Panorama
Alors que le délai séparant les découvertes scientifiques de leurs applications industrielles ne cesse de se raccourcir, l'attribution du prix Nobel de physique 1991 au Français Pierre-Gilles de Gennes prend valeur de symbole. Qualifié d'« Isaac Newton de notre temps » par le jury de l'Académie royale des sciences de Suède, le vingt-quatrième lauréat français du prix Nobel est, en effet, un spécialiste de la physique de la matière condensée qui a toujours pensé la science la plus fondamentale en terme d'applications industrielles.
Électronique, furtivité et logique floue
On sait quel puissant stimulant les conflits armés ont toujours constitué pour les techniques de pointe. Sous le seul aspect de la technologie militaire, la guerre du Golfe a révélé le rôle de l'électronique, désormais crucial pour la victoire. C'est à elle que les bombardiers, les avions de chasse ou de reconnaissance, les satellites d'observation et les armes « intelligentes » doivent toute leur efficacité.
Le conflit du Golfe a marqué aussi le triomphe de la furtivité, c'est-à-dire de la technologie permettant aux avions de combat d'échapper aux radars. Une quarantaine de chasseurs-bombardiers furtifs américains F-117 A ont été employés quotidiennement contre les cibles les mieux défendues de l'Irak sans aucune perte. À lui seul, l'avion furtif a touché, avec une réussite de 95 %, 43 % de l'ensemble des cibles irakiennes atteintes, alors qu'il n'a accompli que 3 % des sorties aériennes. À l'origine de ce succès : la discrétion radar des appareils, qui leur a permis d'arriver près de leurs objectifs sans être détectés et sans être accrochés par les conduites de tir radar des systèmes d'armes antiaériens, ainsi que l'extrême précision de leur armement à guidage terminal. Le concept de furtivité apparaît désormais comme une composante incontournable dans la conception des avions de combat.
Autre concept récent, souvent évoqué en 1991, cette fois dans le secteur industriel : la logique floue. Celle-ci vise à introduire la subjectivité humaine dans la technique. Encore peu utilisée aux États-Unis et en Europe, elle se banalise rapidement au Japon, où elle a trouvé ses premières applications dans le domaine de la commande ou du contrôle de systèmes automatiques variés, notamment sur des appareils destinés au grand public (aspirateurs, téléviseurs, lave-linge, Caméscopes, four à microondes...). Un système de commande flou est défini par une collection de règles du type « si..., alors » qui expriment comment doivent varier les paramètres de commande d'un système à piloter en fonction d'observations effectuées en sortie de ce système, afin d'atteindre ou de maintenir un état de fonctionnement désiré. Dans une machine à laver, par exemple, le contrôleur flou intervient pour déterminer la quantité d'eau en fonction du linge et pour choisir la durée du lavage selon le degré de saleté. D'une façon générale, la logique floue peut être mise à contribution dans de nombreux domaines où l'incertitude et l'imprécision des données et des règles reflètent l'aspect flexible de la pensée humaine.
Télécommunications : de nouveaux services
Pour les entreprises, mais aussi pour le grand public, une autre révolution s'amorce : celle qui accompagnera la multiplication des services de télécommunications. Après la banalisation de la télécopie, le radiotéléphone sort à son tour de la panoplie des gadgets luxueux ou des outils de travail de quelques professionnels. Inauguré à Strasbourg à l'automne 1991, avant d'être lancé à Paris en 1992, le service de radiotéléphonie numérique Pointel permet de passer des appels, en France ou à l'étranger, à l'aide d'un appareil portatif fonctionnant dans un rayon de 200 m autour de bornes radio prévues à cet effet. Dès 1992, le réseau radio-téléphonique cellulaire CSM permettra des communications téléphoniques avec des mobiles dans 17 pays européens. À l'horizon de cinq à dix ans, le développement des communications avec les mobiles et celui de nouveaux services dits « intelligents » (c'est-à-dire à valeur ajoutée) seront les deux évolutions les plus significatives en matière de télécommunications.