'époque apparaissent parfois privées de phalanges, bizarrerie déjà connue dans plusieurs autres sites, sans explication certaine. Révélée en octobre et classée immédiatement monument historique, la grotte est bien protégée : l'accès a été bouché avec de grosses pierres par les soins de la Marine nationale.